Un procès en vue ? [PV Miles... et Cuddy, si elle veut]

Après un bref passage à la salle de musculation où Gregory n'était finalement pas parvenu à remplir l'objectif qu'il s'était fixé dans un premier temps, il avait dû revenir à l'hôpital pour "régler quelques petits trucs", comme il avait si bien dit à Barney Stinson, le type avec qui il allait en boîte de strip-tease le soir-même.
House avait deux heures devant lui. Et les "quelques petits trucs" qu'il devait régler, en réalité, allaient certainement prendre ces deux heures.

Cuddy l'avait prévenu en l'appelant ce matin - son jour de congé, soit dit en passant -, un magistrat allait passer le voir parce que l'un ou l'autre patient avait porté plainte contre le diagnosticien. Bon, c'était de la routine, ça. Greg avait quasiment l'habitude. Dans le pire des cas, il s'était retrouvé en taule, à cause d'un toucher rectal fait sur un inspecteur de police - Tritter - alors que celui-ci n'était pas dans l'exercice de ses fonctions. Cette histoire avait été difficile à vivre, mais House avait surpassé l'affaire et jamais plus ça n'était allé aussi loin. Heureusement.

Greg entra donc dans son bureau. Il avait quelques minutes de retard et un homme attendait déjà dans son bureau, les mains croisées dans le dos. Le type regardait les livres posés sur l'étagère et House ne trouva rien de mieux à dire que :

"Haut les mains !" en brandissant sa canne comme s'il s'était agi d'une carabine.

Après tout, ici, c'était son territoire. Il pouvait faire ce qu'il voulait, comme il le voulait. Carabine ou épée, ça restait une canne à la base, alors on ne pouvait pas lui reprocher de s'amuser un peu avec cet objet significatif de son infirmité... si ?

Spoiler:

Invité

Le Juge Winston avait pris sa retraite pour deux raisons. La première venait de son âge avancé, mais il ne pensait pas que cela fut un frein à l'exercice de son métier. La seconde raison fut plus déterminante, et était constituée d'une pile de dossier sur un seul et même cas.
Lorsque Miles, son jeune successeur, eut pénétré dans son bureau, il trouva la fameuse pile ainsi qu'un mot épinglé sur le dernier dossier en date. Ce mot disait :"Je vous souhaite bonne chance". Voila qui était encourageant. Et la pile de dossier concernait une seule personne : le Docteur House. Dans sa carrière de procureur, dieu sait qu'il en avait vu de toutes les couleurs : assassins à double personnalité, stars de cinéma sans scrupules, esprits de gens décédés qui profitaient d'une prêtresse pour assassiner à travers elle (chose hautement incroyable mais pourtant véridique). Mais vu ce qu'il avait devant les yeux, cela n'était que de la rigolade.

En tant que juge, Miles devait à tout prix rester objectif. Il avait constaté, à travers les dossiers, que le juge Winston perdait petit à petit de sa neutralité...face à un homme pareil, il ne pouvait pas faire de vieux os...
Il fallait dire que les affaires concernant le docteur House étaient particulièrement lourdes. Erreurs médicales, décisions aléatoires, obstructions à la voie normale, non respect de la hiérarchie....Assez beau palmarès pour un seul docteur !
Pour ne pas se laisser guider par les commentaires acides de son prédécesseur, Miles avait décidé de reprendre les dossiers à zero et de considérer uniquement les faits. Du coup, les dossiers avaient perdu en épaisseur (quelques centimètres, ne vous réjouissez pas trop vite, House !). En parallèle, Miles avait enquêté sur lui, et avait trouvé un portrait antinomique de cette personne. Il avait certes commis de graves erreurs (normalement, il aurait dû être renvoyé et finir ses diagnostics derrière des barreaux) mais en même temps, il avait sauvé de nombreuses vies alors que les cas étaient désespérés. Miles fronça les sourcils : il prenait parti en pensant cela.
Tous les dossiers étaient clos, mais une nouvelle plainte venait d'être adressée au Tribunal. Le mieux à faire était de rencontrer l'intéressé. Il décrocha le téléphone et contacta le docteur Cuddy, qui lui donna un rendez-vous avec le docteur Gregory House.

