Deuil (PV: Cain C. Hargreaves)

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Pamela fixait d'un regard vide le sable blanc et fin qui s'étalait sur quelques mètres devant elle, menant à une mer aux eaux légèrement houleuses. Les vagues s'écrasaient sur le sol, laissant une jolie mousse blanche, de l'écume, pendant quelques secondes sur le sol mouillé.
Elle même, elle offrait un bien étrange spectacle, un pot en terre cuite et un seau posés contre ses jambes, elle était assise, les jambes légèrement repliées sous son menton, à quelques centimètres de l'eau, la regardant s'écraser sur ses pieds sans essayer de soustraire sa peau légèrement verte de l'assaut du liquide salé. Ses cheveux roux, à la limite du rouge sanglant voletaient ici et là, ne résistant pas à la force du vent marin.
Si elle avait échangé son body vert et ses collants de la même couleur contre un short en jeans effiloché en bas et un débardeur noir, elle paraissait encore étrange, différente des autres.
Les doigts de la jeune femme étaient négligemment posés sur le pot dans lequel trônait une rose, unique ou presque dans la région, le bébé de Pamela qui la chérissait tout autant qu'une femme aime ses enfants. Un poison quand on savait manier la sève et ainsi obtenir le breuvage mortel.

La jeune femme ferma un bref instant les yeux, essayant d'oublier l'odeur de brûlé qui l'avait pris à la gorge lors de son arrivée. Heurter un lampadaire pouvait arriver à tout le monde, là n'était pas le problème si il y en avait eu un un jour, mais les plantes détestaient le feu. Il était étonnant de voir comment une seule étincelle pouvait réduire en cendre des hectares de forêts, comment un campeur négligeant pouvait calciner les plus belles espèces de fleurs par négligence. À cette pensée Pamela Isley serra les poings, regrettant de ne pas pouvoir punir ces fauteurs de trouble sans que le Batman ou les flics ne la retrouve et la renvoie à Arkham dans les heures qui suivirent.
À cette pensée elle respira pleinement, se forçant à se calmer pour ne pas aller empoisonner la ville qui l'hébergeait dans l'immédiat. Tout le monde ici avait un jour ou l'autre cueillit une fleur, exécuté ce geste lâche et ainsi fait un sacrilège, tout le monde. Mais elle ne pouvait décemment pas redevenir la grande poison Ivy sans avoir auparavant retrouvé un poison suffisamment puissant pour contaminer toute la ville. Mais, elle n'était pas sûre d'en avoir envie pour le moment, si elle se faisait oublier pendant quelques années elle verrait, mais pour le moment elle ne commettrait que quelques larcins et punitions minimes qui ne causeraient aucun tort majeur à la population. Enfin, une fois qu'elle aurait renouvelé sa garde robe dont une grande partie avait périt dans les flammes, la jeune femme préférant sauver ses chers plantes et les deux ou trois vêtements qu'elle portait pour le moment.

Elle cligna des yeux plusieurs fois avant de se replonger dans le travail qui l'avait mené jusqu'à la plage alors qu'elle n'aimait pas spécialement l'eau salé. Ses doigts fins trièrent les quelques algues qu'elle avait trouvé, elle préférait les plantes qui poussaient sur la terre, mais elle fonctionnait toujours avec la même affection, quelle que soit la plante en question. Sa main voletait du sable au seau, déposant ici et là les différentes gemmes dont elle n'avait que faire.
La rose qu'elle avait emmené avec elle était l'une des rares survivantes de l'accident et même si le spécimen qu'elle venait de trouver n'était pas dangereux il renouvelait sa collection qui avait entièrement brûlé. Pour ce qui était des poisons, elle en possédait plein mais le seul qu'elle gardait réellement tout le temps sur elle était caché dans un flacon de parfum et donnait des nausées affreuses à la victime, terminant par la tuer à la suite d'une longue agonie.

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Debout à la proue d'une barque, silhouette trop maigre et trop fragile de gamin, vêtu d'un costume noir et d'une chemise à jabot blanche, cape et haut de forme noirs, canne d'ébène à pommeau d'argent à la main, Cain dirigeait la manoeuvre. Le bruit répété des rames heurtant la surface de l'eau finissait à la longue par être crispant. Mais il fallait en passer par là pour acheminer le lourd coffre de fonte contenant la collection de poisons qui ne le quittait jamais, il n'y avait aucun autre moyen de les faire entrer sur cette terre paranoïaque qu'était l'Amérique.
Quand ils ne furent plus qu'à quelques mètres de la rive, Cain sauta à bas de l'esquif, sans se soucier de se mouiller. De fait, l'eau lui arrivait un peu au-dessus des genoux. Il lâcha :

Inutile de nous approcher plus. Déchargez le coffre et posez-le sur la plage. Et avec précautions ! Son contenu est précieux !

Sourcils froncés, il observa attentivement et non sans hauteur les trois hommes qui descendirent sa collection et allèrent la poser sur le sable humide. Ils revinrent ensuite vers lui et il leur jeta quelques pièces avec un geste agacé.

A présent disparaissez. Je me débrouillerai.

