"Autopsia et papota" (titre en latin) [PV Jordynette]

Quand votre patronne vous ennuie, la seule chose à faire, c'est foutre le camp. Et c'est bien ce que Greg avait fait en ce début d'après-midi. Il ne voulait pas rester à l'hôpital pour la simple et bonne raison que Cuddy le cherchait partout à l'intérieur des bâtiments. Même si le diagnosticien avait passé la matinée à changer de cachette, mieux valait trainer ailleurs, à présent. Alors, House avait chopé un dossier au hasard parmi le fourbi qui était entassé sur son bureau et il avait attrapé l'ascenseur juste à temps pour voir Cuddy au bout du couloir. Ding ! Rez-de-chaussée et hopla, dehors, avec un bref "Je reviens plus tard" laissé comme un mot d'explication à la bonne femme de l'accueil.

Gregory avait bien une petite idée. Il ne comptait pas trainer dans les alentours de l'hosto. C'était le meilleur moyen pour tomber sur Wilson ou même Cullen. Un endroit plus "lointain" était donc bien plus indiqué. Et très rapidement, l'idée lui était venue de retrouver Jordan Cavanaugh. Il l'aimait bien, cette femme. Elle était marrante et un peu comme lui, au fond, pour certaines choses. Ils avaient passé quelques heures à se parler sur msn, suite à une visite de blog, ou un truc du genre, et désormais, Greg estimait qu'il connaissait suffisamment Jordan pour venir s'incruster à son boulot.

Bon, entrer dans un commissariat, ce n'était pas que House préférait. Mais au moins, là, il était sûr que Cuddy ne viendrait pas le chercher pour faire des consultations. Le dossier à la main, le médecin passa devant le bureau des standardistes - il ne savait pas comment on appelait ces flics qui faisaient l'accueil - et suivit les flèches indiquant le laboratoire du légiste.

"Cavanaugh est par là?"

Le hochement de tête du flic donna à House envie de rigoler. Dingue ce que ces types semblaient détester leur job !
Arrivé devant la porte du labo, Greg l'ouvrit à la volée, sans frapper.

"Jordan, j'ai besoin d'un avis..." Il lâcha le dossier devant elle, sans faire attention de ce sur quoi il laissait tomber ça. "Tu sais autopsier le dossier pour moi ?"

Invité

Y a des jours, tout se passe... bien. Si, si ! Je vous assure ! Des jours où tout commence sans accroc, où l'on passe des moments agréables, même au boulot... Tenez, pour Jordan, par exemple. Ce jour-là avait bien commencé. Pour une fois, elle avait pris le service à une heure décente - huit heures - au lieu d'être appelée en plein milieu de la nuit pour une urgence. Au lieu de passer sa matinée à enchaîner les autopsies - non que cela la dérangeât particulièrement, cela dit - elle avait eu le temps de se mettre à jour dans ses analyses, et de liquider la paperasse accumulée sur son bureau depuis des mois, et même (même !!!) d'accorder au nouveau stagiaire les 15 minutes d'attention qu'il mendiait depuis trois semaines. Il était gentil d'ailleurs, le nouveau. Parfois un peu klingon sur les bords - rooh, Jordan, on a dit plus de méchancetés sur les surdoués ! - mais passionné, attentif, et plutôt doué. Rien que pour ça, Jordan était de bonne humeur : ça la changeait des boulets qu'elle se traînait depuis qu'elle avait été nommée chef de service.

Après une pause déjeuner qu'elle avait - une fois n'est pas coutume - passée au restaurant avec un ou deux enquêteurs et des spécialistes du labo avec qui elle s'entendait bien, elle était revenue au labo pour s'attaquer à une analyse pointue de tissu cérébral, prélevé sur une scène de crime. Un crime sans corps, comme c'est chouette... C'est donc en combinaison de travail, queue de cheval, gants et masque stériles qu'elle était pour l'heure penchée sur un échantillon de cervelle dont son petit doigt -- et ses quinze ans de pratique -- lui disai(en)t qu'elle ne tirerait pas grand chose : la neige carbonique dans laquelle on l'avait retrouver avait dû le frire par le froid.