Le Jour J, Miles se présenta en avance à l'hôpital. Ni le docteur Cuddy, ni le docteur house n'étaient là. Pour la directrice de l'hôpital, il soupçonna qu'elle fut occupée sur un cas médical, il ne lui en tint pas rigueur. En revanche, pour Gregory House....Lisa Cuddy n'avait-elle pas dit que la convocation tombait lors d'un jour de congés de ce dernier ? Sans attendre, il demanda aux secrétaires médicales de lui montrer le bureau du Docteur House. Il y fut bientôt introduit, et ainsi il put commencer à s'imprégner de la personnalité de l'accusé, sans tenir compte des remarques du Juge Winston qui risquaient de brouiller son opinion. D'ailleurs, il n'avait pris avec lui aucun dossier. Son esprit méthodique et sa mémoire étaient largement suffisant.
A première vue, rien d'anormal (ne serait-ce que cette balle qui trainait sous le bureau). Il entreprit d'examiner l'étagère de livres lorsqu'il entendit une voix derrière lui. "Haut-les-mains", lui ordonnait-on ? Miles se tourna sans ciller vers l'arrivant.

Miles avait vu des photos de lui dans les dossiers, mais il était persuadé que même s'il ne l'avait jamais vu avant, il l'aurait reconnu.
Le docteur Gregory House avait un physique vraiment atypique (et le reste aussi, mais n'avançons pas trop vite).
Loin de tenir un fusil ou on ne sait quoi d'autre, House le menaçait avec sa canne. Miles ne réagit même pas, et se contenta de répondre sans transition.

- Docteur House, je suis le juge d'instruction Miles Edgeworth. Je remplace le Juge Winston qui était en charge de toutes vos affaires. Je viens vous rencontrer aujourd'hui au sujet d'un nouveau procès vous incriminant. La plainte a été déposée par la famille Clinson-Jones.

Ce type, dans son bureau, n'avait pas l'air d'un emmerdeur. Bizarre, tout de même. Mais Greg changea d'avis lorsque l'homme se présenta. Bam ! un juge d'instruction ? Wow, ça rigolait moins, là... House baissa sa canne pour s'y appuyer, l'air détendu.

"Tiens, ce bon vieux Winston vous a laissé sa place? On avait fini par devenir presque potes, lui et moi, à force de se voir..."

Le diagnosticien regarda un instant son interlocuteur, détaillant sa physionomie comme pour y déceler des symptômes, puis il alla s'asseoir derrière son bureau, sans prendre la peine de proposer à son invité de prendre place à son tour, et il alluma son ordinateur.
Pendant un petit moment, Gregory se tut et continua à regarder le juge, en faisant comme si de rien n'était. Et puis, sans prévenir, il pris son téléphone portable et composa le numéro d'un collègue. Quand celui-ci décrocha, House lui dit d'une traite :

"Bon, vous allez devoir me laisser maintenant, Cullen, un abcès anal vient d’exploser en gériatrie… ça devrait vous plaire !"

Et il raccrocha. Le but de la manoeuvre? Aucun. Juste un petit truc qu'il avait envie de faire et de dire à ce mannequin blond.
Quoi qu'il en soit, maintenant qu'il avait coupé la communication, House prévoyait de s'amuser à ce genre de petit jeu assez souvent. Car, oui, ça le faisait rire. C'est donc avec un sourire un peu mesquin que Greg revint à Edgeworth.

"Alors, qu'est-ce qui vous amène ici? Vous savez que c'est mon jour de congé, au moins?"

Tiens, ce serait une bonne idée de passer voir Cuddy pour lui demander de lui donner congé un autre jour de la semaine. Logique, puisqu'il avait dû se pointer aujourd'hui. Et non seulement Greg était là, mais, en plus, ça risquait d'être beaucoup moins drôle que d'avoir un cas. Cette perspective-là, heureusement, serait de toute façon suivie d'une soirée bien arrosée et bien sympa, avec Stinson, au club de strip-tease de la ville.

Maintenant que son ordinateur était lancé, House ouvrit le lecteur multimédia et mit un peu de musique. Du rock, bien sûr. Sa petite compilation personnelle. De quoi le mettre de bonne humeur.
Parce que, franchement, avec un type qui se présentait comme un juge d'instruction, dans son bureau, un mec guindé, trop propre sur lui et plus poli qu'un galet trouvé sur une plage.