Il se débrouillerait... Vite dit, plus lentement fait. Cain n'avait jamais été un hercule, loin s'en fallait. Jusqu'au bout, ç'avait été Riff qui s'était chargé de toutes les tâches physiques, et à présent qu'il n'était plus qu'une enveloppe à la chair souillée, ses maigres forces d'autrefois semblaient avoir complètement disparu. Il resta un long moment à contempler le lourd coffre qui semblait échoué sur le sable, et s'agenouilla devant pour l'ouvrir. D'un regard, il inventoria les innombrables fioles et flacons qu'il y avait rangés avec amour. Une étrange odeur lui monta au nez, le prit à la gorge. Il n'eut que le temps de se rejeter en arrière, plaquant sa main sur son visage pour ne pas inhaler les vapeurs toxiques qui montaient du fond du coffre. Un flacon s'était brisé, libérant un poison alcaloïde, très volatil, comme la plupart de ses semblables issus des plantes.
Le jeune homme enrageait. A cause du manque de délicatesse des rustres qui avaient amené le coffre depuis l'Irlande, voilà qu'il était privé de l'un de ses "enfants", et non de celui qui lui était le moins utile. Quand il estima que les vapeurs toxiques s'étaient suffisamment évaporées, il revint s'agenouiller et plongea ses mains gantées de cuir dans l'amoncellement de flacons. Il en retira le coupable, ébréché du col au fond. Dosera Cyanhydron. L'un des poisons les plus difficiles à se procurer car long et délicat à préparer.
Cain se releva et, de rage, balança le flacon inutilisable à la mer. Il n'avait toujours pas remarqué la présence de la jeune femme, alors que celle-ci ne se trouvait pourtant qu'à quelques mètres de lui - et quand bien même l'aurait-il remarquée, il n'avait cure de ce qu'elle pouvait penser...

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Pamela sortie de sa bulle lorsqu'elle entendit le bruit des rames qui rentraient dans l'eau, produisant des clapotis irréguliers. Les hommes qui se trouvaient à bord étaient tous différents, mais celui qui ressortait le plus de cet étrange tableau était le garçon filiforme qui paraissait mener les autres à la baguette. L'air hautain et la tranquille assurance qui dégageait de cet être maigrichon laissait la jeune femme perplexe. Comment les deux gorilles pouvaient endurer cet air supérieur qui l'aurait, elle, en temps que féministe endurcie, rendue folle de rage ? En tout cas, même ses vêtements bien trop élégants montraient qu'il venait d'une classe sociale bien différente de la sienne.
Quand il sauta à l'eau, ne prenant pas garde au liquide salé qui inondait ses chaussures et son bas de pantalon mais criant des ordres à ses compagnons, la jeune femme esquissa un rictus désapprobateur. Ce dernier était invisible pour l'homme qui lui tournait le dos et qui avait l'air de ne même pas l'avoir remarqué ce qui était un exploit, compte tenu du fait que les enfants et les grands se retournaient sur son passage pour dévisager cette folle à l'étrange peau verte.

Elle haussa légèrement un sourcil lorsqu'il parla d'objets précieux. Soit de l'or et des billets de banque, soit un mélange précieux qu'il revendrait à prix d'or dans une vente aux enchères ou une agence tout à fait légale. Personnellement, elle préférait ses plantes qu'elle faisait voyager en première classe, utilisant tout l'argent dont elle disposait pour acquérir tel ou tel spécimen rare.
Les quelques pièces qui changèrent de mains pour le transport du coffre ne l'intéressaient pas, ce qui avait pour elle un quelconque intérêt se trouvait dans la « boîte ». Elle espéra, par orgueil, que lorsqu'il aurait renvoyé ses hommes il jetterait ne serait-ce qu'un oeil dans sa direction mais il se concentra sur ses affaires, ouvrant précautionneusement le coffre pour rejeter deux secondes plsu tard la tête en arrière.
Se soulevant légèrement en tendant le cou, elle put distinguer des flacons dans lesquels reposaient des liquides et des gaz qu'elle savait mortel ou dangereux pour quiconque les respirait trop longtemps sans une protection adaptée. Ces poisons-ci ne lui faisaient rien, provoquant des nausées ou la rendant malade quelques heures tout au plus, car, si elle avait gagné une peau verte lors de son expérience scientifique, elle était devenue immunisée contre les poisons de tout genre jusqu'à un certain point...

Le voyant se relever elle se demanda quelques minutes ce qu'il pouvait bien fabriquer. Elle allait le questionner quand elle remarqua une légère lumière au niveau de sa main, un flacon de toute évidence, en verre. Le bras du jeune homme décrivit une courbe et le flacon retomba dans l'eau, à quelques mètres du rivage.
En écologiste... extrémiste -et elle le reconnaissait- elle ne pouvait pas tolérer un tel geste. Ses yeux se rétrécirent et elle serra ses mains autour de ses plantes, les attrapant dans ses bras alors qu'elle se relevait, silencieusement. De sa démarche féline et sensuelle elle gagna le coffre, y jetant un coup d'oeil au passage, ne s'attardant pas trop longtemps. Le sourire mauvais qui lui barrait le visage s'estompa et elle rejeta ses cheveux en arrière, laissant les boucles rousses battre son dos tandis qu'elle attendait ce pollueur, cet homme qui venait de faire un terrible sacrilège pour son esprit légèrement tordu.
Elle modula sa voix pour qu'elle paraissent moins glaciale qu'elle soit plus suave, moins sadique :

« J'espère que vous savez nager et que vous avez du change, parce que ce que vous venez de jeter vous n'allez pas tarder à devoir aller le chercher.»

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