L'irruption dans son labo - dont, pourtant, l'accès était censé être strictement réglementé... mais c'était le "censé" qui faisait toute la différence - d'un olibrius nommé Greg House lui arracha un soupir et un aller-retour de ses yeux entre le plafond et son ouvrage. Elle eut cependant la précaution élémentaire de mettre à l'abri la partie de l'échantillon qui ne se trouvait pas sous le microscope - précaution qui s'avéra payante, quand un dossier vint atterrir sur son plan de travail. Jordan prit le temps, sans répondre, d'achever sa note et d'éteindre le microscope électronique, avant de relever les yeux vers House en détachant son masque.

Greg, je suis légiste, je ne m'occupe que des morts. Quand tu l'auras tué, tu me l'amènes et je te dirai ce que tu as loupé. Mais avant, tu te le gardes, ton dossier.

Elle soupira et ôta ses gants, qu'elle jeta dans la poubelle la plus proche avec son masque.

Comment tu as fait pour rentrer, tu as fait de l'oeil au planton de service, où ils sont partis se payer une pinte en oubliant de m'inviter comme d'hab ?

C'était comme ça, les potes de Greg. Il les choisissait et il les emmerdait. A peine entré dans le laboratoire de Cavanaugh, House avait balancé son dossier sur le bureau de cette dernière, avant de se jeter sur le fauteuil Imperator à roulettes qu'il y avait là. Et ziouuuup, ledit fauteuil parcourut quelques mètres, puis le médecin changea de trajectoire grâce à un coup de canne contre un casier métallique. Le tout, faut-il le dire, faisait un boucan d'enfer. Ce qui tombait bien puisque Gregory n'avait pas très envie d'écouter les excuses de sa pote. Encore un p'tit coup de canne sur un mur et c'était reparti...

"Bah, c'était juste un prétexte pour venir te voir. Je ne sais même pas si c'est un vrai dossier ou si c'est une couverture dans laquelle j'ai foutu un porno... t'as qu'à jeter un coup d'oeil... c'est peut-être des photoshoots de moi dans des positions sexy, tu sais... Tu devrais vraiment regarder ça !"

C'était tout à fait faux. S'il avait pris le dossier qu'il faisait toujours semblant d'étudier de près quand Cuddy approchait, alors c'était un porno. Sinon, ça ne pouvait être qu'un vrai dossier. Mais au fond, ça n'avait aucune espèce d'importance.
Roll roll roll... Greg venait encore de traverser la pièce sur le fauteuil à roulettes. Il s'arrêta juste à côté de la légiste et lui embrassa la joue.

"Je suis passé par la porte, en faisant semblant d'être quelqu'un d'important. Ces cons de flics n'y voient que du feu et ne me questionnent même pas." Pause de deux secondes. "Eh quoi, ils ne t'invitent jamais? Dans ces cas-là, tu dois t'inviter, Jordan ! Ne me dis pas que tu ne sais pas comment ça marche ! Regarde, moi, je me gêne pas. Et c'est rare qu'on me foute dehors..."

Se rendant compte que ces dernières paroles pouvaient donner des idées à Cavanaugh, Greg donna un coup du pied gauche dans le bureau pour traverser le laboratoire dans l'autre sens, revenant à l'armoire.

"... mais ne t'avise pas d'essayer, je suis peut-être la seule personne ici qui est capable de t'inviter pour quelques verres, un film, des pizzas ou ce genre d'inventions géniales qui nous entourent !"

Avec un sourire à peine forcé, House sortit de la poche de sa veste sa boîte de Vicodin. Il y avait un moment qu'il n'en avait pas pris. Quelques heures, au moins. Alors, autant remédier tout de suite à cet oubli. Hop, le cachet voltigea quelques dizaines de centimètres au-dessus de la tête du diagnosticien avant d'atterrir directement dans sa bouche.

"Tu bosses sur quoi aujourd'hui ? C'est une mort sympa ?"