"C'est qui, ça, Clinson-Jones ?"

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Miles regardait le médecin évoluer dans son bureau avec une aisance incroyable. Cet homme était vraiment très particulier, et il réalisait vraiment de façon concrète, et non par dossier interposé, le décalage entre lui et le commun des mortels. Était-il un fou ? Ou bien un génie ? Les deux à la fois, sûrement. Le Juge ne baissait pas le regard et se vit observé par ce médecin. Lui aussi, visiblement, était atteint de déformation professionnelle.
En tout cas, le moins qu'on puisse dire, c'est qu'il ne faisait pas preuve de curiosité ou de politesse, car au lieu de proposer un siège au visiteur, et de lui demander la raison de sa visite, il passa un coup de téléphone. Peut-être était-ce pour confier un dossier à une autre personne ? Ou alors plutôt pour se débarrasser. Oui, c'était plutôt ça. Il avait un ton particulier quand il parlait. C'était de l'amusement. C'est du moins ce qu'il lui semblait, mais cela n'était pas surprenant quand on connaissait le personnage.

Après avoir raccroché, il se décida enfin à faire attention au jeune juge. Miles sentait que cet homme aimait jouer avec les gens. Ce dont il venait d'être témoin en était la preuve. Il fallait se méfier de lui comme de la peste !

"J'aimerais vous dire, Docteur, que je suis venu pour une visite de courtoisie. Mais vous ne semblez pas vouloir perdre de temps avec la courtoisie, alors laissons tomber tout enrobage pour venir directement au fait."

Il fit une pause dans son discours et afficha un petit sourire en coin, sourire qui reflétait sur son visage un peu d'ironie.

"Je suis navré pour votre jour de congé, mais vous pourrez adresser vos plaintes directement à la Directrice. C'est elle qui a fixé le jour et l'heure. Mais vu que lorsque vous travaillez, vous êtes occupé à traiter des cas difficiles, il était logique que je puisse vous voir lors de vos congés. Son choix était assez judicieux."

Il entendit que le médecin avait mis de la musique. On pouvait vraiment dire qu'il ne prenait pas cette visite au sérieux. N'avait-il vraiment aucune idée de ce qu'il risquait en se confrontant à un juge d'instruction ? Après toutes les données figurant à son dossier, le moins qu'il puisse faire était d'afficher un profil bas.

"Vous devez avoir tellement de patients que vous ne pouvez pas vous souvenir de tous les cas. Clinson-Jones...Vous avez diagnostiqué à l'époux un syndrôme de Münchhausen (donc une maladie psychosomatique), alors qu'au final, il s'agissait d'une pathologie physiologique. Le patient a survécu mais sa famille a décidé de porter plainte, car ils considèrent qu'ils auraient dû être consultés avant l'attribution du traitement."

Spoiler:

Comme chacun sait, toutes les bonnes choses ont une fin. Même quand les bonnes choses en questions ne sont pas tout à fait de bonnes choses. Les préliminaires de la conversation établis, Greg constata que l’indésirable invité avait de bonnes raisons – ou pas – de venir squatter son bureau de la sorte.
Allons, bon… Edgeworth semblait pourtant être un type bien élevé, mais voilà qu’il voulait laisser tomber les froufrous pour passer directement aux faits. House resta égal à lui-même, après tout, l’enrobage, c’était surtout une perte de temps.

"La courtoisie, bah, c’est juste pour la forme, alors, peu importe. Mais ne vous attendez pas à ce que je sois poli et conciliant si vous préférez éviter cela."

Et là, l’homme eut un sourire. Un petit sourire un peu mesquin, de ceux que le diagnosticien voyait le plus souvent sur le visage de Cuddy quand elle le coinçait… un sourire qui demandait de bien réfléchir avant d’agir. Tiens, en parlant d’elle, d’ailleurs…

"Ouais, je me doute bien que l’idée ne vient pas de vous. Cuddy aime m’avoir dans les parages… normal, quand un cas se présente, c’est pas avec sa pratique des dossiers et des conférences qu’elle pourra arriver à le soigner !"

