De bonnes résolutions...

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Lorsque l’on passe son temps à tenter d’innover, vient un moment où l’inspiration paraît épuisée… Chez un écrivain, cela débouche sur ce que l’on appelle « l’angoisse de la page blanche »… chez un artisan bijoutier, on pourrait parler de l’angoisse de l’écrin vide, sans doute.
Ce n’était pourtant pas une panne d’inspiration artistique qui motivait la venue d’Arsène dans cet endroit, mais plutôt quelque chose de l’ordre du personnel. Le cambrioleur français, en effet, venait là pour se renseigner sur ce qu’il était possible d’envisager pour améliorer ses collectes de fonds. Monsieur Lupin, effectivement, avait déjà fait usage de bien des artefacts pour pénétrer chez les gens riches du coin et voilà qu’il était à présent à bout d’idées… Enfin, pas tout à fait, mais il lui fallait calculer et prévoir beaucoup pour son prochain coup.
Non loin de la ville vivait une famille de noblions on ne peut plus pompeux et Arsène se voyait bien pénétrer chez eux et emporter leurs richesses et leur fierté tout en laissant sa petite carte de visite où il prendrait la peine d’ajouter une petite note humoristique pour dérouter plus encore le père de famille. Lupin avait repéré cette famille en suivant la fille – dix-sept ou dix-huit ans tout au plus – en ville lors d’une sortie incognito. Les temps avaient bien changé depuis ses premiers exploits et, il fallait bien se l’avouer, les choses changeantes n’étaient pas forcément dénuées d’intérêt…

*Ces jupes très courtes par exemple… on n’a rien inventé de mieux depuis l’automobile…*

Ainsi donc, le gentleman, s’il se laissait aller à apprécier certains charmes modernes, n’en oubliait pas moins ses habitudes et sa passion.
Dans ce petit bar où il était entré pour prendre un verre, il s’installa au comptoir, comme un poivrot qu’il n’était pas, dans le seul but de pouvoir guetter la sortie de la fille qu’il avait déjà repérée. Elle était belle, très belle, et il avait décidé d’en faire son quatre heures avant de visiter la maison de ses parents. Évidemment, Arsène n’en avait pas touché un seul mot à Irène, sa collocataire : celle-ci aurait sans doute réprouvé cela et Lupin aurait été obligé de promettre quelque chose qu’il n’avait aucunement l’intention de respecter. En somme, il choisissait d’être honnête avec Irène pour mieux la surprendre. Oui, car enfin, il faut bien le dire, Arsène aimait les bijoux et il aimait aussi faire plaisir aux jolies femmes. Irène Adler recevrait sous peu un joyau rare. Mais pas un bijou qu’il allait dérober chez les parents de la jolie demoiselle, non, bien sûr, il avait un magnifique collier de perles opalines dans sa planque. Il avait ce collier bien avant de quitter la France, nul ne pouvait en connaître la provenance et Arsène ne craignait rien de ce côté-là.

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Répugnant. Voilà ce qu’il était.
Du haut de son sourcil unique jusqu’au bas de sa cheville tatouée d’un sinistre œil, le Comte Olaf apparaissait comme une charmante loque complètement imbibée d’eau de mer dont il dégoulinait encore légèrement. Aucune partie de sa triste personne ne semblait avoir été épargnée par le liquide azoté.
Ses vêtements, ou ce qu’il en restait, pendaient fripés chiffonnés autour de ses membres décharnés et ses horribles pieds baignaient dans des chaussures inondées, ce qui provoquait un joyeux ‘splatch’ alors qu’il errait dans une rue inconnue et arpentée par des gens plus moches les uns que les autres. Un congrès d’individus hideux devait avoir lieu dans le coin, songeait le Comte avec un petit rictus d’autosatisfaction.
Soudain, il sentit quelque chose lui brûler la gorge et recracha un bout d’algue verte sur un passant écoeuré qui laissait savoir son mécontentement.

