Deux cœurs brisés venus se noyer dans un verre de whisky [Sweeney Todd]

Invité

Alors que le soleil brillait, que toutes les personnes censées et saines d’esprit se précipitaient a la plage, au parc ou dans n’importe quel endroit qui fût à l’extérieur, Kate poussa la porte du petit bar le plus sombre de la ville. C’était stupide comme idée, quand on était comme tout le monde. Mais la jeune fille cherchait la solitude en cet après-midi de déprime, et plus que tout, elle fuyait le soleil et tout ce qui avait un quelconque lien avec une vie heureuse.
Une vie heureuse, ça, elle en avait eu une… Mais c’était du temps où elle était tellement bien avec son Billy, toujours le sourire aux lèvres, une petite blague de temps en temps, une vie normale quoi. Normale et heureuse.

Maintenant il ne lui restait que des souvenirs qu’elle voulait oublier, des coups de blues régulièrement, et surtout, qu’elle essayait de cacher au plus de monde possible, ce petit têtard, cet embryon devenu fœtus, cette moitié d’elle même, et moitié de Billy, ce morceau de vie, qu’elle aimait déjà mais qu’elle se coltinait partout comme un boulet au fond de son utérus. Nostalgique, elle se souvint de cette folle nuit d’amour avec son homme, la veille de l’accident qui engendra sa mort.
Malgré elle, elle versa une larme.
Il n’y avait personne dans le bar, hormis le vieux barman qui ne souriait pas non plus, apparemment frustré de cette météo radieuse. Kate se dirigea droit vers le comptoir et demanda

- Un whisky s’il vous plait. Bien fort.

Ce n’était pas dans ses habitudes de boire. Elle savait que c’était mauvais pour son bébé, et surtout, elle n’était pas très résistante à ce genre de substances, un rien la faisait divaguer. Mais c’était le seul moyen pour elle d’oublier et de ravaler ses larmes.

L’homme lui tendit un verre et elle commença à boire une longue gorgée. Le liquide emplissait son estomac, la réchauffant agréablement. Elle se leva et prit son verre avant de se diriger vers une table du fond, près du radiateur qui ne chauffait pas. La banquette de cuir rouge était abîmée, un morceau de mousse s’en échappait par un trou. Machinalement, elle l’attrapa et tira dessus. Elle en fit une petite boule bien compacte qu’elle lança en direction de la fenêtre ouverte. Elle recommença trois ou quatre fois avant de se dire que ce jeu était complètement stupide et puéril.
Elle étouffa un sanglot mais se reprit. Une nouvelle gorgée de whisky la remonta complètement. Elle se redressa un peu, c’était toujours mieux qu’avachie comme elle l’était avant.

Elle enleva sa veste marron pour dévoiler sa robe blanche décolletée et son ventre qui commençait à s’arrondir. Quand elle ne pleurait pas, qu’elle n’avait pas les yeux rouges, qu’elle était coiffée et qu’elle souriait, elle était presque jolie. Ce jour là, seulement une des conditions tenait : la coiffure.

Elle ne voulait plus y penser. Un jour, elle devrait peut-être envisager de tout reprendre depuis le début, oublier Billy… Ca non, Billy, elle ne l’oublierait jamais. Recommencer c’était probable. Au fond d’elle même, Kate ne souhaitait pas pourrir dans sa tristesse comme elle était en train de le faire. Elle finit d’un trait son verre de whisky et lança au patron

- Un verre d’eau s’il vous plait…

C’était sûrement un peu ridicule, mais plus prudent et responsable que le verre d’alcool fort qu’elle venait de s’enfiler.

L’homme lui apporta le verre sur un plateau puis retourna derrière son comptoir. C’était tellement silencieux ce bar vide… Apparemment, l’homme pensa la même chose. Il mit un disque, une musique lente, douce, assommante et déprimante… Un slow quoi, le genre de musique que Kate ne voulait pas ce jour là. Elle s’écria

- Oh mais ça va pas nan ?? Changez moi ça tout de suite ! Mettez… Euh, ch’ais pas moi, un truc joyeux !

L’homme s’excusa platement et enleva le disque pour le remplacer par un autre de musique genre antillaise, entraînante et rythmée. Beaucoup mieux pour sortir d’une déprime comme ça.

Soudain la porte s’ouvrit en grinçant. La jeune fille sursauta, personne n’était censé être ici… Un homme entra, Kate le toisa et ne dit rien. Pour l’instant.

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