Gregory n’était pas à proprement parler un mec bien. Et ça, beaucoup l’apprenaient à leurs dépends. Mais là, il s’agissait de lui. Et le juge d’instruction n’était pas là pour rien, évidemment. Il n’avait pas l’air d’avoir envie de tailler une bavette ni de subir une endoscopie. La raison de sa venue était identifiable comme étant « Clinson-Jones », un nom qui ne disait rien à Greg, si ce n’est que Jones lui rappelait indubitablement un prof d’histoire aventurier répondant au prénom d’Indiana. Clinson… ça devait être une marque de rasoir ou un truc du genre.
Mais le juge était mieux renseigné que House. Et ça, ça fit son petit effet. House se leva et prit sa balle en main.

"Ah, évidemment, on ne sauve pas des vies sans prendre de risque. Vous devriez savoir ça, en tant que juge : on fait à peu près le même métier, au final. Traquer des preuves, récolter des témoignages, identifier des indices… et parfois, on se plante et on fout un innocent en taule. C’est pareil dans le diagnostic. Avouez tout de même que quand tout concorde, la solution qui colle le mieux est la première qui vous vient à l’esprit. Bon, peut-être que si on n’avait pas pratiqué l’anamnèse du cas, on aurait trouvé tout de suite la bonne réponse, mais il y a toujours un petit malin dans mon équipe pour aller questionner le cas et ses proches. A force, je plie, sinon mes larbins deviennent de vrais boulets."

Et voilà, en toute franchise, en lançant et rattrapant sa balle à plusieurs reprises. Rien de tout ce que Greg venait de dire n’était faux. Que du contraire, il avait même fait un effort d’empathie pour que le jargon médical ne vienne pas embrouiller son interlocuteur. Et à vrai dire, House ignorait tout à fait ce que cela donnerait.

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Cet homme devait être littéralement imbuvable. Miles n'était pas quelqu'un de facile professionnellement et personnellement, il pouvait se montrer des fois d'une ironie mordante agressive. Ses adversaires en avaient souvent fait les frais. Cependant, il n'atteignait pas le niveau du Docteur House. La façon dont il parlait du Docteur Cuddy, sa directrice, était insultante et irrespectueuse. Comment pouvait-on dire de tel chose d'un supérieur ? Avant d'être directrice d'établissement, le docteur Cuddy était aussi un médecin, elle n'avait pas fait carrière qu'avec de la théorie. Même si cette remarque agaça fortement Miles, il décida de ne pas s'engager sur ce terrain. Face à un homme comme lui, cela risquait de tourner au vinaigre. Déjà que l'entretien ne se déroulait pas sous les meilleurs hospices...

L'accusé commençait par ne plus se souvenir de son patient. Il n'en dit rien, mais cela se voyait à son regard. Comme s'il s'en fichait totalement. Contrairement à Carlisle, Gregory House voyait peut être les malades comme un bout de viande, un sujet d'étude, et non comme un être humain avec ses peurs, ses doutes, sa personnalité. Cela correspondait bien au personnage.
A une période de sa vie, Miles avait été ainsi. Son seul but était de gagner les procès, et se moquait profondément de la personne qui risquait sa vie au tribunal. Il avait même été jusqu'à dire des choses blessantes lors d'une audience, dans le seul et unique but de progresser dans l'affaire, mais il aurait pu le faire autrement. Il avait sciemment choisi cette horrible phrase. Quand il y repensait, il en frissonnait. Il était vraiment insensible. Heureusement, "IL" avait pu l'aider à changer et à devenir un humain.
Le Docteur House était plus vieux que lui et pourtant il se comportait toujours de manière odieuse. Qu'est-ce qui avait bien pu le faire devenir ainsi ? Le climat familial ? Une perte douloureuse ? Une enfance troublée ? Ou alors cela était juste sa nature ?

Peu troublé par la présence du magistrat, le médecin s'empara de sa balle (Miles s'était demandé ce qu'elle faisait ici) et commença à jouer avec. Miles fut étonné : cet homme était vraiment gonflé de faire ça devant lui ! il n'était pas seul, que diable ! Se montrait-il toujours indifférent à tout ?