- « Lâchez-moi la grappe et allez me chercher un café plutôt que de geindre sur votre misérable sort qui ne vaut pas la peine que je m’y attarde. Et que ça saute ! »

Sur ce, Olaf se purgea vigoureusement une oreille bouchée par l’eau mais lorsqu’il en eut terminé il remarqua que l’homme avait pris la poudre d’Escampette.
Il se retourna et vit le fuyard prendre ses jambes à son cou.

- « EEeeeehhhhh !! Mon cafééééé !!! » s’écria-t-il de sa voix furieuse alors qu’il le prenait en chasse, à présent.

Après quelques mètres, il estima que ce passant avait une volonté beaucoup plus grande de lui échapper que lui de le rattraper. Il ralentit l’allure pour se retrouver enfin face à un bar où il se mira dans la vitre pendant quelques instants.
Le Comte Olaf n’avait pas toujours été cette misérable créature.
Avant son arrivée sur cette île dont il a dû s’échapper à la nage il était un tout autre homme.
En tant que kidnappeur et voleur d’héritages, il se devait d’avoir l’air de quelqu’un de splendide ! Il arrangerait ça plus tard.
Olaf devait d’abord ôter ce goût salé de la grotte qui lui servait de bouche.
C’est en donnant un grand coup de pied dans la porte que le Comte débarqua dans le bar.
De nombreux regards se portèrent sur lui alors qu’il projeta sa lourde valise près du comptoir où elle s’abattit avec un bruit sourd, faisant tomber deux tabourets avant de se caller sous les pieds d’un poivrot accoudé là.
Le gros cadenas qui ornait la malle tintait infernalement dans la pièce entière.
Le nouveau venu ramassa souplement un tabouret et s’y assis, cachant la vue de la pauvre âme à coté de lui. Olaf lui accorda un bref regard avant d’exiger une bibition qu’il ne payerait sûrement pas. Rien de plus facile que de fiche le camp d’un bistro sans avoir réglé la note.

- « Servez-moi un Whisky, j’ai passé une matinée absolument détestable. Et, oh pendant que vous y êtes, remplissez son verre aussi. » dit-il en désignant la personne à sa droite.

- « A mon glorieux retour ! » s’exclama t il en levant son verre entre ses doigts pareil à des serres de rapace.
Mais avant qu'il n'ai pu porter l'alcool à ses lèvres, une vibration secoua la poche de son pantalon rayé et quelques goûtes de Whisky vinrent s'écraser sur le comptoir où un vieux poisson ne tarda pas à les rejoindre.
Effectivement, aucun portable dans ce pantalon mais bien un poisson qui a dû s'y glisser lors de sa traversée à la nage.

- « Ayez l'obligeance de me le faire cuire, mon brave.»

La future friture n'en avait bien entendu aucune idée mais elle servirait bientôt à rétablir la pire fripouille que cette Terre n'ai jamais portée.

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Sirotant un verre de vin de Bordeaux de qualité, Arsène ne se retourna pas lorsque la porte s'ouvrit. Les bars étaient des lieux publics et n'importe qui pouvait y venir, évidemment. Ainsi, Lupin songeait, imaginant de nombreux scénarii possibles quant au déroulement de la scène où il offrirait son présent à sa charmante colocataire. Elle ne pourrait en être que ravie, un tel bijou était quasiment une oeuvre d'art. Cela ne se trouvait plus, cela ne se faisait plus. Deux excellentes raisons pour que le joyau soit perçu comme étant un présent venant réellement du fond du coeur. Et le gentleman-cambrioleur ne pourrait nier l'amitié qu'il portait à Irène Adler, forcément. Il avait appris à apprécier cette dame avec respect. De l'amitié pure et simple. Peut-être pas la plus pure, mais on n'en était pas bien loin...

Une odeur d'iode et de transpiration tira l'enseignant de ses pensées. Une silhouette très parfumée venait de prendre place non loin de lui. Arsène lui jeta un coup d'oeil en biais, et constata que cette chose était un homme, sans doute un pauvre ère perdu et sans le sou... mais non, le type commandait au barman comme vous et moi pourrions le faire. Et il offrit m^me à Lupin un autre verre de Bordeaux. Le Français ne put refuser et leva son verre à la santé de cet homme.

