Blackout au 109

La jeune fille dévisagea l'inconnu comme une bête curieuse. Il faut l'avouer, il était bien étrange ! Avant tout, les Messieurs qu'elle avait l'habitude de fréquenter étaient plus... "potelés", et tous portaient la moustache. Et puis ses vêtements ! Alice n'en avait jamais vu de semblables, même dans ses livres d'histoire ! Voila qui était bien curieux... Elle baissa lentement les yeux vers sa robe préférée, celle qu'elle portait, et sentit le rouge lui monter aux joues. S'il était a la mode d'ici, elle était vraiment démodée ! Lorsqu'il se tourna vers elle, les yeux de la petite fille se mirent a luire : il tenait dans la main un objet qu'elle n'avait jamais vu auparavant. Un boitier noir, pas plus grand qu'un muffin dans la main. Mais sa lumière était diffuse, bleutée, rien a voir avec celle d'une bougie ! Alice resta émerveillée devant cette nouvelle découverte, et peina quelques instants a en détacher le regard. Mais elle finit par se rappeler ce qu'on lui avait appris, que c'était mal élevé de fixer quelqu'un de la sorte ! Alice ferma les yeux et se reprit.
Il lui répondit a son tour. Il avait une voix charmante ! Alice s'en réjouit. Elle l'observa quelques instants a son tour, essayant de ne pas prêter attention a ce qu'il tenait toujours dans sa main. La lumière de la bougie et du boitier noir mêlées lui donnait une expression mystérieuse. Il était grand, bien plus grand qu'elle. Mais il était tellement différent des gentlemen qu'elle avait déjà rencontré... Il demeurait une énigme pour elle, ce qui la fascina. Elle se mit a lui sourire. Non seulement il était différent, mais très bien élevé ! C'était la première fois que quelqu'un la vouvoyait. Même a l'agence, un peu plus tôt dans la journée, les gens lui avaient parlé comme on parle a une enfant. Mais Alice n'était plus une enfant a présent ! Prenant dans sa main droite le bas de sa robe, Alice tenta la plus belle des révérences.

- Je suis Alice. J'étais toute seule ici, mais maintenant vous êtes la !

La petite fille rit brièvement. Elle n'aurait pu espérer meilleur colocataire et s'en réjouit ! Il avait l'air de savoir gérer des choses dont elle serait incapable. Poliment, elle tenta d'engager un peu plus la conversation.

- Je suis enchantée de vous rencontrer, Mr. Zorglub !

La conversation tourna pourtant court, après tout il n'y avait plus de lumière et la rallumer était une priorité. Alice regarda timidement le boitier blanc accroché au mur que Mr. Zorglub manipulait quelques instants auparavant.

- Puis-je savoir ce que c'est ?


(HRP - Mes plus plates excuses pour ce retard, je sais qu'il est intolérable de laisser quelqu'un dans l'attente d'une réponse aussi longtemps !)

OOC : Ne t'inquiète pas de cela, je savais par Irène que vous avez été longtemps sans internet. Je suis patiente et contente que tu sois de retour

Alice fronça les sourcils d'un air intensément concentré, écoutant avec attention les explications de Mr. Zorglub. Elle avait parfaitement compris que sa question l'avait mis mal a l'aise, sans savoir pourquoi. Il devait s'exprimer avec des termes bien plus techniques d'habitude, sans doute, des termes réservés aux initiés. Ou expliquer sa démarche a des adultes, plus aptes qu'elle de comprendre. Donc il avait fait l'effort d'adapter son langage pour elle, attention qui la toucha. Elle regardait le téléphone avec émerveillement.

- Oh ! Un si petit objet pourrait rétablir l'électricité dans tout l'immeuble ?

A vrai dire, elle était encore un peu sceptique. Parce c'était impossible, tout simplement ! Quoique s'il le disait, il avait surement raison. Alice lui faisait confiance. C'était la moindre des choses, ils allaient partager une même adresse ! Mais quelques instants plus tard, le couloir était inondé de lumière. Alice en resta bouche-bee, et tous ses doutes s'envolèrent. Ses compétences étaient bien au-dessus de celles de la petite fille. Il devait venir d'une époque future a la sienne, forcement ! Ce qui était une bonne chose, car elle pourrait apprendre beaucoup en partageant son quotidien.

- Bravo ! Jamais je n'aurais pensé que vous pourriez le faire aussi vite !

Elle accompagna ses paroles d'applaudissements chaleureux. Elle allait vivre avec un véritable génie, et cette nouvelle la ravit. De nombreuses questions a son sujet fusaient dans sa tête, des questions qu'elle mourait d'envie de lui poser. Mais elle n'était plus une enfant, elle devait se conduire comme une dame ! Elle souffla doucement sur la flamme de la bougie désormais inutile, se contenta de lui adresser un sourire courtois, mais son regard était toujours empli d'enthousiasme a l'égard de son exploit.

- Maintenant que nous ne sommes plus dans le noir, voulez-vous visiter notre appartement ? J'ai même préparé du thé !

Alice était ravie. Son nouveau colocataire semblait capable de tout ce que la petite fille était incapable de faire seule. Et, qui plus est, il accepta la tasse de thé qu'elle venait de lui proposer. Par simple politesse ou parce qu'ils avaient le gout commun pour cette boisson distinguée ? Aucune importance, car la visite qu'elle s'apprêtait a faire serait une occasion d'en apprendre plus sur lui. Elle n'avait jamais rencontré quelqu'un de semblable, pas même au Pays des Merveilles. Et contrairement a toutes les autres personnes qu'elle avait déjà croisées, il était le premier a la traiter comme une adulte ou presque, ce qui la flatta.

- Oh mais vous savez, j'ai tout mon temps, et pas beaucoup de choses a faire pour l'occuper ! Venez, c'est par ici !

La fierté d'Alice retomba très vite. Les meubles de son colocataire arriveraient le lendemain. Cette nouvelle inquiéta rapidement la petite fille qui se mordit la lèvre. Elle, elle n'avait pas de meubles. Elle était ici depuis quelques temps a peine, et n'avait pas les moyens d'acheter de quoi combler l'appartement. Elle ne pouvait pas travailler et n'avait donc aucune façon de gagner plus. Elle devait bien l'admettre cette fois, c'était encore une enfant. Elle se mit alors a rougir, honteuse de devoir présenter un appartement vide, exceptés une théière et son service, l'une des seules choses qu'elle avait pu acheter. Elle se mit cependant a sourire, ne voulant pas inquiéter son colocataire avant même qu'il ne soit entré.

Elle fit demi-tour, se dirigea vers leur appartement et lui fit mine de la suivre. Cherchant dans la poche de son tablier la clé, elle s'arrêta devant la porte et la contempla quelques instants. A vrai dire, elle ressemblait a toutes les autres portes de l'immeuble, et a toutes celles de l'étage a l'exception du dernier chiffre. Mais elle représentait beaucoup pour elle, elle était le tout premier logement qu'elle aurait trouvé toute seule ! Et a chaque fois qu'elle passerait devant cette porte, ses yeux se mettraient a pétiller comme aujourd'hui. Elle en était persuadée. Elle tourna la clé dans la serrure et ouvrit la porte.

- C'est ici. Qu'en dites-vous ? Moi, je le trouve adorable !

Elle rit doucement, tenant la poignée dans sa petite main pour laisser Mr. Zorglub la devancer et entrer puis referma la porte. Elle décida de "jouer le jeu", faire comme s'il n'était pas vide mais garni de nombreux meubles, tous plus raffinés les uns que les autres. Elle ferma les yeux et essaya d'introduire des décorations dans la pièce.

- Il est un peu vide encore, c'est vrai. Mais essayez de l'imaginer comme il vous plairait, parce qu'un jour, c'est a ceci qu'il ressemblera !

Alice hocha la tête avec enthousiasme. Elle avait parfaitement compris ce qu'il pensait : l'appartement n'était pas un peu, mais complètement vide. Ou presque... Mais avec un peu d'imagination, ne pourrait-il pas interpréter différemment la pièce ? C'était peut-etre facile pour un enfant, une enfant comme elle, et plus délicat pour un adulte. L'un des désavantages du fait de grandir... "On ne perçoit plus le monde de la même façon." C'est ce qu'Alice pensait. Elle avait du mal a concevoir les choses autrement, elle qui était et qui avait toujours été une grande rêveuse. Elle dévisagea son colocataire en silence, l'espace d'un instant. Il ressemblait a un savant. Ce qui expliquait pourquoi il avait tant de mal a imaginer, lui ! Les scientifiques sont toujours si sérieux !
Elle se mit a lui sourire, ne voulant pas le mettre mal a l'aise en le regardant de ses grands yeux curieux. Vouloir l'aider a aménager, comme c'était adorable ! Sans ajouter un mot, elle partit dans la pièce principale et revint quelques instants plus tard.

- Oh, c'est très gentil de vouloir m'aider ! Mais tous mes meubles sont déjà ici !

Elle prit une voix triomphale et lui présenta fièrement les affaires qu'elle tenait dans ses bras : une couverture, une petite malle comprenant un service a thé, et une peluche. Elle serra les objets contre elle et les regarda avec une immense affection, avant de les reposer avec soin par terre, dans un coin contre le mur.