C'est alors qu'il fut scotché par les arguments du médecin. CEla était très significatif du caractère de Gregory House. Il aurait fait un excellent procureur....Il avait un gout de la recherche, un talent de logique et un esprit tordu. A vrai dire, il avait tellement raison sur ce point que Miles fut désarçonné et eut quelques difficultés à se reprendre.

- Il y a une différence néanmoins entre le monde médical et le monde judiciaire. Les erreurs médicales provoquent plus de souffrance. En tout cas, dans votre façon de décrire ce qu'il s'est passé, l'erreur ne viendrait pas de vous, mais de vos collaborateurs. Pourtant, la plainte ne s'adresse pas à eux, mais bien à vous. Et puis, si vous êtes chef de service, pourquoi plieriez-vous devant les erreurs de vos collègues ? LA solution finale vous revient à vous, non ?

Jamais jusqu’ici House n’avait eu affaire à de véritables requins du barreau. La seule personne un peu boulet qui l’avait emmerdé avec des histoires de justice, c’était l’inspecteur Tritter. Un beau salaud, celui-là. Mais Edgeworth n’avait rien à voir avec lui, ça se voyait tout de suite. Et puis, un juge d’instruction, ce n’était pas n’importe quoi. Ni n’importe qui, d’ailleurs. Rien à voir avec un flic.
Jouant avec sa balle tout en parlant, Gregory observa le visage de son interlocuteur, tâchant d’y déceler des indices quant à l’attitude que le juge chercherait à adopter… ou à lui faire adopter, au fond. Et si House avait choisi un comportement de gosse de huit ans pour recevoir ce gars dans son bureau, c’était simplement par provocation. Par simple envie de jouer un peu. Car la vie, c’était chiant sans ce genre de délire.

S’il avait pu lire dans les pensées de son vis-à-vis, le diagnosticien s’en serait donné à cœur joie. Il aurait tout fait pour déstabiliser le procureur en lui ressortant des vérités sur sa vie personnelle et ce genre de trucs. Mais le visage de l’homme ne trahissait pas grand-chose. Il devait avoir suivi une formation à l’hermétisme. Peut-être que sa mère était une boîte Tupperware, même. Parfaite étanchéité émotionnelle. C’était intéressant.

La petite comparaison que fit Greg entre son métier et la profession de Miles laissa un moment le magistrat sans voix. Au fond, il n’avait pas tort, il y avait pas mal de parallèles à faire entre les deux mondes. De quoi être fier pendant le court silence qui s’instaura. Mais déjà, le juge Edgeworth se reprenait et renchérissait, comme seules les pécores du barreau en sont capables.
Shit. Le bougre n’avait pas tort. Pas la peine de jouer cartes sur table pour autant. Faisant mine de frissonner, House répondit d’abord :

"Ah, s’il vous plait, ne m’associez pas à la « solution finale », juge, je n’étais même pas né et je n’ai aucune ascendance allemande !"

Une petite blague pas terrible, mais le diagnosticien n’avait pas pu s’en empêcher. Il se remit à jongler avec sa balle puis reprit, de manière un peu plus sérieuse, même s’il était difficile pour la plupart des gens de savoir quand le médecin rigolait et quand il disait la vérité :

"Ok, je suis chef de service. Mais j’ai couché pour arriver là… les responsabilités, c’est pas mon truc. Quand les larbins m’ont exposé l’histoire, j’ai dit oui pour qu’ils me foutent la paix. Faut dire que j’étais occupé à régler quelques trucs avec ma mère et que le diagnostic par téléphone, c’est pas le top pour observer les symptômes.
De toute façon, le cas Clinson-Jones n’avait rien à faire dans mon département et pour ça, c’est Cuddy qui est en tort. Demandez un peu aux plaignants de décrire le docteur House. Ils ne m’ont jamais vu, alors ça m’étonnerait que je sois la personne que vous cherchez."

