Let me rule your department of psychiatry [Dr Cuddy]

Embauchera, embauchera pas ?
feat Dr Lisa Cuddy

Avez-vous déjà essayé de vous présenter comme quelqu’un que vous n’étiez pas ? C’était faisable, mais difficile. Hannibal avait réussi à se faire oublier, à se faire passer pour quelqu’un d’autre, mais en réalité, c’était une vie un peu frustrante. Et de la frustration naissent tous les désirs, comme chacun sait. Le docteur Lecter aimait jouer le rôle d’un conservateur de musée ou d’un profiler pour le FBI (comprenez : pour l’agent Starling, Clarice de son prénom), mais sa véritable vocation était la médecine, la psychiatrie… et la cuisine. A défaut d’avoir un diplôme de chef-coq, l’homme avait ressorti ses papiers de la faculté de médecine. Toutes les études qu’il avait faites, cela tenait sur quelques pages de papier. Se dire cela, c’était déjà songer à ce côté éphémère et sans substance de nos actions sur terre. C’était pour pouvoir passer au-dessus de ce genre de constat que l’être humain s’offrait le loisir et les passions.

Un attaché-case pour contenir tous les papiers nécessaires, curriculum vitae, diplômes, lettres de recommandation, références des publications rédigées depuis sa cellule, Hannibal avait tout ce qu’il fallait pour paraître comme étant un éminent psychiatre (ce qu’il était, en réalité) ayant un parcours atypique mais intéressant. A son âge, il fallait en mettre plein la vue pour pouvoir être embauché quelque part. C’était logique. Mais l’avantage des Etats-Unis, c’était qu’il n’y avait pas de fonds de retraite prévus. Vous pouviez donc travailler jusqu’à l’âge que vous vouliez. Bien différent des pratiques européennes, tout cela, mais Lecter ne demandait pas mieux.
Vêtu d’un costume élégant, de couleur bleu nuit, d’une chemise blanche et d’une cravate d’un bleu assorti à celui de ses yeux, Hannibal décida qu’il avait l’apparence qu’un sexagénaire désireux d’avoir une vie active et utile devait avoir. Il passa des souliers noirs et vérifia que tout était parfait, puis le chapeau de feutre noir vint trouver sa place sur le crâne de l’homme qui venait d’enfiler un pardessus couleur nuit. L’élégance était quelque chose que le psychiatre cultivait avec autant de minutie que pour ses expériences gastronomiques.

La météo était propice à un voyage pédestre, mais Hannibal craignait d’arriver en retard. Pour un premier rendez-vous, il était important d’être ponctuel. Voire en avance. L’homme se résolut donc à prendre un taxi pour parcourir les quelques kilomètres qui séparaient l’immeuble où il vivait de l’hôpital où il désirait travailler.

"Déposez-moi à l’hôpital, je vous prie."

Le chauffeur de taxi acquiesça et conduisit prudemment. Il ne mit même pas de musique dérangeante. Ce devait être un chauffeur de taxi particulier, un cas à part, un homme qui avait de l’éducation. Chose rare dans cette catégorie de personnes. Le chauffeur reçut un billet de vingt dollars pour une course qui n’en coûtait que quinze. Lecter lui adressa même un petit mouvement du menton en signe de remerciement. Car il était arrivé à temps à l’hôpital. Et même avec dix minutes d’avance. L’homme avança donc vers la réceptionniste pour qu’elle annonce qu’il était arrivé.

"Bonjour, j’ai rendez-vous avec le docteur Cuddy."

Le regard perçant de l’homme se posa sur cette réceptionniste durant quelques instants. Elle avait une odeur peu agréable. Un parfum bon marché dont elle s’aspergeait à l’excès chaque matin. Un shampooing vanille-bourbon qui ne convenait pas à la texture de ses cheveux. Et un savon dont les effluves ne pouvaient s’accorder avec sa peau. Maladroite jeune femme…

"Si je puis me permettre… Vous devriez essayer un shampooing aux fruits des bois, cela devrait bien mieux parfumer votre chevelure. Il vous faut une fragrance plus sauvage que celle de la vanille."

Il avait utilisé le ton de la confidence. Pas la peine de faire des éclats dans le hall d’entrée de l’hôpital. Et puis, il ne cherchait pas à se faire une ennemie, mais se proposait juste de donner un conseil à une femme qui manquait de goût. La réceptionniste rougit et fit une drôle de grimace, avant d'indiquer à Hannibal la porte devant laquelle il y avait une chaise pour qu'il puisse attendre le Docteurr Cuddy. Avec un salut poli, il avait pris congé de la réceptionniste et s'était avancé vers le bureau de Cuddy devant lequel il attendait patiemment, ayant pris place sur la chaise prévue à cet effet.

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It’s a pleasure
to meet you

La patience était une qualité qu’Hannibal avait appris à développer depuis des années déjà. Il avait toujours pris le temps de réfléchir, de peser le pour et le contre et de mesurer toutes les conséquences possibles de ses actes. Ainsi, nul repas n’était laissé au hasard. Et nulle lettre envoyée à Clarice non plus. Tout était toujours calculé.
Assis sur la chaise face au bureau de la doyenne de l’hôpital, Lecter avait croisé les bras et glissé les pieds sous la chaise, baissant les genoux tout en maintenant ses chevilles prêtes à soutenir un mouvement rapide au moment de se lever. Car, bien sûr, à son âge, il était important de montrer que l’on avait encore suffisamment de fougue et de vitalité pour faire au moins bonne impression.