- J'espère que je ne serais pas trop encombrante, mais je ferais de mon mieux !

Elle avait parlé avec une pointe d'ironie : comment une enfant comme elle pourrait-elle être "encombrante" ? D'autant plus qu'elle s'était promis de tout faire pour lui venir en aide, ne pas le déranger. Et éviter un maximum de questions indiscrètes qu'elle avait tendance a poser sans s'en rendre compte. Quelle traitresse cette langue qui parlait alors qu'elle ne lui avait même pas donné l'autorisation !

- Moi par contre, je pourrait peut-etre vous aider ? Je vous assure que je suis plus forte que j'en ai l'air !

Elle lui avait proposé ses services avec un regard déterminé, le fixant droit dans les yeux. Ce qui signifiait que dans son esprit, un refus n'était pas envisageable.

- En matière d'encombrement, vous aurez bientôt l'occasion de voir un spécialiste du genre. Quant à m'aider, si vous y tenez, pourquoi pas. Nous verrons cela lors de mon emménagement, demain matin. Je ne vais pas le faire si tard.

Alice dévisagea curieusement son colocataire : elle venait de le déstabiliser apparemment, et elle lui découvrit un bafouillage auquel elle ne s'attendait pas vraiment. Elle avait dit la vérité, mais elle ne pensait pas que sa situation aurait fait réagir de telle sorte le scientifique. En un sens elle se sentait flattée. Il venait de montrer qu'il se souciait un minimum d'elle, ce qui la toucha sincèrement. Mais elle se sentit un peu honteuse aussi, honteuse de sa franchise, a toujours vouloir dire les choses comme elles sont. Ses joues s'empourprèrent un instant et elle baissa lentement les yeux, comme si on venait de la gronder. Elle chercha a mémoriser en silence toutes les questions qui fusaient des lèvres de Mr. Zorglub pour pouvoir y répondre, mais elle finit par renoncer tant elles étaient nombreuses. Elle n'avait pas estimé un instant être malheureuse depuis son arrivée, mais elle eut un doute quand a donner l'impression du contraire.

Elle quitta son attitude de petite fille punie et releva doucement la tête vers le visage du scientifique. Son regard brillait, comme si on lui tendait une nouvelle robe qu'elle avait longuement scrutée devant une vitrine. Elle arbora un doux sourire, un sourire enfantin. Elle mourait d'envie au fond d'elle-même de crier de joie, mais elle garda un peu de retenue. Non seulement il acceptait son aide - bien qu'il aurait été difficile de faire autrement tant elle insistait - mais il se souciait de son bien-être. Décidément, avec lui elle allait être une jeune fille comblée !

- Je vais rester ici. Vous pensez que je ne peux pas...? Oh mais rassurez-vous, je n'ai qu'une nuit a passer dans ses conditions. Demain l'endroit sera bien plus aménagé ! Et puis ma couverture est très confortable ! Si j'ai faim, je pourrais toujours acheter des petits gâteaux !

Une fois de plus, elle avait parlé avec beaucoup d'innocence. Dormir dans une pièce vide était une expérience qu'elle n'avait pas encore tentée, et qui pouvait se révéler distrayante, qui sait ? Mais ce qui pour elle semblait anodin pouvait sembler tragique pour d'autres. Elle nota mentalement qu'elle ne devait surtout pas se plaindre de son sort - ne jamais le faire a l'avenir - car son colocataire pouvait se montrer facilement inquiet. Il était vraiment quelqu'un de gentil, et Alice se promit de tout faire pour être serviable.

- Vous aussi, vous aimez vous encombrer ? Alors nous sommes faits pour nous entendre ! Je tiens vraiment a vous aider, du mieux que je le pourrais !

Sa voix était des plus sincères. Elle ignorait d'ou lui venait cette envie de tant faire pour cet homme dont elle connaissait encore bien peu de choses, mais elle était bien la. Sans doute avait-il un visage de père a ses yeux. Dans ce cas, elle se devait d'être une fille a la hauteur : pas trop envahissante et autonome !

Alice s'assit par terre et prit dans ses mains le coffret de bois qui contenait le service a thé. Elle en sortit deux tasses, deux soucoupes et la théière qu'elle posa soigneusement a cote d'elle. Elle se releva alors et joint les mains dans son dos face au scientifique, souriant avec enjouement.

- Vous désirez toujours une tasse de thé ?

Prendre le temps de se poser serait une occasion de discuter. Et Alice voulait vraiment en apprendre plus sur son colocataire. Apres tout, ils allaient des le lendemain partager leur quotidien !