"Voilà ce que j'appelle une excellente initiative, monsieur ! A votre santé."

L'homme avait une apparence qui ne semblait pas vouloir dire grand-chose de sa personnalité. Il avait évoqué un glorieux retour, mais empestait la mer. Ce devait être une victime de mutinerie ou quelque chose comme cela qui avait fini par retrouver son chemin pour quitter son enfer personnel.
L'homme fouilla sa poche puis lança sur le comptoir un cabillaud de taille considérable.

"Une bête pareille ne se prépare pas n'importe comment... Faites-en quelque chose d'exceptionnellement bon, barman, et servez à cet homme ce qui convient à son retour !"

Mieux valait rentrer dans le jeu de ce type. Glorieux retour... cela pouvait signifier une possibilité de cambrioler quelque chose de valable...

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Le vicieux poisson frétillait encore lorsque le barman l’emmena en cuisine pour l’y décapiter sauvagement et le Comte Olaf, encouragé par l’intérêt que lui portait l’homme à ses cotés, délia sa langue avec un plaisir exquis car, après tout, la parole était son métier, le moyen par excellence pour embobiner les gens.
Combien de fois sa rhétorique et son aisance à laisser glisser les mots entre ses lèvres ne l’avaient elles pas sortis des pires galères ? Pour Olaf, la parole pour la parole suffisait amplement, il n’avait pas forcement besoin de sens du moment qu’il s’exclamait et qu’il cascadait dans les mots.
C’est donc d’un bond spectaculaire qu’il s’était dressé debout sur son tabouret afin d’être sûr de capter le regard de toute l’assistance des poivrots.
La main du Comte vint s’abattre dramatiquement sur sa poitrine et l’autre se figea théâtralement à coté de lui, frôlant les cheveux de son spectateur.

Précisément ! Mon retour !
Où diable suis-je allé ? Vous ne croyez pas si bien dire. Je reviens tout droit des Enfers, du Tartare, choisissez le terme qui vous convient, c’est pareil. Ce que vous en soupçonnez n’est rien comparé à ce que j’y ai vu !
Alors que je vivais d’un métier ardent, le harpon du Destin m’a embroché sans broncher et m’a précipité dans les profondeurs abyssales des Ténèbres ! Une liqueur saline et corsée s’évaporait de mon corps mais je ne pouvais pas laisser les Enfers me happer, pas maintenant, tandis que mes mains criaient vengeance ! Elles n’avaient pas encore effleuré l’héritage tant convoité, la fortune tant rêvée, les billets de banque tant désirés…

C’est donc avec force détermination que j’ai tourné le dos au Diable en personne et à ses généraux pour me laisser engloutir par l’Achéron impitoyable.
Lorsque j’émergeais enfin de l’eau en me cognant la tête à la barque de Charon, il me maudit de tous les noms mais je n’en avais cure. J’ai pu éviter le terrible Léviathan mais ses crocs étaient infestés d’envoûtantes sirènes qui en voulaient après mon délicieux corps d’Apollon.
Naturellement, les pulsions étant ce qu’elles sont, j’ai eu tôt fais de me délecter de leur chaires offertes. Les unes après les autres, j’en fis mon dîner sans aucune autre forme de procès.
Toutefois, avant que mon désir n’ait pu se déverser dans la dernière sirène, j’ai filé, discernant derrière moi le bruit des crocs du Léviathan se refermer sur les enivrantes habitantes des profondeurs.

C’est donc après avoir subtilisé la virginité de dizaines de sirènes que les flots m’envoyèrent tout droit dans les cheveux de Poséidon qui m’indiqua généreusement la route.
Et c’est ainsi que je suis atterri ici.
Merci, bonsoir. Rideau !