Le psychiatre n’eut pas à attendre bien longtemps. Quelques minutes tout au plus, mais comme il était arrivé à l’avance, cela ne le dérangeait absolument pas : il en profita pour observer autour de lui. Quelques personnes marchaient en poussant du matériel médical, des infirmières couraient en tous sens vers les urgences, d’autres, plus calmes, se rendaient vers l’ascenseur pour, sans doute, s’occuper de quelques patients dans les chambres. Tout avait l’air normal, ici, et tout cela semblait aller comme sur des roulettes.

Quand il vit la doyenne regagner son bureau, Hannibal attendit encore un peu. Cette femme devait avoir besoin de quelques secondes à elle avant de passer à un entretien d’embauche. Et lorsqu’il estima le moment propice, il frappa à la porte et entra, suite à l’invitation de la directrice de l’hôpital. Celle-ci se présenta immédiatement et lui serra la main. Poignée de main formelle à laquelle Lecter répondit d’une manière assurée.

"Ravi de vous rencontrer, Docteur Cuddy. Hannibal Lecter, psychiatre… mais vous le savez certainement déjà. "

Lecter sourit à son tour, répondant ainsi à celui de la doyenne et jeta un bref regard circulaire à la pièce, tandis qu’il savait pertinemment que la directrice le regardait.

"Je vois que vous avez opté pour une décoration sobre mais chaleureuse. Un choix idéal, à mon humble avis, pour le bureau d’une femme de volonté."

Il ignorait comment allait se dérouler cet entretien. Chaque directeur d’hôpital avait ses propres exigences, aussi, Hannibal préférait laisser le docteur Cuddy prendre les rênes. Après tout, si elle occupait ce poste, ce ne devait pas être pour rien : elle devait forcément avoir des compétences et des exigences élevées.

"Vous désirez sans doute voir mon curriculum vitae et mes qualifications…"

Ouvrant l’attaché-case qu’il avait emporté, Hannibal tendit à Lisa Cuddy les pages concernant son chemin de vie.

"Je suis à votre entière disposition si vous désirez me poser quelques questions. Mais prenez votre temps."

Un nouveau sourire et le psychiatre se tut, regardant son interlocutrice.

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Let me rule your department of psychiatry

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Il y avait un élément très positif quand un employeur potentiel vous disait avoir lu votre dossier. Si ledit dossier n’avait pas été oublié, c’était que quelque chose dans ces pages avait retenu l’attention de la personne. Lecter eut un sourire en réponse à la remarque de la doyenne. Elle avait lu son dossier et ne l’avait pas jeté. Mieux encore, elle avait accepté de le rencontrer. Il restait donc à faire bonne impression et à exprimer ses motivations.

Assis en face de la doyenne de l’hôpital, Hannibal avait observé attentivement le décor du bureau. Il y avait un très net attrait pour le bon goût, ici. Et cette femme était assurément responsable de ce choix. Aussi, l’homme avait-il complimenté la dénommée Lisa Cuddy sur son talent de décoratrice. La réponse de la femme ne put que le faire rire légèrement.

"Vous savez qu’un cadre agréable est propice à un travail efficace. Je ne faisais que remarquer cela de mon côté également. L’environnement dans lequel évoluent les employés doit être minutieusement préparé et je constate que vous avez parfaitement saisi cela."

Quand il était entré dans cet hôpital, le docteur Lecter avait remarqué que la sobriété des lieux était de mise, comme dans la plupart des hôpitaux. Il avait aussi noté l’organisation spatiale du hall d’entrée et repéré quelques endroits intéressants pour les médecins. Tout était clairement indiqué et c’était exactement ce qui rendait le bâtiment suffisamment agréable pour qu’on ait envie d’y donner le meilleur de soi-même.

En attendant de découvrir les lieux plus avant, Hannibal avait donné son curriculum vitae à la doyenne de l’hôpital, lui laissant le temps de le parcourir. Il avait répondu par un sourire à son remerciement et gardait à présent le silence. Lecter était un homme poli et bien élevé. Il n’aimait pas qu’on le dérangeât quand il était en train de lire et se disait que cela pouvait être la même chose pour cette dame, alors il se taisait, laissant son regard se balader sur les murs de la pièce et sur les éléments épars qu’il pouvait voir sur le bureau de Lisa.

Au bout de quelques minutes, le docteur Cuddy ferma le dossier et posa à nouveau les yeux sur Hannibal. Elle exprima alors le fait qu’elle ne savait que dire en ayant lu le curriculum vitae et le dossier du psychiatre.

"Dans ce cas, ne dites rien. Je m’étais attendu à ce que vous ayez peut-être besoin de quelques éclaircissements…"

Alors, elle lui demanda s’il pouvait commencer le lendemain. Lecter souriait à nouveau. Alors c’était si simple que cela ? Hochant la tête, il répondit d’une voix très douce.

"Sans problème. Et si vous n’avez pas énormément de cas psychiatriques pour le moment, je peux très bien aider les médecins urgentistes ou recevoir des patients en consultation."

Car Lisa Cuddy avait certainement vu dans le curriculum vitae d’Hannibal qu’il était médecin à la base. La psychiatrie était une spécialisation un peu tardive. Avant tout, c’était le corps humain qui l’avait toujours intéressé.

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