Invité

Relevant la tête, Jordan eut une légère grimace mi-amusée mi-désespérée face à l'attitude de Greg. Visiblement, House l'avait adoptée comme étant sa baby-sitter du jour, et il ne serait pas possible de le faire changer d'avis. Bon. Encore heureux que ce n'était pas un jour de grande affluence à la morgue, elle se voyait déjà obligée de le flanquer au frigo pour être tranquille... Elle eut un sourire face à sa remarque quant au contenu potentiel du dossier et se contenta de le refermer sans y jeter de regard, le repoussant légèrement tout en suivant les allers-retours de Greg des yeux. Elle se laissa embrasser avec un léger haussement d'épaules.

M'incruster dans un groupe de gros lourds qui me prendront la tête à défaut d'autre chose ? Merci bien ! Plutôt picoler dans mon coin. Le seul autorisé à me prendre la tête c'est mon psy et c'est tout.

Tiens, en parlant de picoler... Elle alla ouvrir un casier réfrigéré sur lequel était marque "hors service" et en tira deux bouteilles de bière qu'elle éleva de façon à ce que Greg puisse voir.

Au fait, ça t'intéresse ?

Elle en posa une sur son bureau, à portée de la main de son pote quand il reviendrait faire un aller-retour, et décapsula la sienne, dont elle descendit une première gorgée avec un demi-sourire. Avantage incontestable à être chef de service : n'importe lequel de ses subordonnés l'aurait fait, elle l'aurait démonté. Heureusement, dans son bureau, il n'était pas question de milieu stérile ni de preuves à ne pas compromettre. Elle se cala sur le bord de son bureau et répliqua à la remarque de son visiteur :

Dis tout de suite que je suis trop vieille pour décrocher une invit autre que la tienne ! Naméwo !

Elle eut une grimace pour démentir l'éventuel sérieux de ses paroles. Jordan était chatouilleuse sur la question de son âge, de près ou de loin. Tous ceux qui la connaissaient un peu le savaient, mais elle était la première à en faire un sujet de plaisanterie. Elle haussa les épaules et reprit une gorgée de sa bière avant de répondre :

Je sais pas. On a retrouvé des bouts de cerveau, mais pas de corps. C'est p't'être un zombie en balade qui a laissé des miettes de son casse-croûte...

Elle défit machinalement sa queue de cheval qui lui faisait mal à force de tirer ses cheveux en arrière, et lâcha :

Et toi ? tes baby-sitters habituels t'ont lâché, ou tu les as épuisés ?

Ces fauteuils Imperator, c'était la grande classe. Il ne manquait que quelques décorations bien trouvées et bien placées pour en faire le moyen de transport idéal. Roll roll roll... Greg se déplaçait de manière un peu chaotique, bien sûr, mais il s'amusait bien. Et puis, rien que pour voir comment sa pote réagissait quand il faisait l'andouille comme ça, ça valait la peine d'être là à rouler sur un fauteuil de bureau.

"Juste ton psy ? ça manque pas un peu de piment, ça ? Franchement, essaye de te prendre la tête avec ton coloc'. J'ai testé sur Watson, c'est bien marrant. Tu lui piques son p'tit-déj', tu planques ses caleçons dans le four, ses cravates dans les poubelles... ça donne un sens à la vie, tu sais !"

Bon, évidemment, Watson n'avait pas encore eu l'occasion de se rendre compte de toutes ces petites blagues que lui avait préparées Gregory. Mais c'était ça le plus marrant. Quand allait-il s'en rendre compte? ça mettait du suspense de son côté à lui aussi, mine de rien.
Comme Cavanaugh lui proposer une bière, le fauteuil fut comme attiré vers l'amie. Phénomène étrange mais tout à fait symptomatique. Rouler, ça donnait soif.

"Yep ! T'as l'air équipée, dis donc..."

Et pchiiiit, la bouteille fut vite décapsulée. Elle tinta contre le goulot de celle de la légiste avant de suivre le chemin vers la bouche du diagnosticien qui venait de jeter la tête en arrière. Il but ainsi un bon tiers de la bouteille avant de revenir à un port de tête plus "normal".