Tout au long de son récit teinté d’un chouilla d’exagération, le Comte Olaf avait accompli des gestes amples, témoignant de son vécu mythomane.
Il fit une révérence et resta courbé, attendant les acclamations hystériques du public.
En cuisine, le poisson était à point.

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Arsène avait été inspiré par je ne sais quelle force supérieure lorsqu'il s'était adressé avec tant de condescendance au nouvel arrivant. Cela avait eu, semblait-il, un effet assez étonnant : l'homme crasseux venait de se lancer dans un formidable monologue, une tirade digne de celle, célèbre, du nez de Cyrano, ou, mieux encore, une de ces répliques mordantes et pleines de verve que l'on pouvait rencontrer chez Shakespeare...
Bref, l'homme se montrait intarissable dans la peau d'un naufragé échoué, Dieu sait comment et pourquoi, finalement jusqu'ici, au prix, apparemment, d'efforts titanesques qui n'avaient, selon toute apparence, affaibli en rien notre homme.
Lupin était épaté de cette capacité qu'avait son interlocuteur à déblatérer de la sorte durant autant de temps en reprenant à peine son souffle. Lui, pendant le moment que durait cette fastidieuse et fastueuse tirade, avait continué à boire en silence, non sans observer celui qui venait de lui offrir un verre.
A la fin de ce discours, Arsène s'alluma un cigare et ne put retenir quelques applaudissements accompagnés d'un sourire bienveillant et presque admiratif.

"Ma foi, voilà qui est joliment déclamé ! Vous êtes à coup sûr l'un de ces grands artistes que l'on ne remarque pas au premier coup d'oeil... et je m'en veux de m'être mêlé à la masse et de ne pas avoir reconnu immédiatement en vous ce talentueux comédien que je vois à présent !"

Beau parleur comme toujours, le gentleman-cambrioleur tendit une main amicale à son interlocuteur.

"Paul Sernine, professeur de Lettres à l'université. Et vous êtes?"

[sorry pour le post court, je dois faire vite avant le redémarrage intempestif de ma bécane électronique]

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Toujours courbé, haletant, l’ouie du Comte Olaf ne détecta aucun son d’acclamation.
Les lèvres pincées, il se dit que son récit était sûrement trop subtil pour cette bande d’alcoolo, quand soudain un applaudissement résonna dans le bar miteux.
Surpris et surtout soulagé d’avoir été récompensé pour sa prestation, il se redressa brusquement pour voir l’auteur de la flatterie qui caressait sa grande vanité.
Il s’agissait de l’homme à qui il avait « offert » un verre un peu plus tôt.
Sachez bien que la raison principale qui a poussé le Comte Olaf à exercer son talent sur les planches d’un théâtre est la récolte d’ovations fulgurantes, qui lui procurent un plaisir inimaginable, à un tel point qu’il en est en extase totale, comme flottant sur un petit nuage de pollution.
D’ailleurs, dans son ancienne demeure, le Comte avait disposé devant une grande psyché toute une série de petits miroirs de telle sorte qu’ils étaient tous braqués au niveau des mains.
Ainsi, lorsque ses mains applaudissaient devant cette psyché, des centaines d’autres mains surgissaient pour l'acclamer à leur tour. Ce petit jeu pouvait durer des minutes, des heures !
A un tel point qu’un soir, la police vint sonner à sa porte pour tapage nocturne.
Deux jours plus tard, un feu se déclara innocemment dans la maison de la vieille inconsciente qui avait eut la folie d’appelé les gendarmes, quel audace ces vieux !