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Miles ne quittait pas des yeux le docteur House. Cet homme était vraiment insaisissable. Comment pouvait-il jouer avec un ballon alors qu'il était face à un homme qui allait l'interroger, le juger, le convoquer au tribunal et qui, en définitive, avait son avenir entre ses mains ?
Déjà qu'il était en position de faiblesse, Miles avait sorti une parole fatale. Au lieu d'utiliser le mot "décision finale", il avait dit "solution finale". Ce qui, quand on connait le sens caché derrière cette expression, ne signifie pas la même chose et revient même à devenir insultant selon le cas. Le Docteur House sembla s'en amuser mais il ne lâcha pas l'affaire en relevant justement l'erreur commise par le jeune juge d'instruction. Intérieurement, Miles se maudit : ce médecin le perturbait au point qu'il perde de sa légendaire rhétorique ? Il devait se montrer prudent. Loin de se laisser démonter par son erreur, il afficha un petit sourire, haussa les épaules en levant les mains vers le ciel. C'était un de ses tics de comportement qu'il affichait au tribunal quand il se montrait sarcastique.

- Allons, Docteur. Ne me dites pas que vous avez pris ma remarque au mot, et que vous vous êtes senti comparé à un Nazi. Vous vous doutez bien que ce n'était pas mon intention.

Et voila comment retourner une blague contre son envoyeur, en mettant en doute son répondant. Il n'était pas question de se laisser embourber par le charisme de son médecin. Il était sûrement un génie dans son domaine, mais c'était aussi le cas de Miles. Il ne lâcherait pas le morceau. Car même s'il ressentait beaucoup d'antipathie pour cet homme, son but n'était pas de le condamner. Il voulait juste la vérité. Et il parviendrait à l'atteindre, malgré les embûches qui encombraient sa route.

De nouveau, le médecin reprenait son discours où il fallait différencier railleries et réalité. Dieu sait que cet homme n'aidait pas beaucoup son vis-à-vis. Ses paroles étaient truffées d'ironie et de condescendance, à un point qu'on ne distinguait rien de pertinent. Miles allait devoir approfondir. Et la tournure que prenait cette rencontre lui déplaisait au plus haut point.

- Si je saisis bien votre raisonnement, vous êtes chef de service par erreur et non par compétence. Vous vous reposez uniquement sur vos collègues qui doivent endosser votre responsabilité au risque de mettre des patients en danger. Vous ne daignez même pas visiter vos patients qui sont dans votre service par le choix de votre directeur, qu'il soit légitime ou non. Soit vous êtes franc et dans ce cas, vous êtes le pire des charlatans, soit vous me mentez du début jusqu'à la fin et cela peut être retenu contre vous comme outrage à magistrat.

Il s'approcha alors du Docteur House et profitant d'un moment où il lançait sa balle au dessus de lui, Miles intercepta le jouet et le conserva entre ses deux mains. Tout en se déplaçant à travers la pièce, il commença à le faire passer d'une main à l'autre tout en réfléchissant à voix haute. Tout ça n'est que mise en scène, bien entendu. Il avait déjà son idée en tête au moment même où il subtilisait la balle.

- Je n'irai pas par quatre chemins. Votre dossier, que j'ai lu chez mon prédécesseur, le Juge Winston, est très équivoque à votre sujet. Mais le pire pour vous reste encore votre démélé avec l'Inspecteur Tritter. Une histoire fâcheuse, qui vous a vraiment porté préjudice. Ce nouveau dossier, l'affaire Clinson-Jones, est plus dangereux pour vous que tout ce que vous avez pu faire auparavant. Justement à cause de cet inspecteur. Et je dis bien pour vous. Pas pour votre carrière. Car derrière les barreaux d'une prison, une carrière ne devient qu'un souvenir lointain qui s'efface au fil des jours. Et si solide soyez-vous, sachez que nul homme ne peut rester indemme après une incarcération longue.

Il arrête de marcher, se met juste devant le bureau de House. Il pose ses reins contre le meuble (pas juste devant House, afin de lui laisser la vue sur le reste de la pièce) et bloque la balle entre ses deux mains.

- Il va falloir que nous jouions franc-jeu, vous et moi. Je ne suis pas là pour vous incarcérer, mais pour enquêter. Si vous voulez avoir une chance, il va falloir vous montrer très sérieux.

Il met ses mains en coupe sous le ballon, et le pousse à la manière d'un basketteur, dans les airs. La balle retombe exactement dans la corbeille à papier se trouvant à gauche du Docteur House, c'est-à-dire dans le dos de Miles. Sans prendre la peine de se retourner, il dit tout simplement, avec le plus grand sérieux.

- Je vous écoute, Docteur Gregory House.

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