"Tssss, j'ai jamais parlé de ton âge ou de ta ménopause, ma vieille ! Ici, dans cette pièce, si ce n'est pas moi qui t'invite, c'est toi qui t'invites... et si tu t'invites, c'est aussi pathétique que de chercher un rencard sur le net. Et puis, mon invitation, c'est pas donné à n'importe qui, tu sais...
Entre nous, je me sers des coffres réfrigérants de la morgue de l'hosto pour planquer toutes les bouteilles de bières ou d'alcool que je trouve un peu partout dans l'hôpital."

House fit un grand sourire idiot. Il avait ponctué son petit speech d'une série de grimaces et d'écarquillements d'yeux. Toujours installé sur ce fameux fauteuil, le médecin s'approcha un peu plus de la cervelle en bocal étiqueté et regarda ça de plus près.

"C'est dingue, la cervelle, ça me donne toujours envie de pop-corn !"

Ce devait être à cause de l'aspect. Pas de la couleur, ici c'était assez sanguinolent. Le proprio de ce cerveau avait soit eu le crâne explosé par un bulldozer, soit il était né avec une grenade entre les deux hémisphères. Mouais, ça donnait faim, tout ça. Levant les yeux vers Jordan, House reprit :

"Ni l'un ni l'autre. Je me suis barré, simplement. Un peu marre de jouer à cache-cache. Et puis, j'avais envie de venir voir ton domaine..."

Invité

Jordan plissa les yeux à l'évocation de Crane et eut un sourire gourmand.

Oh, non, ça ne manque pas de piquant du tout. Ce gars-là bat tous les records de l'esprit caustique. Un temps, puis elle ajouta, songeuse : Enfin peut-être pas toi, mais de toutes façons vous n'avez pas le même style du tout.

Elle reprit une gorgée.

Quant à mon coloc, s'il me prend quelque chose, ce n'est certainement pas la tête. Et ça me va très bien comme ça.

Jordan marqua une pause et s'assit en tailleur sur son bureau, jouant avec sa bouteille sérieusement mise à mal d'un air absent. Elle eut un demi-sourire à la remarque appréciatrice de Greg.

Eh, qu'est-ce que tu crois ? Chuis irlandaise, moi à la base, me faut ma dose !

Elle laissa échapper un rire, continuant à suivre Greg du regard. Tant qu'il se contentait de faire mumuse avec son fauteuil, la légiste n'y voyait pas trop d'inconvénients. Par contre s'il s'avisait d'aller voir ailleurs si le chrome y était plus brillant, là, ils seraient moins copains d'un coup d'un seul... Achevant la bouteille, elle la jeta d'un geste maîtrisé dans la corbeille qui se trouvait dans le coin opposé.

Ouais, ben tu évites le "ma vieille", alors, primo, et deuxio, j'en suis pas encore au point de m'inscrire sur un site de rencontre, merci bien ! Elle eut une grimace. Plutôt finir tatie Danielle ! UN temps. Et sinon, je suis censée être honorée ? Nan parce que faut le dire, j'aurais su, je me serais fendue d'une jupe et d'un décolleté plongeant... encore que, sur moi, ça n'aurait probablement pas eu l'effet escompté.

Elle eut un sourire, qui se transforma en mine déconfite.

Ah bon ? c'était à toi, les bouteilles ? Roh, merde, moi qui croyais que c'était des cadeaux d'un admirateur...

Elle s'étira un peu et se releva.

Bof, tu vois, rien de bien spécial. Trop petit pour pouvoir faire du boulot sérieux... va certainement falloir que je retourne me fighter avec ta boss pour obtenir qu'elle nous re-loue les sous-sols de l'hôpital pour qu'on puisse y installer le gros de nos locaux. Remarque, ça veut dire que tu n'auras pas à aller si loin la prochaine fois que tu voudras qu'elle te foute la paix, tu descends un peu et on te planque dans un frigo...

Au bout d'un moment, le fauteuil finit par s'immobiliser au milieu du laboratoire. Précisément lorsque Cavanaugh expliqua ses histoires de psy. Bah, Greg n'était pas concerné, si? Il but encore un peu de sa bière, puis haussa les épaules.

"T'as pas à te justifier par rapport à moi, Jordynette... Je ne suis pas jaloux de ton psy, d'ailleurs je détesterai être ton psy, je pense. J'imagine déjà les cochonneries que tu pourrais me raconter, couchée sur un divan ! Remarque, les cochonneries, j'aime bien, généralement..."

Avec un sourire innocent, le médecin laissa le sujet en suspens. Même s'il était du genre à aimer entendre les récits de galipettes de ses potes tout autant que raconter des conneries sur ses sous-fifres et sa patronne. Faut dire que House avait tendance à laisser trainer son oreille un peu partout quand il s'agissait de certains sujets. Et quand ce n'était pas la sienne, il s'arrangeait pour laisser trainer l'oreille de quelqu'un d'autre à sa place.
Et hop, le diagnosticien vida sa bouteille et la lança, tel un basketteur, vers la corbeille... contre le bord de laquelle elle rebondit avant de venir s'ébrécher considérablement sur le sol du labo.

"Tu crois que les Américains n'en ont pas besoin, de leur dose? Remarque, j'ai peut-être un côté irlandais pour la bière, écossais pour le whisky, russe pour la vodka, japonais pour le saké... une vraie bande cosmopolite à moi tout seul!"

Et revoilà le refrain traditionnel des femmes quadragénaires... Mais qu'est-ce qu'elles avaient toutes avec leur âge? Greg ne faisait pas tant d'histoires, pourtant, les 50 ans, il les avait. Et ça n'avait pas empêché une fille de 16 ou 17 ans de flasher sur lui... bon, ok, elle avait des spores dans le cervelet, mais même...

"Ok, mon enfant, j'arrête ça, alors... et les sites de rencontres, on s'en fout. J'avais pas de comparaison sexuelle en tête alors j'ai sorti ça. Sinon, oui, tu peux te sentir flattée... et le décolleté et la jupe, je ne suis jamais contre, tant que ça fait ressortir ton côté amazone... puis c'est facile à enlever, alors je peux te déshabiller du regard comme je veux. Tandis qu'avec ta salopette d'ouvrière, c'est pas très sex'..."

Mais bon, Gregory n'était pas censé fantasmer sur son amie, après tout. Alors mieux valait qu'elle porte des sacs à patates sur le dos plutôt que des tailleurs moulants et classieux...

"C'est juste une planque, tu sais. Tu peux te servir... mais la prochaine fois que tu fais la bringue à la morgue, tu me bippes et on sera deux pour déconner !
Tiens, pour que tu aies les sous-sols, tu veux que je les demandes pour moi à Cuddy? Y a pas photo, elle me dira non et t'auras ton oui tout de suite..."

Invité

Jordan eut un demi-sourire amusé.

Toujours à l'affût des histoires de coucheries, à ce que je vois. Désolée, avec lui le bilan est vierge. Et puis il me faut plus d'une bière pour m'épancher à ce sujet...

Léger appel du pied. Et bizarrement, elle doutait que le sous-entendu resterait ignoré bien longtemps. Elle évalua mentalement ses réserves... bah, au pire, elle pourrait toujours aller taper dans la salle de repos du commissariat, il suffisait de connaître les cachettes. Elle eut un léger rire.

Une vraie auberge espagnole à toi tout seul, quoi... on rajoute portugais pour le porto, je suppose ?

Se rasseyant sur le bord du bureau, jambes croisées battant le vide, elle eut une grimace.

Non, mais je déconne, hein ? Tu peux bien m'appeler comme tu veux, je m'en fous, tu es bien le dernier avec qui je penserais à me vexer. Puis prenant la pose pin-up : Roh, c'est sûr, j'ai la dégaine qui irait avec ! J's'rais belle, nan, sapée comme ta patronne ? Nan, je sais, ce qu'il me faut, c'est l'uniforme d'infirmière version sexy, bas-résille et talons hauts !

Elle éclata de rire en imaginant le résultat pathétique que cela donnerait, avant d'embrayer.

En plus, avec le sang qui gicle de partout, ça serait très hot, le résultat ! Remarque, ajouta-t-elle après un temps de pause, ça m'est arrivé une fois de faire une autopsie en robe fendue et talons aiguilles. Mes collègues ont halluciné, à croire que c'était la première fois qu'ils réalisaient que j'étais de sexe féminin...

Jordan secoua la tête à ce souvenir. Bon, ok, en temps normal, elle ne faisait pas grand chose pour rappeler aux gens qui l'entouraient qu'elle était du genre femelle. Mais en même temps, elle ne le cachait pas non plus, et il fallait quand même être bien miro pour ne pas le voir ! Non ? Bon, ok, n'en parlons plus.

Et merci de ta générosité, grand chef, je n'hésiterai pas à en abuser. Et pas bête, la stratégie, mais si elle dit oui pour t'emmerder, on aura l'air fins !

Tssss, décidément, cette femme ne changerait jamais. Jusqu’ici, House avait eu beau essayer toutes sortes de stratagèmes pour aborder le sujet cul et coucheries. Dans la loge du concierge, la première fois qu’ils s’étaient rencontrés, il avait même carrément tenté de lui faire du rentre-dedans. Mais rien n’y avait fait. Alors voilà, finalement, Greg avait arrêté d’essayer et s’était dit qu’ils pouvaient être potes, elle et lui. Et puis, franchement, entendre Jordy lui raconter des histoires de cul, ça le tentait bien.

"Roh, mais qu’est-ce que vous avez toutes à ne jamais parler de ça ? C’est la nature, bon sang ! Y a pas de quoi se taire…" Il jeta un coup d’œil vers le frigo affichant « hors service ». "Il t’en faudrait combien, des bières, pour tout me dire ?"

Entre potes, ils pouvaient bien s’offrir une séance de beuverie et de récits de leurs exploits, non ? Et puis de leurs fantasmes, aussi. Greg était toujours partant pour ce genre de petites soirées-là.

"Ah oui, tiens, je l’avais oublié celui-là… Enfin, bref, tu vois, je suis très éclectique pour les boissons… et puis, avec les litres d’alcool que t’as piqué dans le tiroir du type mort d’un cancer généralisé – il est mort en trois jours, tu sais ! – tu peux bien te faire pardonner en m’aidant à me souler et en étant ma partenaire d’alcool du jour… !"

Au moins, avec la légiste, Gregory pouvait sans problème parler de ce qu’il voulait comme il le voulait. C’était l’avantage principal de cette amitié : pas de tabou, pas de honte ni rien de tout cela. Et ça, c’était tellement rare que c’en était terriblement tripant. House faisait toujours exprès d’aborder avec elle ses sujets de conversation préférés : l’alcool, le sexe et le rock. Bref, ses trois grandes passions en dehors des énigmes musicales.

"Bah j’en sais rien… les tailleurs moulants, j’aime bien… mais c’est clair que la panoplie d’infirmière salope, ça t’irait bien… Oui, t’arriverais même à me donner envie de regarder les infirmières autrement…" Le médecin pencha légèrement la tête sur le côté : "Et moi, tu me verrais habillé comment ? En gladiateur ? En ouvrier du bâtiment ? Qu’est-ce qui te botterait le plus ?"

Qui sait ? si les femmes avaient toutes le même genre de fantasme, il y avait peut-être moyen de rigoler avec les informations ainsi glanées… par exemple, à l’hôpital… ou, mieux encore, Greg pourrait faire un pari avec Watson et le faire aller habillé ainsi chez Jordan… ça pouvait être génial, tout ça !
Mais l’histoire de l’autopsie en robe fendue et talons aiguilles, ça c’était sexy ! House se redressa dans son fauteuil et eut soudain l’air intéressé.

"Les autopsies sont filmées, ici ? ça devait être quelque chose, ça… déjà, rien que de te voir en robe de soirée, l’autre jour au 109, ça m’avait fait tout bizarre, mais si t’as une vidéo où tu découpes et charcutes un mort habillée comme ça, là, respect !"

Et au fait, pourquoi est-ce qu’ils avaient encore une fois parlé de Cuddy ? C’était dingue, ça… sans être là, elle était quand même là. Ah oui, les sous-sols…

"Tu ne me connais pas encore ? Cuddy ne va pas accepter pour m’emmerder. Elle va refuser pour m’emmerder. Mais bon, au pire, si elle me laisse les sous-sols, je sous-louerai à la médecine légale, ça arrondira mes fins de mois et ça paiera mes cinq ou six cuites hebdomadaires."

Invité

Jordan éclata de rire.

Attends, pas folle non plus ! Moi je m'en fous, même si je sais que si je te raconte, tu vas me charrier pour le restant de mes jours, mais tout le monde n'aime pas avoir sa vie exposée aux oreilles indiscrètes !

Suivant le regard de Greg, elle eut un demi-sourire.

Un certain nombre, et au moins huit margaritas et quelques autres cocktails plus costauds pour faire bonne mesure. Ou une sacrée dose de codéine.

D'ailleurs, à ce sujet... Jordan jeta un coup d'oeil à sa montre et se releva, tirant le flacon d'antalgiques de son tiroir, dont elle avala deux cachets en faisant passer le tout d'une solide gorgée d'eau et avec une grimace. Et dire qu'elle en avait encore pour six mois de traitement... et encore, si son génie de chirurgien ne trouvait pas un prétexte pour rallonger... genre elle avait repris le boulot trop tôt, les fractures ne s'étaient pas ressoudées correctement ou Dieu savait quelle autre connerie du genre. Bref.

Reprenant sa position en tailleur sur le bureau, elle réfléchit.

Le type mort d'un cancer généralisé... Ah, oui, je vois. Le 403, quoi. Trois jours seulement ? Ben dis donc, quand je l'ai ouvert, on aurait dit qu'il avait traîné ça depuis au moins vingt ans ! Et d'abord, j'ai rien piqué, j'ai juste déplacé, nuance ! Y a plus de place dans la 604, pour y planquer des bouteilles... Je te filerai le code d'ouverture pour celle-là. Tu pourras te venger en piquant dans mes réserves, si tu veux.

Elle plissa légèrement les yeux, fronçant un peu le nez.

Mouais. Tu risquerais d'être déçu du résultat. Remarque, peut-être un jour, pour rigoler, je me ramènerai comme ça au boulot. Tu imagines, sur une scène de crime ? La touche des inspecteurs !

De nouveau, elle laissa échapper un rire, puis considéra Greg, songeuse.

Toi ? Mmm, rien que pour le fun, j'aimerais bien te voir un jour en costard. Smoking, quelque chose du genre. Je suis sûre que tu serais super classe là-dedans... Elle eut un demi-sourire. Au risque de manquer d'originalité, j'ai toujours eu un faible pour le look James Bond. Un temps. Après, si c'est mes fantasmes que tu veux, désolée, je ne suis pas une fétichiste de l'uniforme, rien de bien palpitant de ce côté là. Par contre je te raconterai peut-être à l'occasion deux trois histoires avec certains de mes ex.

Elle sourit et, redescendant de son bureau, rouvrit le casier pour en ressortir deux bières, ramassant au passage la bouteille victime du tir loupé de Greg, et referma le tout d'un coup de hanches bien placé.

Désolée, c'était à Boston, donc pas de preuves. Et dis pas de conneries, j'étais limite déguisée pour Halloween, je ne ressemblais à rien. Enfin comme d'hab, sauf qu'en plus, c'était pas moi. Un temps. De toutes façons, c'est pas demain la veille que je vais me remettre en robe, y a plus personne qui m'invite à des soirées un peu habillées.

Elle tendit une bouteille à Greg et décapsula la sienne.

Allez, Slaìnte. Et moi ça ne me gène pas d'augmenter ton compte en banque, si tu veux sous-louer, du moment que j'ai les locaux, je me fous de qui je paye pour ça.

» Fanfiction Scarecrow (sans titre pour le moment) - Jordan, Fred & Cie.