En tout cas, vous l’aurez deviné, la flatterie est son petit péché mignon et l’homme sur le tabouret, qui lui offrait à présent un sourire bienveillant, lui inspirait une profonde sympathie.
Tandis qu’Olaf descendait de sa scène/tabouret, l’individu lui livrait ce qu’il voulait entendre : de belles paroles finement prononcées accompagnées d’un soupçon d’admiration.
Alors que le Comte fit la sourde oreille pour l’insinuation concernant son aspect, il se précipita sur son unique public et lui saisit sa main tendue qui fut secouée par les tremblements de son enthousiasme.
Lorsque Paul Sernine lui demanda son identité, le Comte Olaf hésita longuement.
Devait-il utiliser un nom de substitution, comme il l’avait déjà fais tant de fois auparavant ?
Entre toutes ses nominations, le Comte avait une nette préférence pour ses propres anagrammes comme Léo Mactof, E.T. MacFool, Flo Tecoma ou encore E. Flocamot.
Coïncidence ? Son interlocuteur utilisait également une anagramme, à son insu bien sûr.
Il se décida enfin :

Comte Olaf, à votre service.

Il s’inclina derechef.

Nous sommes donc collègues d’art, très cher !
Oui, je suis également Professeur. L’art Dramatique est mon domaine, dit il en posant le dos de sa main sur son front, les yeux clos.
Cependant, cela n’exclus en aucun cas que nous pourrions êtres élèves l’un de l’autre.
Aussi, serais-je très intéressé de suivre vos leçons.
Je vous promets de ne pas avoir mal aux dents ! s’esclaffa-t-il en se rappelant la pièce d’Ionesco.
Où se situe votre résidence mon très très cher ? Pourriez vous éclairer ma lanterne sur les intrigues de ce quartier ?

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Spoiler:

La prestation du petit homme avait en elle-même quelque chose de tellement exagéré qu'on ne pouvait que se sentir forcé d'applaudir et d'acclamer le comédien. Mais en même temps, l'exagération semblait être intrinsèque au comédien. Par conséquent, le baroque, voire le kitsch, du petit spectacle réjouit Arsène comme s'il avait assisté là à un one man show phénoménal, jamais égalé dans le monde entier. Ses applaudissements, de forcés, étaient devenus plus sincères. Si l'homme avait improvisé, il était fort, très fort, et il méritait sa part de remerciements sous la forme d'acclamations et de clap clap clap.

Pourtant, malgré toute l'admiration que suscitait en Lupin la présence de ce comédien, notre gentleman-cambrioleur préféré avait choisi de se présenter sous une fausse identité. Il avait choisi l'un de ses nombreux pseudonymes, optant pour l'anagramme qu'il avait présentée à l'université où on l'avait engagé sans poser trop de questions. Il avait même failli y donner cours de droit. Admirable paradoxe! Fallait-il que le Français fût excellent lors de l'audition qu'il avait passée pour enseigner! On avait dû le prendre pour un avocat, lui, le plus redouté et le plus rusé des cambrioleurs, lui qui n'hésitait pas à faire des coups d'éclat dans le seul but de faire enrager les forces de l'ordre...

Arsène serra la main du comédien qui s'inclinait devant lui.

"Allons, Comte Olaf, gardez la tête haute, votre prestation mérite bien que votre visage soit connu de tous ceux ici qui vous ont vu et écouté et qui n'ont guère le courage d'affirmer leurs impressions !
Vous êtes talentueux et je suis heureux d'apprendre que nous sommes collègues !"

C'était le premier autre enseignant de l'université, Irène mise à part, dont Lupin faisait la connaissance. Et c'était prometteur. Les paroles que prononça, d'ailleurs, ensuite le Comte accrochèrent un sourire aux lèvres fines du gentleman.

"J'ai toujours beaucoup aimé le théâtre... mais de là à en faire moi-même, mon cher, il y a un monde de différence... Mais je vous promets de venir assister à l'une ou l'autre de vos leçons..." La référence à Ionesco mit un certain temps, et même un temps certain à cheminer jusqu'au siège du savoir d'Arsène (son cerveau, en un mot). "Quant à moi, je m'engage à ne pas vous assommer de passages de Calderón ou même du Cid... je sais à quel point les grands classiques perdent de leur charme à notre époque..."

Le prénommé Olaf demanda ensuite à Arsène où il vivait et s'il y avait des histoires qu'il était bon de connaître dans le coin. La première partie de la question était de loin la plus accessible.

"J'ai emménagé au 109, rue du Septième Art, avec une amie, Irène Adler... Elle enseigne également à l'université, dans le domaine du chant... Nous habitons l'appartement 501, au dernier étage, si un jour vous passez par là...
Je n'ai pas encore eu l'occasion de rencontrer beaucoup de gens intéressants dans le coin, ceci dit, j'ai cru comprendre que quelques-uns de nos étudiants vivent également dans cet immeuble.
Mais vous, mon cher ami, où avez-vous donc posé vos bagages? J'entends bien que cette ville est particulièrement jeune, dès lors, il est indéniable que la majorité de ses habitants ne sont pas de la région..."

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Décidément, ce Paul Sernine lui plaisait de plus en plus.
Cela venait en particulier du fait qu’il se montrait assez démonstratif dans son admiration, ce qui ne manquait certainement pas de faire fondre le Comte Olaf de délice.

Cet homme ne pouvait être que bien brave. Oh et pourtant… un pot de moutarde aussi est bien brave, mais même un pot de moutarde aurait sans doutes été moins chaleureux et moins piquant que ce gentleman ; néanmoins, je ne dis pas qu’un pot de moutarde ne peu pas être élégant, loin de là, mais ce n’est pas le sujet à l’ordre du jour.
Aujourd’hui, il s’agit d’un pot particulièrement particulier. Ce Paul, un contenant parfait, débordait de sauce fine et subtile, laissant apercevoir ce qu’il faut, mais pas trop.
En effet, muni d’un précieux couvercle de marbre, il ne laisse filtré uniquement que ce qu’il juge utile de dévoiler…
Et, le Comte Olaf aimait les pots de moutarde, ou plus précisément ce qu’il y trouvait, c’est-à-dire la moutarde, à proprement parler. Il appréciait à y enfoncer quelques saucisses quand une des Dames Poudrées de sa troupe daignait en préparer. (pour le dîner (dois-je le rajouter pour rassurer les gens aux esprits saugrenus ? ^^))
Bref, nous ne sommes pas ici pour savoir ce que fait Olaf avec les saucisses, ni dans quoi il les trempe, mais ceci était tout de même une légère approche imagée de ce qu’éprouvait le Comte à l’égard de Paul.
Il est vrai que notre triste sir n’aime personne, mis à part… lui bien entendu.
Cependant, il tolère ceux qui ont le grand honneur de reconnaître son génie, et ces gens là sont rares bizarrement… mais toutefois l’individu en faisait partie.

C’est donc avec une grande inspiration qu’il se projeta sur une table voisine où étaient accoudés deux poivrotes et qu’il s’y dressa de tout son long pour déclamer allègrement, de sa voix résonnante :

- Sachez mon ami, que le Comte ne pose ses bagages nulle part ! Comme le vent, il est libre de se faufiler n’importe où. Pareil que dans le Contes, et je compte bien ne pas changer cette habitude, foi de Comte !

Evidement, ce discours était faux de A à Z.
Olaf avait bien un endroit où poser ses bagages, d’ailleurs, il devait y emménager aujourd’hui même, mais il tenait à laisser planer une aura de mystère, d’indomptabilité entre lui et son interlocuteur. Cela attire la curiosité à coup sûr.

Il fit une pirouette extraordinaire en descendant de la table, ne remarquant même pas les poivrotes terrassées par la pestilentielle odeur des chaussures trop près de leur infortuné nez.
En une enjambée, il se planta devant Paul, lui adressa un large sourire et le fit soudain basculer en arrière, tel un danseur, sa main soutenant le dos de l’homme abasourdi.

Lorsqu’il l’eut suffisamment penché pour pouvoir atteindre sa vieille valise, il le redressa aussi net et mit les voiles à tout allure.
Le comte Olaf pensait avoir réussi sa sortie de la façon la plus spectaculaire possible et un sourire encore plus large crispait ses lèvres alors qu’elle courait, cette fripouille.

Mais une chose était pourtant certaine, jamais il ne vit la couleur de l’addition…

Spoiler: