109, rue du Septième Art
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 I'm an Alien... I'm a little Alien... I'm an Englishman in this town...

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MessageSujet: I'm an Alien... I'm a little Alien... I'm an Englishman in this town...   I'm an Alien... I'm a little Alien... I'm an Englishman in this town... EmptyMar 22 Sep 2009, 01:06

Le brouillard prenait petit à petit possession des rues de la ville. Un brouillard dense, cotonneux, épais à couper au couteau, qui étouffait les bruits et effaçait les images, donnant à tout et à tous une allure fantomatique. La plupart des gens se pressaient dans les rues, à la recherche d'un abri et d'un peu plus de chaleur. Aucun ne remarqua la silhouette qui avançait au rythme de la brume. Une silhouette de taille moyenne, un peu voûtée, à la démarche incertaine. Un homme, une trentaine d'années, les mains au fond des poches, s'arrêta au pied de l'immeuble et tira les dernières bouffées de sa cigarette, songeur.

L'inspecteur Frederick George Abberline,
Chief Inspector à Scotland Yard, venait juste de débarquer de Londres pour représenter la Couronne Britannique dans ce qui semblait être une tentative de coopération policière internationale. On l'avait prévenu qu'il y avait déjà un Français, plusieurs Américains - quoi de plus normal, nous sommes tout de même aux Etats-Unis ! - et... il semblait que c'était tout pour le moment, ses autres collègues n'ayant pas encore réagi. Ce qui, aux yeux d'Abberline, n'avait qu'une importance toute relative. Il avait toujours travaillé en solo - ou plutôt en duo avec Godley, ce qui revenait au même, tant les deux hommes avaient l'habitude de fonctionner ensemble et étaient "sur la même longueur d'ondes", selon l'expression qu'utilisaient nombre des personnes qu'il avait rencontrées depuis qu'il s'était réveillé 120 ans après sa mort.

Bref, tout cela pour dire que Frederick n'avait pas le moins du monde l'intention de changer ses habitudes, bonnes ou mauvaises. N'en déplaise à ceux qui l'entouraient. Après tout, lui n'avait pas demandé de deuxième chance et se serait parfaitement contenté de sombrer une dernière fois dans ce néant familier, et de n'en plus jamais remonter. Qu'on le laissât passer le Styx et qu'il pût retrouver sa Victoria, de l'autre côté. N'en avait-il pas assez fait ? Quelle était l'entité dérangée qui avait cru bon de l'expédier dans cette nouvelle vie ? S'il le ou la trouvait un jour, l'autre allait comprendre sa douleur !

Vous l'aurez sans doute compris, Frederick Abberline n'était pas de la meilleure humeur. En réalité, il était même d'une humeur massacrante. Les évènements s'étaient enchainés avec une rapidité qui l'avait dépassé, et il détestait cela. Sa resurrection, sa découverte de ce nouveau monde à la fois étrange et familier, et cette mission... Non que Frederick fût anti-américain - à vrai dire, il n'y avait rien qui lui fût plus indifférent que ces questions d'origines et de nationalités - mais il aurait souhaité disposer de plus de temps pour se réhabituer à vivre, et en avait été privé. Et puis, depuis qu'il était arrivé à Londres, il n'en était plus jamais parti, vouant à cette ville une affection toute particulière. Aussi était-il mécontent de devoir la quitter sans même avoir le choix d'accepter ou non. Car, de surcroît, il ne se faisait guère d'illusions : s'il avait été choisi pour cette mascarade, c'était moins pour ses supposés talents d'enquêteur que parce qu'il dérangeait sa hiérarchie, comme il l'avait toujours fait.

C'est donc fort mal disposé à l'égard de sa nouvelle situation qu'il contemplait à présent la porte de verre de cette tour où se trouvait désormais son logement. Logement qu'il allait de plus devoir partager avec un colocataire - perspective pour le moins rebutante pour ce misanthrope patenté ! Pour l'heure, il restait immobile, bien que sa cigarette se fût éteinte depuis longtemps. Il ne parvenait pas à se décider à entrer. Il savait que ses affaires avaient déjà été livrées - à l'exception de celles qu'il amenait avec lui dans sa valise - mais il ne se sentait pas le courage de monter tout de suite les six étages qui le séparaient de son appartement. Il envisageait d'ailleurs cette ascension avec un certain effroi, car la simple idée de l'effort physique à fournir pour monter les escaliers lui donnait la nausée. Les seules dix-sept marches qui séparaient le rez-de-chaussée du premier étage dans son logement suffisaient déjà à lui lever le coeur et à le transformer en loque pour un bon quart d'heure, il préférait donc ne pas imaginer l'effet que lui feraient six volées d'escalier... Une heure et demie pour récupérer, dans le meilleur des cas... Il valait mieux ne pas penser au pire... Mais c'était exactement ce qu'il était en train de faire !!!

Frederick secoua la tête, et ralluma une nouvelle cigarette. Pour encore un peu de temps, il aurait une excuse pour ne pas entrer. Il laissait le brouillard l'envelopper, s'infiltrer entre le tissu de ses vêtements et sa peau, imprégner ses membres, le glacer jusqu'aux os. De toutes façons, Frederick était perpétuellement gelé. L'un des nombreux "à côtés" de son opiomanie, avec les carences diverses et variées, la déminéralisation... et tout un tas d'autres mots barbares pour lui que lui avait sorti un médecin à sa dernière consultation juste avant de s'embarquer pour l'Amérique. Il avait d'ailleurs l'ordonnance dans sa poche et espérait ne pas avoir à approcher un de ces gens-là avant un moment ! Moins il voyait de médecins, mieux il se portait. Paradoxal ? Peut-être. Question de prudence, surtout. Ces beaux messieurs de la faculté ont trop de connaissances, et donc trop de moyens de manipuler et de faire souffrir sans que nul n'y trouve à y redire... En y réfléchissant, il doit sans doute y avoir un très grand nombre de médecins criminels, mais qui ne sont jamais jugés...

Enfin, il valait mieux ne pas y songer. Frederick soupira, s'emplit une dernière fois les poumons de brume, écrasa son mégot sous sa semelle et, ramassant sa valise, poussa enfin la porte de l'immeuble. On lui avait remis ses clefs déjà, il n'avait plus qu'à monter prendre possession de son logement. Il jeta un regard un peu effrayé à la cage d'escalier, puis, prenant son courage à deux mains en plus de sa valise et de la rampe, entreprit de gravir les marches. Une ascension difficile, car il avait le souffle court et la nausée toutes les trois marches. Néanmoins, il mit un point d'honneur à ne pas s'arrêter.

Arrivé à son étage, il lui fallut cependant un bon moment pour que ses jambes tremblantes retrouvent un tant soit peu de fermeté, que son coeur s'apaisât et sur son souffle se fît moins précipité. Il espéra que, pour la descente, les propriétaires de l'immeuble fournissaient des parachutes et songea non sans désespoir qu'il devrait renouveler l'expérience au moins une fois par jour désormais. Cette seule pensée suffisant à raviver sa nausée, il s'empressa de songer à autre chose, le temps que son organisme finisse de s'apaiser.

Quand, enfin, il estima pouvoir se tenir debout sans risquer de s'écrouler, il se redressa, tira sa clef de sa poche et remonta le couloir silencieux jusqu'au numéro 606. Il ouvrit la porte, la poussa et resta un instant sur le seuil à contempler la pièce. Une sorte d'entrée, à gauche, trois portes : une tout de suite en entrant donnant sur un placard, semblait-il, la seconde menant à la salle de bains, la troisième à une chambre ; une autre à droite qui ouvrait sur une seconde chambre, et une grande pièce à vivre en face. Le mobilier était fourni par les gérants de l'immeuble, et Frederick s'était attendu à ce qu'il fût semblable à celui qu'il avait vu dans d'autres immeubles meublés : fonctionnel, récent, sans âme.

Aussi fut-il assez surpris de constater qu'il n'en était rien : le sofa était d'un modèle dit "Chesterfield", proche de celui qu'il avait dans son propre appartement, et flanqué des deux fauteuils assortis, les meubles en général répondaient à ses goûts - du bois, du cuir, une certaine élégance des lignes, tout en restant dans la sobriété. Une large bibliothèque, pour le moment vide, faisait face au canapé, et le mur opposé à la porte était occupé par une vaste baie vitrée ouvrant sur une terrasse. Derrière le sofa, un bar faisait la séparation entre la partie salon et une cuisine à l'américaine. En ce qui concernait Frederick, il ne s'en servirait probablement pas de sitôt...

Ses cartons avaient été déposés dans la chambre de droite et, par la porte entrouverte de l'autre chambre, il put voir qu'il y en avait d'autres. Frederick referma les portes et passa dans la chambre qui lui avait été "assignée" par le hasard. Il s'en moquait tellement, à dire vrai... Son regard désabusé fit rapidement le tour. L'essentiel était là : un lit, une penderie et un coffre qui fermait à clef. Il n'en demandait pas plus. De toutes façons, pour le temps qu'il passerait là... Il soupira, se décida enfin à ôter son manteau qu'il alla accrocher à une patère dans l'entrée, et jeta sa veste sur le lit, avant de remonter ses manches et de s'attaquer au déballage de ses cartons.

Ce fut assez vite fait. Frederick n'ayant pas l'intention de passer le reste de sa vie ici, il n'avait pris que ce qui lui était vraiment indispensable : des vêtements, évidemment, un flacon de laudanum, une bouteille d'absinthe (avec le verre et la cuiller), du tabac, sa pipe à opium - sans opium, il n'avait pas pu en apporter, mais ne désespérait pas d'en trouver quelque part... et au pire, il pourrait toujours se faire represcrire du laudanum - quelques livres, le classeur dans lequel il avait consigné toutes ses notes et recherches sur Jack l'Eventreur et un daguerréotype de Victoria.. Il sortit celui-ci avec énormément de précautions, et le posa avec une tendresse infinie sur la table de nuit, une fois qu'il eût tout rangé et mis sous clef son matériel d'opiomane. Assis sur le rebord du lit, il la contempla longuement.


Et maintenant ? murmura-t-il.

Oui, et maintenant ? Qu'allait-il faire ? Il savait qu'il ne fallait pas qu'il commençât à songer, ce n'était pas la bonne heure. Non, il lui fallait quelque chose pour occuper son esprit. Mais quoi ?

Un bruit à la porte lui fit lever la tête. Il se leva d'une détente, reprit sa veste qu'il enfila et passa dans l'entrée pour aller ouvrir.


Oui ?
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MessageSujet: Re: I'm an Alien... I'm a little Alien... I'm an Englishman in this town...   I'm an Alien... I'm a little Alien... I'm an Englishman in this town... EmptyVen 25 Sep 2009, 19:50

Glissant dans sa poche les lunettes trempées d'humidité qui ne lui étaient pour l'instant plus d'une grande utilité, Jonathan Crane laissa reposer sa lourde valise sur le sol providentiel de l'ascenseur qui devait le mener à son nouveau logis. Se guider dans cette ville inconnue en voiture, lorsqu'une brume grisâtre et cotonneuse semblait s'être fait un devoir de poser sa trace au coin de la moindre ruelle, lui avait pris bien plus de temps qu'il ne l'avait prévu – la traversée ne lui avait pourtant pas paru désagréable, bien au contraire. Arriver ainsi en se fendant un chemin de ce brouillard qui faisait prendre à l'objet le plus incongru un aspect fantomatique, lui donnait l'impression d'être quelque sournoise créature, un fantôme malfaisant qui viendrait s'insinuer dans les maisonnées pour venir murmurer des paroles effrayantes aux oreilles des tout jeunes enfants ... Il avait eu du mal à résister à l'envie d'aller rôder dans la brume pour venir apporter quelques frayeurs bien réelles à ces passants si pressés de retrouver la chaleur de leur foyer.

Rajustant ses cheveux, encore un peu humides, il appuya sur le bouton qui devait le mener jusqu'au sixième étage. Peu enclin aux travaux de bêtes de somme, il avait confié à une société dédiée la charge de transférer les biens de son ancien appartement, et ses cartons l'attendaient en toute logique bien patiemment dans un coin de sa nouvelle chambre. Il avait pourtant amené avec lui une valise dans laquelle se trouvait ce qu'il n'aurait pour rien au monde confié à des mains étrangères, si grassement payées soient-elles : les échantillons de sa toxine qui n'avaient pas été trouvé par la police, des feuilles dont le moindre centimètre carré était orné d'équations, et dont la toxine pré-citée était le précieux résultat, ainsi que quelques livres rares ou anciens soigneusement emballés. A cette valise était accrochée une petite cage, dans laquelle trois souris blanches s'agitaient stupidement, terrorisées par les chaos auxquelles elles étaient exposées : ces deux années à venir, vierges d'activités criminelles, il comptait bien les mettre à profit pour perfectionner sa toxine ... Et puisqu'il ne pouvait décemment pas pour l'instant expérimenter sur ses patients, les bestioles formeraient un compagnon de choix quant à la poursuite de ses futures recherches. Dans cette ville, le niveau de la police devait être en toute logique calquée sur le niveau de criminalité, qui n'était a priori pas des plus élevés. S'il se tenait à l'écart des forces de l'ordre, tout irait pour le mieux, et il ne comptait pas les inviter sous son toit. Encore sept cent petits jours – et des poussières – à voler sous le radar, et il pourrait enfin reprendre de plus glorieuses activités ... Le fait que les responsables de l'asile d'Arkham aient pu se montrer suffisamment crédule pour le remettre en liberté ne cessait d'ailleurs de l'étonner, et il soupçonnait fort qu'il aient plutôt sauter sur l'occasion de l'envoyer semer son bordel dans une autre contrée.

Seules deux ombres subsistaient dans cet heureux tableau. La première étant ce maudit bracelet électronique, collier pour chien désobéissant munit d'un GPS, placé à sa cheville pour s'assurer qu'il ne s'acquitte pas de déplacement suspicieux ou ne quitterait pas la ville sans autorisation. Non content que ce genre de marquage ait un effet quelque peu fâcheux sur sa précieuse fierté, l'outil en lui-même s'était bien vite révélé des plus désagréables quand il s'agissait de trouver le sommeil. Ceci étant, après plusieurs mois passés à l'asile d'Arkham, à devoir nager sous le nuage des tranquillisants, manger avec des couverts en plastique, ou porter une camisole de force quand les infirmiers craignaient pour leur tranquillité, ce traitement semblait presque princier. .. Pouvoir porter un costume hors de prix et prendre ses douches seuls était déjà un luxe quelque peu réconfortant. La seconde était déjà plus dure à mettre de côté, au vu du poids qu'elle aurait sur sa vie quotidienne – une colocation. Encore un coup de ce psychologue de bas étage qui lui avait été attribué, convaincu que sa soi-disant "obsession pour la vengeance" cesserait lorsqu'il aurait compris que les gens qui l'entouraient n'étaient que d'adorables agneaux, à câliner entre les deux oreilles et gaver de pop-corn comme les animaux d'une mini-ferme.

Les portes de l'ascenseur s'ouvrirent, et lui et sa valise reprirent leur épopée, le son des roulettes tranchant le calme d'un couloir autrement silencieux. Tandis qu'il se demandait combien de temps il parviendrait à rester en-dehors des activités criminelles si son colocataire s'avérait être un étudiant fan de Tryo ou une divorcée de quarante ans partageant sa vie et ses fantasmes entre le roux ténébreux des Experts : Miami et les rebondissements de Secret Story, ses pas finirent inévitablement par le mener devant la porte qui le séparait de l'instant de vérité. Il y frappa trois coups brefs, en dépit du fait que la clef se trouvait déjà lovée bien au chaud dans le fond de sa poche : il ignorait si son futur colocataire était déjà arrivé, et un peu de politesse superflue ne ferait qu'encourager ce dernier à profiter de son exemple s'il en était lui-même dénué.

La porte ne tarda pas à s'ouvrir, sur un homme qui semblait dans les mêmes eaux que lui en ce qui concernait son âge. Avant de donner le ton, Jonathan prit le temps d'observer l'homme qui partagerait son appartement. Vêtue de façon somme toute assez élégante, bien qu'un tantinet désuète, il ne semblait pas trop expansif et peut-être même relativement éduqué. Le teint un peu trop pâle, peut-être, ce qui pouvait traduire soit de mauvaises habitudes de vie, soit quelques problèmes de santé sous-jacents. À moins qu'il n'ait tout simplement attrapé quelque virus dû à l'humidité ambiante. Au moins, il n'avait pas choisi la branche de la médecine qui offrait le plus de candidats potentiels à l'opportunité d'une consultation gratuite ...


Dr. Jonathan Crane. Psychologue, actuellement en liberté conditionnelle ... Si je ne me trompe pas, nous sommes colocataires.

C'était peut-être un peu trop franc pour une première impression, mais mieux valait que ce genre d'informations tombe dès le départ, plutôt que prendre le risque de les mettre au jour dans un moment moins opportun. Un regard derrière l'épaule de son vis-à-vis lui laissa entrevoir une partie de l'appartement. Sobre mais tout en conservant une certaine élégance, il ne s'inscrivait pas dans les tendances actuelles qui prônaient le "design" et la modernité comme s'il s'était agi de l'étendard d'une nouvelle religion. Il eut également l'heureuse surprise de constater que son colocataire n'y avait introduit aucun objet de mauvais goût, poster ou tableau douteux ... Laissant comme toute marque de sa présence un vide somme toute assez surprenant – à moins, bien sûr, qu'il ne vienne également tout juste d'arriver. Bien que toujours sur le qui-vive, un léger sourire flotta sur son visage à l'idée que les heures à venir s'annonçaient un peu moins catastrophiques que ce qu'il avait pu redouter, il tendit une main - après avoir fini par décider que son vis-à-vis ne semblait pas être atteint d'une maladie contagieuse - à celui qui devait partager son lieu de vie, adoptant le ton de civilité courtoise qu'il employait en général dans ses relations professionnelles.

Enchanté de faire votre connaissance ... Vous êtes installés depuis longtemps ?
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MessageSujet: Re: I'm an Alien... I'm a little Alien... I'm an Englishman in this town...   I'm an Alien... I'm a little Alien... I'm an Englishman in this town... EmptyDim 27 Sep 2009, 04:03

Lorsqu'il ouvrit la porte, Frederick ne savait absolument pas à quoi il devait s'attendre. Aussi son regard sombre et expérimente s'attarda-t-il longuement sur le nouveau venu. La trentaine, cheveux bruns, yeux bleus, regard étrangement insondable pour quelqu'un ayant les yeux aussi clairs, costume de grande qualité, l'air un peu trop sage pour être parfaitement honnête. Par devers lui, Frederick se fit deux reflexions : la première qu'il y avait des chances que les deux hommes puissent cohabiter sans trop se gêner, à moins que cet homme ne se montrât un peu trop curieux quant à son âge réel et à certaines de ses habitudes ; la seconde, plus viscérale, que tout ceci devait cacher quelque chose.

Il lui fallut donner raison à son instinct quand son colocataire déclina son identité. "Docteur", "psychologue" et "liberté conditionnelle" n'était pas à proprement parler les mots à prononcer pour mettre l'Anglais en confiance. Et si Frederick demeura parfaitement impassible et immobile face à ces révélations, son esprit, lui, se cabra immédiatement. Quel était l'imbécile qui avait décidé de les faire cohabiter ? Un policier et un ancien criminel sous le même toit, il fallait être stupide ou sadique ! Cette association ne pouvait être que des plus désastreuses !

Soit dit en passant, la franchise du Docteur Crane au sujet de ladite liberté conditionnelle méritait d'être soulignée. Ce fut sans doute la raison pour laquelle Frederick serra de sa main glacée celle que lui tendait le psychologue et, faisant une concession à la politesse, prononça de son ton le plus neutre :


Inspecteur Principal Frederick Abberline, représentant de New Scotland Yard près la police locale. Nous sommes effectivement colocataires - du moins pour les mois à venir.

De son côté également, le ton était donné et Frederick avait joué franc-jeu. Il s'était lui-même désigné comme citoyen britannique - ce que son accent aurait de toutes façons fait pour lui - avait annoncé la couleur quant à son métier et déclaré d'entrée de jeu ne pas avoir l'intention de rester éternellement. Lâchant la main de Crane, il s'écarta pour le laisser passer et referma la porte une fois que celui-ci et sa valise furent entrés.

Il laissa quelques secondes s'écouler, le temps pour Crane de regarder à la pièce et de l'apprécier ou non, et réprima un frisson. Il y avait près de vingt-quatre heures qu'il n'avait pas sacrifié à son addiction, et les premiers symptômes de manque commençaient à se faire sentir : maux de tête, sensation de froid qui envahissait petit à petit chaque membre, vertige, nausée, main gauche tremblante... Pour dissimuler ce dernier détail, Frederick s'empressa de la plonger dans sa poche alors qu'il prononçait, accompagnant ses mots d'un geste vague de la main en direction de la chambre :


Je ne suis là que depuis une heure. Vos affaires ont été disposées dans cette chambre. La salle de bains est juste à côté.

Il eut un geste sec de la tête et se détourna en ajoutant :

Je vous laisse à votre emménagement. Si vous avez besoin d'aide...

Il n'acheva pas sa phrase. Il ne savait d'ailleurs pas pourquoi il avait dit ça. Un vieux reste d'éducation, sans doute. Il n'avait posé aucune question quant à la liberté conditionnelle de Crane, estimant qu'il n'avait pas à le faire. Si celui-ci ne venait pas mettre son nez dans ses affaires, lui-même ne le ferait pas. C'était aussi simple que cela.

Il passa dans sa chambre, referma la porte derrière lui et ouvrit le coffre qu'il avait fermé à clefs quelques minutes plus tôt et, à gestes secs et précis, prépara sa mixture. Le laudanum et l'absinthe n'étaient pas aussi efficaces que l'opium, et il devait y revenir plus souvent... mais cela faisait un palliatif en attendant mieux. Il fit flamber l'absinthe et, le temps que le sucre fonde, se cala dans un fauteuil qu'il venait de remarquer, dans l'embrasure de la fenêtre... son revolver à portée de la main, au cas où. Installé comme il l'était, il n'avait qu'à se pencher pour prendre le verre et la cuiller, avec laquelle il acheva le mélange. Dans la pénombre de la pièce dont il n'avait pas ouvert les rideaux, Frederick se sentait lentement glisser dans cette torpeur familière que lui offrait l'opium... Il n'espérait qu'une chose : que l'autre ne vienne pas frapper à sa porte tout de suite...
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MessageSujet: Re: I'm an Alien... I'm a little Alien... I'm an Englishman in this town...   I'm an Alien... I'm a little Alien... I'm an Englishman in this town... EmptyLun 05 Oct 2009, 13:48

Gardant un petit sourire impassible, Jonathan maudit intérieurement tous les dieux dont il connaissait le nom lorsqu'il entendit en quoi consistait la profession de son colocataire. Un policier, décemment gradé qui plus est, c'était bien la dernière chose qu'il lui fallait dans cet état de fait... Il allait devoir faire preuve d'une discrétion exemplaire s'il ne voulait pas que ce dernier ne soupçonne quoi que ce soit de louche dans ses recherches. Quelques mois, avait-il dit ... avec un peu de chance, sil se montrait suffisamment discret, il pourrait bientôt reprendre tranquillement ses activités sansavoir éveillé ses soupçons. Il ne pouvait s'empêcher cependant de ressentir une certaine menace dans le regard inquisiteur de l'inspecteur, qui l'observait comme s'il avait déjà flairé le moindre de ses petits secrets ... Il donnait l'impression de quelqu'un de décemment doué pour le métier qu'il exerçait, et Jonathan espéra sincèrement qu'il n'était pas adepte des heures supplémentaires dans le cadre privé.

Alors que Jonathan observait l'appartement, qui s'avérait décidément tout à fait à son goût, sembla soudain un peu nerveux et pressé de s'éclipser, et l'espace d'un instant Jonathan put observer que sa main tremblait. Ce dernier tenta de le cacher en la dissimulant dans la poche de son veston, mais cela ne fit qu'accentuer les soupçons qu'il nourrissait à son sujet. Pour avoir eu un certain nombre de patients souffrant de ce genre de dépendance, en plus de sa propre expérience en tant que revendeur, il avait un certain oeil pour reconnaître les symptômes de manque ... La question était de savoir quel démon le rongeait, puisqu'ils étaient nombreux, de l'alcool aux substances moins légales. Il fit cependant mine de n'avoir rien remarqué. Si l'information s'avérait exacte, cela lui offrait un atout inattendu et il n'allait certainement pas montrer ce qu'il savait avant de savoir s'il pouvait en tirer quelque avantage. Et puis, ce dernier ne semblait pas particulièrement porté sur la conversation, ni particulièrement intrusif, et Jonathan était prêt à lui rendre la pareille si l'Inspecteur continuait à ne pas venir regarder de trop près dans ses activités.

Faites donc ... J'ai un millier de choses à faire et un peu de calme ne sera pas de refus.

La grande majorité de ce qu'il avait amené se composait de livres divers : des livres de physique et de chimie, mais également Nietzsche, James Joyce, Edgar Allan Poe ... Il remplit quelques rayonnages de la bibliothèque qui faisait face au canapé, puis, considérant qu'avant de poursuivre il ferait peut-être mieux d'attendre de voir ce qu'Abberline avait à y mettre, il passa dans sa chambre pour s'occuper du reste de ses affaires. Après avoir posé la cage dans un coin de la pièce, il s'attaquait à une petite pile de cartons, un mouvement de coude malencontreux déséquilibra celui qui se trouvait sur le dessus, et des éprouvettes s'écrasèrent au sol avec un fracas de verre brisé.

Tout en pestant, il posa la main au sol, s'accroupissant avec l'intention de ramasser les morceaux - et s'arrêta lorsqu'un élan de douleur lui traversa la paume. Relevant aussitôt la main il eut le loisir qu'un beau morceau de verre s'y était planté, qu'il enleva en serrant les dents. Le verre ne semblait avoir entamé aucun tendon mais ça saignait bien - commençant à chercher de quoi arrêter ça, il réalisa qu'alors même qu'il avait emmené avec lui le matériel complet du petit chimiste, il n'avait rien qui lui permette de soigner une simple coupure ... Maudissant son manque de sens commun, il plaqua un mouchoir contre sa main pour se diriger vers la sale de bains, qui se révéla désespérément vide. Il jeta un regard en direction de la chambre de son colocataire ... Il avait quelque idée de ses occupations actuelles, et s'il avait raison, venir le surprendre risquait de mettre l'inspecteur sur ses gardes en ce qui le concernait, ce qui était bien la dernière chose qu'il lui fallait. En même temps , il doutait que ce dernier apprécie qu'il ruine à coups de gouttes de sang la décoration de l'appartement, et même en se contentant du mouchoir, il n'était pas sûr qu'une main suffirait pour faire un bandage décent ... Il se décida donc à frapper trois coups secs sur le battant de bois qui le séparait de Frederick.


Inspecteur Abberline ? Est-ce que vous auriez de la gaze ou du désinfectant ? Je crois que je me suis coupé.

"Je crois" ... Bête à manger du foin, vu qu'il avait un mouchoir rouge de sang plaqué sur la blessure. Le silence qui s'ensuivit, cependant, tendait à confirmer ses premiers soupçons sur les activités clandestines de son colocataire, et il s'interrogea sur la pertinence de demander assistance à un toxicomane probablement en plein défonce. Il aurait pu demander à un voisin de palier, mais cela risquait de devenir un prétexte pour entamer la discussion, voire s'attirer la compagnie régulière d'un voisin trop collant ... Révulsé par cette idée, il se risqua à une relance.


Vous savez, vous pouvez faire ce que vous voulez là-dedans, ça ne me pose pas de problème éthique ... Tant que vous savez ce que vous faites : si mon colocataire mourrait dans des conditions étranges le jour même de mon arrivée, cela pourrait m'apporter quelques ennuis avec la justice ...


Un peu risqué sans doute, de faire ce genre de suppositions à voix haute alors qu'il n'avait encore aucune certitude, mais il s'en souciait étonnamment peu en ce moment précis, et n'avait de toute façon rien affirmé de manière réellement explicite. Au pire il le prendrait pour un cinglé et l'éviterait, ce qui, en misanthrope qu'il était, sera somme toute relativement vivable ...
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MessageSujet: Re: I'm an Alien... I'm a little Alien... I'm an Englishman in this town...   I'm an Alien... I'm a little Alien... I'm an Englishman in this town... EmptyLun 05 Oct 2009, 16:30

Avez-vous remarqué cette constance avec laquelle les choses que vous ne désirez pas vous tombent dessus au moment même où vous formulez le souhait qu'elles ne se produisent pas ? Frederick, pour lui, s'était plus d'une fois fait cette réflexion, qui se confirmait une fois de plus. A peine avait-il eu le temps d'espérer que son colocataire lui laisserait la demi-heure nécessaire à l'assimilation de son breuvage que celui-ci frappait à sa porte. L'inspecteur leva les yeux au ciel et soupira. Evidemment. C'était aussi systématique que la théorie de la tartine qui tombe toujours du côté de la confiture ou du coup de sonnette quand vous êtes dans votre bain.

Enfin, la dose qu'il avait prise suffirait à parer au plus pressé et à l'aider à ne pas ressembler au toxicomane de base. Flegmatique, il s'arracha au fauteuil, posa au passage son verre sur le couvercle du coffre et ouvrit le placard, dont il tira une bouteille d'alcool à 90°, de la gaze et une bande. La relance de Crane lui arracha un sourire ironique. Il jeta un regard à la pièce, où quelques cartons restaient ouverts et alla ouvrir. Calme, impassible, tous tics et autres manifestations parasitaires maîtrisés, il observa son vis à vis.


D'un autre côté, cette cohabitation semblant vous indisposer autant que moi, consolez-vous en vous disant que vous seriez débarrassé... laissa-t-il tomber en réponse à la remarque précédente de son colocataire.

Il jeta un coup d'oeil à la main de Crane. Celui-ci
croyait s'être coupé... Et bien, si face à pareil hémorragie il n'en était pas sûr, que lui fallait-il ? Enfin. Tendant la main, il écarta le mouchoir et son regard habitué à différentier les diverses entailles évalua la gravité de la blessure.

Je ne sais pas - et ne veux pas savoir - comment vous avez fait votre compte, mais vous avez de la chance : aucun point de suture ne sera nécessaire.

Sur ce, il referma la porte de sa chambre et se dirigea vers le comptoir de la cuisine pour y déposer le matériel de premiers soins qu'il avait sorti de son armoire. Sachant d'expérience que se bander soi-même la main correctement relevait du tour de force et que le résultat était généralement plus handicapant qu'autre chose, il demanda :

Je vous arrange ça, ou vous préférez vous débrouiller seul ?

Frederick songea que, décidément, leur situation avait quelque chose de fortement ironique : leurs activités respectives auraient demandé qu'ils soient à couteaux tirés. L'un comme l'autre semblaient désireux de se tenir le plus loin possible de l'autre - et même de tout être humain en général - et voilà qu'ils se retrouvaient à devoir partager le même espace de vie pour les mois à venir et faisaient assaut de politesse et d'hypocrisie depuis qu'ils s'étaient rencontrés. Duh. La vie nous amène parfois à faire d'étranges concessions...
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MessageSujet: Re: I'm an Alien... I'm a little Alien... I'm an Englishman in this town...   I'm an Alien... I'm a little Alien... I'm an Englishman in this town... EmptySam 31 Oct 2009, 02:04

Le calme et le sens de la répartie de l'inspecteur arrachèrent à Jonathan un rare sourire amusé. Au moins ce dernier ne semblait pas se vexer trop facilement, peut-être arriveraient-ils contre tout espoir à se supporter mutuellement plus de quinze jours durant, qui sait ?

Pas faux. Il s'agit cependant d'un appartement en collocation, et je crois que j'aurais du mal, malheureusement, à trouver quelqu'un d'autre avec aussi peu de conversation. C'était un compliment, ajouta-t-il avec un léger haussement de sourcil.

Il se retint de jeter un coup d'oeil inquisiteur dans la pièce, un acte qui n'avait aucune chance de paraître discret. Au moins il lui épargnait la honte de devoir se remémorer, ou pire encore raconter ce stupide accident et pour cela il aurait presque pu lui jurer de ne pas se mêler de ses affaires. Ce dernier, de toute manières, semblait plus calme et décidément lucide. Il n'avait cependant rien démenti.

Merci, docteur, ironisa-t-il avec un petit sourire. Ça m'évitera au moins de faire mon entrée à l'hôpital en tant que patient avant même d'y travailler, je suppose ...

Lorsque l'inspecteur déposa sur la table ce qu'il lui avait demandé, il s'apprêtait à le remercier, quand ce dernier lui proposa de l'aider à s'occuper de sa blessure. D'abord réticent, il envisagea les possibilités qui s'offraient à lui ... Soit il acceptait son offre et en était quitte pour un moment de proximité désagréable avec cet homme qu'il venait juste de rencontrer, soit il refusait et testait par la pratique si ses talents d'infirmier, à une main, valaient ses talents de psychologue. Le choix était vite fait, malheureusement ... Il haussa donc les épaules en signe d'abandon.

Je suppose que je n'ai pas le choix ... Par contre je suis surpris que vous, qui l'avez et qui semblez de toute évidence avoir le même amour immodéré que moi pour la chaleur humaine, n'ayez pas sauté sur l'occasion de retourner dans votre chambre.

Il s'installa sur une chaise du comptoir où Frederick avait déposé le nécessaire de soin, à la recherche de désinfectant et de gaze, laissant quartier libre à l'inspecteur de revenir sur sa décision s'il était déjà lassé de l'humour de son colocataire. Cependant, la blessure, bien que sans gravité, le lançait trop pour qu'il espère utiliser sa main de manière efficace, et avant de risquer de se ridiculiser plus en ouvrant la bouteille avec les dents, il jeta un regard qui se voulait indifférent en sa direction, espérant qu'il ne trahissait pas trop d'espoir. Ce dernier n'avait, étonnamment, pour le moment pas fait demi-tour.

Je parie que vous êtes de ceux qui sont entrés dans la police pour aider les gens ... Les incorruptibles, avec cette attraction malsaine pour la justice.

Il n'aurait pas spécialement sut dire ce qui le poussait à engager une conversation plus poussée alors qu'il n'y était pas obligé. Peut-être parce qu'une proximité silencieuse semblerait plus inconfortable qu'autre chose, ou parce qu'ils allaient finir par s'y noyer à force de s'échanger des politesses hypocrites. Il fallait bien qu'ils s'en garde quelques une de côté pour ses futures relations de travail ...
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MessageSujet: Re: I'm an Alien... I'm a little Alien... I'm an Englishman in this town...   I'm an Alien... I'm a little Alien... I'm an Englishman in this town... EmptySam 31 Oct 2009, 18:16

Frederick haussa les épaules au "compliment" de son colocataire et se contenta d'une ébauche de sourire amusé à sa remarque. En effet, ête médecin et débarquer dans l'hôpital où l'on est censé exercer par la porte des urgences avait quelque chose de ridicule. Même si la spécialité du Dr Crane n'avait pas grand chose à voir avec les soins d'une manière générale.
Il avait posé son veston sur le dossier d'une chaise, ôta son alliance et déboutonna ses manches, qu'il remonta avant de se laver les mains, tout en écoutant distraitement ce que disait Crane. Autrefois, il ne se serait pas permis de se mettre ainsi en manches de chemise ou de relever ses manches, montrant ainsi ses tatouages, face à qulqu'un qu'il ne connaissait que depuis quelques minutes. Mais les moeurs avaient changé. Alors qu'à son époque être tatoué était une disgrâce, c'était devenu une chose commune désormais. Voilà à quoi il songeait en s'essuyant les mains et alors que son regard tombait sur l'anneau bleuté qui ceignait son index droit et la fée verte qui se trouvait sur l'intérieur de son avant-bras gauche.
Il releva la tête, saisit une compresse et la bouteille d'alcool dont il dévissa le bouchon d'une main, et répondit sans regarder son colocataire :


Disons qu'au delà d'une question d'éducation, je préfère encore supporter une présence humaine deux minutes de plus et faire ça proprement que de risquer de devoir faire changer la moquette suite à un accident et avoir les ouvriers dans la maison pendant deux semaines. Et je suis optimiste en estimant le temps des travaux.

Il saisit le poignet de Crane et lâcha machinalement :

Serrez les dents.

L'alcool à 90° a cet avantage de désinfecter très efficacement. Mais il a aussi l'inconvénient de "décaper" les plaies et de laisser une sensation de brûlure très désagréable pour presque deux bonnes minutes...
Tandis qu'il nettoyait la plaie de son colocataire à gestes secs et précis, celui-ci fit une supposition sur son engagement dans la police. Frederick haussa les épaules. Peut-être y avait-il du vrai dans ce qu'il disait, mais l'adjectif "incorruptible" lui arracha un sourire. Ce n'était pas vraiment le terme que lui-même aurait utilisé pour se décrire. Certes il n'était guère sensible aux tentatives de corruption classiques : argent, services de diverses natures, trafic d'influence. Mais il pouvait se laisser fléchir facilement, si on trouvait quelle corde tirer... Mais cela, Frederick ne le dirait pas à son colocataire. Il se contenta de répondre :


Peut-être. Je suppose du moins que c'était le cas quand j'ai fait ma formation.

Il avait eu un idéal en entrant au Yard. Un idéal auquel l'expérience et les divers mauvais tours de la vie lui avaient petit à petit appris à renoncer. Il choisit d'ironiser :

De l'eau a coulé sous les ponts, depuis. Mais comme vous voyez, j'ai des vieux restes. Les réflexes conditionnés, c'est tenace...

Il reposa la compresse et observa la plaie, à présent propre - et vraisemblablement à vif. Il saisit deux autres compresses, une bande, et lâcha :

Essayez d'écarter les doigts si vous pouvez.

Il se mit à bander la plaie, suffisamment serré pour que les compresses tiennent en place et que le bandage ne risquât pas de se défaire tout seul, mais suffisamment lâche pour que le sang continuât à circuler dans la main blessée. Frederick n'était pas médecin, et n'avait aucune prétention dans ce domaine, mais dans son travail avait suffisamment souvent eu à faire ce genre de bandages pour qu'il n'ait même pas besoin de s'appliquer pour faire cela aussi correctement que n'importe quel infirmier. A son tour, il fit une supposition :

Pour ma part, je parierais que c'est par goût du contrôle et du pouvoir que vous avez choisi cette spécialité... La possibilité d'entrer dans l'esprit des autres et de le manipuler à votre guise...

Il n'attendait pas vraiment de réponse. Il était quasiment certain de ne pas se tromper. Moins parce que Crane avait fait ou dit quoi que ce fût pour corroborer cette hypothèse que par instinct - et défiance désormais naturelle envers les médecins de toute sorte. Il y avait quelque chose chez cet homme - Frederick allait l'appeler "jeune homme", mais s'aperçut que, en aparance du moins, ils devaint avoir le même âge, soit une trentaine d'années - qui faisait dire à l'inspecteur qu'il ne fallait surtout pas se fier à son apparence de premier de la classe...
Enfin, il eut fini. Il fixa la bande et relâcha son colocataire. Tandis qu'il jetait les compesses usagées et rebouchait la bouteille de désinfectant, il lâcha :


Si c'est la main dont vous écrivez, j'espère pour vous que vous êtes ambidextre, parce que vous en avez pour une semaine au moins.

L'autre étant médecin, il devait comprendre que cela signifiait également une semaine à devoir changer le pansement matin et soir... Federick remit son alliance, rajusta ses manches et les reboutonna, puis, rassemblant les bandes, les compresses inutilisées et la bouteille de désinfectant, alla ranger le tout dans l'armoire de la salle de bains. Puis, il repassa dans la grande pièce pour récupérer son veston et lança :

Bien. A présent, et à moins que vous n'ayez encore besoin des services de deux mains valides, je vous laisse à votre emménagement.

Il marqua un temps d'arrêt, laissant à son colocataire le loisir de formuler une réponse, avant de reprendre la direction de sa chambre.
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MessageSujet: Re: I'm an Alien... I'm a little Alien... I'm an Englishman in this town...   I'm an Alien... I'm a little Alien... I'm an Englishman in this town... EmptyMer 04 Nov 2009, 03:09

Lorsque l'inspecteur releva ses manches, Crane eut le loisir de constater qu'il ne manquait décidément pas de surprises. Tatouages, piercings ... Pour sa part, il aurait fallu l'attacher pour lui faire faire ce qu'il considérait comme des dégâts sur sa petite personne. D'un autre côté, les dégâts sur sa petite personne semblaient être en voie de devenir sa spécialité, dernièrement. Qui, d'ailleurs, ne manquèrent pas de se rappeler à son bon souvenir. Il émit un léger crissement lorsque l'alcool entra en contact avec la plaie, jetant un regard meurtrier à l'offensante bouteille d'alcool à 90°. L'inspecteur n'avait-il donc jamais entendu parler de la Betadine, ou était-ce seulement un moyen détourné de lui faire payer ses sarcasmes ?

Quant à s'il était ou non incorruptible, cela ne relevait pas du simple fait de la conversation. Après tout, à Gotham, il avait travaillé pour ainsi dire main dans la main avec la police avant l'arrivée de ce fichu justicier masqué. Qu'il fasse partie de ceux qui cèdent devant un service ou un joli billet l'aurait bien arrangé pur ses projets futurs. Mais il aurait parié que celui-ci, malgré son air désabusé et son rejet des autres, étaient de ceux qui guettent au fond d'eux et malgré eux l'occasion de rendre justice. Et ce n'était pas forcément les moins dangereux ... Prenez-vous en à quelque chose qui lui est cher, et vous l'aurez sur le dos jusqu'au fin fond des enfers. Le tout était de savoir s'il lui en restait encore, de ces choses chères ... Il haussa les épaules.


Vous feriez probablement mieux de vous débarrasser de ces "restes". Après tout, on dit toujours que ce sont ceux qui ont le plus de principes qui meurent les premiers.

Il écarta les doigts, peut-être un peu plus que nécessaire pour chasser les derniers scrupules de son colocataire, jetant un regard courroucé à ces doigts qui tremblaient encore légèrement. Si son allure de premier de la classe le rangeait plutôt dans la catégorie de ceux qui ne risquaient d'hémorragie que d'une feuille de papier aux bords un peu trop tranchants, il s'était soigné lui-même à mainte reprises, plus jeune, quand les terreurs de l'école lui cherchaient des crasses. Pas d'argent à gaspiller pour aller à l'hôpital, aurait dit sa grand-mère, et quant à lui demander de l'aide, et bien ... Il n'était pas suffisamment suicidaire. Sans compter son temps en tant que prisonnier en cavale, où le Batman n'y allait pas toujours de main-morte.

La remarque de Frederick sur ses propres motivations ne fit que confirmer la première impression qu'il lui avait laissé. Il avait de l'instinct, et une certaine lucidité vis-à-vis de ceux qui l'entouraient. Il sentit un sourire légèrement prédatoresque se frayer un chemin jusqu'à ses lèvres. Un policier sous le même toit, ce n'était pas forcément une si mauvaise idée : danger ou non, au moins il ne risquerait pas de s'ennuyer ...


Bien évidemment. Que peut y avoir d'autre d'intéressant dans une telle profession ? Ceux qui prétendent faire ce métier aider les désespérés sont des hypocrites. Sauf peut-être ceux qui travaillent à SOS suicide, mais c'est uniquement parce qu'ils sont plus cinglés que leur patients ...

Et cinglé, il fallait sacrément l'être pour aimer leurs histoires de poussées d'acné traumatisantes ou d'amour sans issues.

L'esprit humain est terriblement fascinant, et celui qui sait comment le briser ne peut connaître aucun ennemi qu'il ne saura un jour ou l'autre renverser. À l'asile où je travaillais, il y avait cet ancien chef de la mafia, qui avait régné sur la ville, eut la richesse et l'influence des anciens seigneurs, et suite à une crise de démence n'était même plus capable de faire ses lacets ... Une brillante leçon s'il en est.

Oh, le fait qu'il ne soit lui-même pas forcément étranger à son état ne relevait que du détail ... Ces souvenirs l'emplissaient presque d'une certaine nostalgie. La grande époque, celle où il pouvait expérimenter à loisir sur ses patients, et défaire des esprits comme autant de châteaux de cartes sans personne pour mettre le nez dans ses affaires ...

Le bandage finit par être terminé, et il haussa les épaules à la remarque de son colocataire. Il n'avait pas tord sur le temps de guérison, et face à la nécessité de changer régulièrement les pansements il commençait à envisager la possibilité d'apprendre à se servir de ses dents comme d'un nouvel appendice.


Fort heureusement, il s'agit de ma main gauche et je suis droitier. Et pour le pansement, si vous avez mieux à faire je trouverai bien une infirmière qui a du temps à perdre, dans l'hôpital ...

Jonathan marqua un temps de réflexion face à la seconde tentative de Frederick pour rejoindre son antre. Il était largement prêt à affronter la difficulté de déballer ses affaires avec une plaie fraîchement pansée si cela pouvait éviter le fait que des yeux étrangers viennent se glisser dans ses affaires. D'un autre côté, cependant, il n'allait pas laisser partir quelqu'un qui semblait si pressé de retourner à sa tranquillité, ne serait-ce que par pur esprit de contradiction. Ou par goût du challenge, ce dernier s'étant montré particulièrement perspicace dans ses observations. Il n'allait pas le laisser partir avant d'avoir marqué lui-même quelques points de son côté ... Ou en avoir appris un peu plus sur ce qui le faisait tiquer. Il lança donc d'un ton soigneusement distrait :

Ah oui, déjà ? Vous ne me laisserez même pas vous offrir une tasse de thé, pour vous remercier de vos soins ?

Bougeant quelque peu les doigts pour tester l'effet produit par le résultat final du bandage, il plissa les yeux d'un air satisfait. Il ne s'en était pas si mal tiré ... peut-être mieux que certaines infirmières des urgences, d'ailleurs. En même temps, le niveau de la compétition ne lui rendait pas forcément justice ... Et le fait de ne pas avoir à patienter des heures dans une salle d'attente bondée, jouait également en la faveur de ce dernier. Il laissa son regard remonter en direction de son vis-à-vis.

Si je ne m'abuse, la bouilloire, elle, n'est pas cassée. Je pense que vous avez déjà satisfait vos affaires et vos besoins du moment, vous aurez bien quelques minutes, encore, à m'accorder ...
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MessageSujet: Re: I'm an Alien... I'm a little Alien... I'm an Englishman in this town...   I'm an Alien... I'm a little Alien... I'm an Englishman in this town... EmptyDim 08 Nov 2009, 02:04

"Ce sont ceux qui ont le plus de principes qui meurent les premiers." Frederick haussa les épaules à cette remarque. Si seulement c'était vrai. Mais non, ceux qui mouraient les premiers étaient ceux qui n'avaient rien demandé à personne. Il lâcha :

J'ai passé l'âge de donner ma vie pour mes principes.

Même s'il n'en disait - et n'en dirait - rien, Frederick avait remarqué l'inattendu stoïcisme de son colocataire. Il en avait entendu plus d'un au moins grincer des dents, voire carrément râler face à la douleur due au désinfectant, mais Crane, lui, avait supporté le tout presque sans un son. Cela sans doute méritait d'être noté, car la résistance à la douleur n'était pas vraiment la première qualité qu'il aurait imaginé pouvoir prêter à son interlocuteur. Oui, décidément, cet homme-là était loin d'être transparent...

En revanche, son petit speech en réponse à sa supposition lui arracha un sourire amusé. Il s'en serait douté. D'une manière générale, il estimait que les médecins avaient tendance à se prendre pour Dieu. Quelques uns devaient sans doute être réellement altruistes, mais pour un sincère, combien de menteurs mégalomanes, manipulateurs et complètement dérangés - autant dire de meurtriers potentiels ? Une question qu'il serait sans doute intéressant de soulever un jour ou l'autre, mais pas aujourd'hui. Il écouta attentivement l'exemple donné par Crane. L'image de Gull, ce pauvre fou de Sir William Gull, s'imposa à lui. Il laissa échapper :


Edifiant, en effet. Mais quid d'un esprit déjà brisé ?

Il s'interrompit. Ce qu'il venait de lâcher allait certainement piquer la curiosité de son interlocuteur, et cela lui déplaisait. D'un autre côté, nul doute qu'en savoir plus sur le sujet pouvait s'avérer intéressant. Si à l'époque il s'était montré plus méfiant, il ne se serait certainement pas laissé mener en bateau comme il l'avait été ! Il ajouta avec un nouveau haussement d'épaules :

De toutes façons, vous prêchez un converti.

De nouveau ce sourire fugace. Frederick n'irait certainement pas jusqu'à dire que Crane lui était sympathique. C'eût été aller trop loin, d'autant que l'inspecteur avait le sentiment que son colocataire aurait bien aimé en savoir plus sur lui, et notamment sur une partie de sa vie qui ne regardait personne d'autre que lui. Mais il ne lui était pas si antipathique que ce qu'il aurait imaginé. Son esprit était fin, sa langue apparemment acérée... Lui-même caustique, Frederick ne détestait pas cette forme de discours.

Si vous en trouvez une, pensez à prévenir la presse, parce qu'entre les pauses thé - enfin je suppose qu'ici ce sont plutôt des pauses café - les discussions de coin de couloir et les rush parce qu'elles sont débordées, cela relèverait de l'exploit...

Mais c'est qu'à l'entendre on aurait presque pu penser qu'il savait de quoi il parlait... Voyons... réfléchissons... Il savait de quoi il parlait ! D'une part parce que la mentalité des infirmières n'avait pas trop changé par rapport à son époque... et d'autre part parce qu'en quelques semaines passées à Londres depuis son réveil, il avait eu l'occasion de constater les faits de visu.

Il ne fut pas surpris le moins du monde de voir que Crane ne le laisserait pas retourner à sa solitude si facilement. Au moment même où il avait formulé le souhait de rejoindre son antre, il s'était douté que l'autre trouverait un prétexte pour le retenir. Esprit de contradiction ou désir de marquer des points au jeu de devinettes dans lequel ils s'étaient tous les deux lancés, peu importait. Ce qui restait était que si Frederick refusait, Crane deviendrait certainement suspicieux et fouineur. Flegmatique, l'Anglais haussa les épaules.


Va pour une tasse de thé.

Frederick revint vers la cuisine, remplit la bouilloire, la brancha et sortit deux tasses, une théière et une boule de l'un des placards. Il avait lui même apporté plusieurs boîtes de thé de chez Hattie's - on est britannique ou on ne l'est pas - qui se trouvaient déjà bien sagement alignées sur le comptoir, contre le mur. Darjeeling, Orange Jaipur, Ceylan, Earl Grey, Russian Earl Grey, Rose of Galway...Il y avait le choix. Frederick les désigna d'un geste englobeur.

Je vous laisse choisir.
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MessageSujet: Re: I'm an Alien... I'm a little Alien... I'm an Englishman in this town...   I'm an Alien... I'm a little Alien... I'm an Englishman in this town... EmptyMer 25 Nov 2009, 01:35

La collection de boîtes de thé, à ce point, ne l'étonnait plus vraiment. L'inspecteur Abberline était, par certains côtés, si conforme à tous les stéréotypes britanniques communément reçus qu'il semblait presque sorti tout droit de l'époque victorienne. Rien qu'à son intonation : ce dernier avait un accent et une façon de parler qui dénotait clairement son appartenance à ce côté de l'archipel ... Un peu désuète, même, par certains côtés. Il était assez curieux de savoir dans quel milieu ce dernier était issu.

Earl Grey, je vous prie. Bouillant. Il s'abstint de préciser "et sans sucre" puisque ce dernier n'en avait de toutes manières pas sorti.

Son regard glissa des boîtes de thé a la silhouette droite et digne de son vis-à-vis, et il retint à peine un petit sourire amusé de venir trahir le fond de sa pensée. Deux tentatives successives de retourner à sa tranquillité, deux échecs consécutifs. Ce cher inspecteur n'avait émis aucune objection, pourtant, une patience qui ne pouvait lui valoir que des éloges ... Lui-même aurait à sa place, profité de cette deuxième injonction pour tracer une bonne fois pour toutes les limites de familiarité à ne pas dépasser. D'ailleurs, il n'aurait même pas eu besoin d'en arriver jusque là, étant donné que si la situation s'était trouvée inversée, il se serait probablement contenté, pour tout soin, de lui tendre avec un sourire aimable une protection plastique quelconque pour éviter qu'il ne souille de sang le sol de leur appartement. Ce dernier poussait même le vice jusqu'à lui offrir lui-même le thé qu'il lui avait proposé. Machinalement, il plaça sa main bandée devant lui, testant quelques flexions des doigts légères et expérimentales. La blessure l'élançait encore, mais ceux-ci avaient cessé de trembler, au moins – il pouvait s'en estimer heureux, probablement.


J'espère au moins que vous êtes conscient que je n'aurai probablement aucune reconnaissance ... Enfin, je suppose que d'un point de vue purement objectif, entretenir de "bonnes relations" de voisinage aide à favoriser une collocation sans cri ni heurts. Vous avez l'habitude de ce genre -- d'arrangements locatifs ?

Il aurait été prêt à mettre à couper la main qui lui restait -sans mauvais jeux de mots – que non. Enfin, là encore, au comportement si chaleureux de Frederick même quelqu'un d'aussi intellectuellement développé que son propre psychologue aurait pu le deviner. Jonathan s'installa tranquillement, laissant Frederick préparer le nécessaire tout en l'observant du coin de l'œil. Gestes précis et méthodiques, qui auraient pu lui faire penser que ses troubles, un peu plus tôt, n'avaient été que pur produit de son imagination. Ce dernier était toujours tellement, tellement calme – un tel "flegme" ne pouvait éveiller en retour qu'une envie tout aussi forte de le faire tiquer. Et cela valait bien le sacrifice d'un peu de son propre temps et de sa présence. D'ailleurs, en parlant de faire tiquer, les mots de son vis-à-vis, quelques instants plus tôt, encore moins la manière dont il avait finit par noyer le poisson, ne lui avaient échappé.

Je dois avouer, cependant, que vos paroles de tout à l'heure m'intriguent ... Qu'est ce que vous entendez par "un esprit déjà brisé" ? On dirait que vous avez déjà été témoin d'une expérience liée à ce domaine... Serait-ce au cours de l'une de vos précédentes enquêtes ?

Enquêtes qui s'étaient fait de l'autre côté de l'Atlantique, d'après ce qu'il lui avait précédemment indiqué. Jonathan était relativement curieux de savoir ce qui avait bien pu faire perdre à l'inspecteur ces fameux principes qu'il avait indiquer posséder encore lors de son entrée dans la police ... La simple réalité du terrain, ou bien plus que ça ? Somme toutes plutôt positif, d'un côté, si cela lui avait permis de prendre un peu de plomb dans l'aile. Pourquoi certaines personnes choisissaient-elles de s'impliquer sur le plan émotionnel ou humain, quand cela n'apportait bien souvent que souffrances personnelles, désastres ou difficultés, il n'aurait pas vraiment pu le dire. L'effet sécuritaire du groupe, peut-être, ou ce système de valeurs morales en direction duquel la plupart des individus semblaient se croire obligés de tendre s'ils voulaient donner une raison à leur existence dans ce petit monde. Comme si l'intérêt et la satisfaction personnelles n'étaient déjà pas des ambitions déjà bien suffisantes en elles-mêmes ...
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MessageSujet: Re: I'm an Alien... I'm a little Alien... I'm an Englishman in this town...   I'm an Alien... I'm a little Alien... I'm an Englishman in this town... EmptyMer 25 Nov 2009, 17:43

Earl Grey, donc. Tandis que l'eau chauffait, Frederick préparait son dosage. Lui-même l'aimait corsé, mais, ne connaissant pas les goûts de l'autre, il préféra s'en tenir au dosage "standard." Il ne leva pas les yeux vers son interlocuteur quand celui-ci lui parla de reconnaissance, mais eut un rictus ironique.

J'en suis tout aussi conscient que vous-même devez vous douter que je n'en ai - pardon my French - strictement rien à foutre. J'ai fait ce que j'avais à faire pour limiter les dégâts et assurer ma relative tranquillité. Quant à votre question, je pense que vous serez d'accord avec moi pour dire qu'elle est de pure rhétorique...

Frederick releva la tête.

Mais si vous souhaitez une réponse formelle, non, je n'ai pas l'habitude de ce genre d'arrangement et je m'en serais passé aussi volontiers que vous. Mais les choses étant ce qu'elles sont, et ceci étant mon logement de fonction, à moins que vous ne choisissiez de déménager, nous allons devoir cohabiter pour au moins les six mois à venir. Autant donc limiter les dégâts.

Frederick espérait sincèrement que ladite cohabitation ne durerait pas plus longtemps et qu'au bout des six mois en question, il pourrait retourner à Londres. il estimait de toutes façons que cette histoire de collaboration internationale était une mascarade grotesque. Il suffisait de voir comment fonctionnait Interpol - à savoir : très mal - pour se rendre compte que les méthodes des différentes polices était incompatibles. Il espérait que sa hiérarchie s'en rendrait compte et le rapatrierait, mais quelque part sa raison et son expérience l'amenaient à envisager un autre scénario, plus probable : sa hiérarchie s'entêtant et rallongeant son séjour...

La bouilloire s'arrêta. Frederick, sans se retourner, l'attrapa et rebaissa les yeux sur la théière qu'il remplit et referma, puis reculant pour aller se caler contre le plan de travail, il tira de sa poche une blague à tabac et une feuille et commença à se rouler une cigarette. Précis, suffisamment délicat pour qu'aucun brin ne sorte du creux de la feuille formé par son index gauche, il était évident que le geste lui était plus que familier. Il referma la blague en tirant d'un coup sec sur le cordon et celle-ci retourna dans les profondeurs de sa poche, tandis qu'il roulait le cylindre entre le pouce, l'index et le majeur de la main droite.

Quand Crane posa sa question, il suspendit son geste un instant. Il aurait dû s'y attendre. Posément, il reprit le cylindre formé à deux mains, prit le temps d'en lécher rapidement le bord et de sceller ainsi la cigarette et d'en tasser le tabac en "
tackant" les deux extrémités contre son poignet avant de répondre en glissant la cigarette achevée dans la poche supérieure de son veston :

On peut dire ça, oui. Une vieille affaire, classée depuis des lustres.

Il se redressa, versa le thé encore bouillant dans les deux tasses, en poussa une dans la direction de son colocataire et retourna prendre sa place, appuyé au plan de travail. Il lâcha, presque malgré lui :

Un médecin, sans conteste l'un des plus brillants esprits de sa génération qui suite à une attaque est devenu un tueur en série persuadé d'être investi d'une mission mystico-purificatrice à tendance pseudo-maçonnique. Un classique, m'a-t-on dit, mais qui savait parfaitement jongler entre les deux facettes de sa personnalité.

Il souffla par réflexe sur sa tasse pour écarter la vapeur et prit une gorgée, peu soucieux de se brûler ou non, avant de conclure :

Il a fini à Bedlam.

Frederick n'ajouta pas que, si ça n'avait tenu qu'à lui, Gull n'aurait pas fini à l'asile, mais au cimetière, une balle entre les deux yeux. N'eût été Ben Kidney, qui lui était tombé dessus, il n'aurait eu aucun scrupule à abattre froidement le chirurgien. Cent vingt ans après, il avait encore en travers de la gorge le "dégénéré" que lui avait servi, méprisant, le médecin. Il y a des mots, comme ça... Certes, Frederick ne se tenait pas particulièrement en haute estime, mais il y a des limites !

Il prit une nouvelle gorgée de sa tasse, une main au fond de la poche de son pantalon, chevilles croisées, observant son vis à vis. Américain, sans nul doute, probablement originaire de Nouvelle-Angleterre - il n'avait pas l'accent nasillard du Mid-West ou du Texas, non plus que celui, traînant, de la Louisiane ou celui de Californie - encore que ce point pouvait être contredit par sa probable éducation. Frederick lui-même avait, de naissance, un accent du Dorset assez prononcé, que des années en pensionnat puis à Londres avaient effacé. Il n'avait plus, désormais, que l'accent dit "d'Oxford". Le visage avait, pour autant que Frederick fût à même d'en juger - n'étant pas expert en anthropologie, cette science n'ayant vu le jour que depuis peu lorsqu'il était en service - des caractéristiques celtes assez prononcées - le dessin de la mâchoire, les yeux un peu plus enfoncés dans les orbites, ce qui les faisait paraître cernés, leur couleur même... L'un ou l'autre côté de la famille devait être des "Red Neck", des Américains d'origine irlandaise.

Pour le reste, il était difficile de se faire une idée. S'il avait été britannique, Frederick l'aurait probablement situé comme étant issu de l'
upper middle-class, mais ici, aux Etats-Unis, la différence de classes était nettement moins marquée qu'en Angleterre - ou peut-être simplement les classes étaient-elle différentes. De même, il soupçonnait l'aspect frêle du docteur de cacher des réserves insoupçonnées de résistance. Cela dit, s'il avait toujours été si peu "épais" et si la mentalité écolière n'avait pas trop changé depuis les quelques cent quarante ans que lui-même avait quitté l'école - et pan ! un coup dans le moral, il n'était plus vieux, il était cacochyme ! - il avait dû souffrir pendant ses jeunes années. Non qu'Abberline eût quelque expérience dans ce domaine - du moins autant qu'il s'en souvînt. Elève moyen, de constitution également moyenne, ni athlète, ni rat de bibliothèque, il avait traversé ses années d'école comme un fantôme. Mais il se souvenait d'avoir assisté à des scènes de presque lynchage sur certains de ses camarades plus brillants et/ou plus faibles - seules occasions, d'ailleurs, où il avait fait le coup de poing.

Abberline cessa là son analyse. Il ne savait d'ailleurs pas trop pourquoi il s'était lancé là-dedans. Déformation professionnelle, sans doute. Le besoin de savoir à qui - ou du moins à quel type de personne - il avait affaire. Il n'avait pas bougé d'un pouce. Son corps aurait aussi bien pu être de pierre, une statue aurait sans douté été plus agitée. Seul son regard noir semblait doué de vie. Décroisant les chevilles, il se redressa, vida sa tasse et la posa dans l'évier dont il ouvrit le robinet d'eau chaude et ferma l'écoulement. Puis, il contourna le comptoir et se dirigea vers sa chambre, lâchant :


Quand vous aurez fini, posez le tout dans l'évier, je m'en chargerai en rentrant. Je serai de retour d'ici une demi-heure. Réjouissez-vous, vous allez avoir l'appartement pour vous seul pendant ce temps.

Il attrapa son manteau, ses gants, ses clefs, coinça sa cigarette entre ses lèvres, ferma le coffre à clefs à défaut de pouvoir fermer la chambre, et, sans attendre la réponse de Crane, quitta l'appartement. Dans le couloir, il prit une grande inspiration, mais sourit. La colocation s'annonçait intéressante. Probablement pas de tout repos, mais intéressante... Frederick descendit les six volées d'escalier avec aux lèvres ce petit sourire presque amusé. Une fois dehors, il alluma sa cigarette et leva les yeux vers le sixième étage. L'appartement était pourvu d'un balcon. Note mentale : la prochaine fois, il irait fumer sur le balcon, en fermant la porte-fenêtre pour ne pas enfumer l'intérieur. En attendant, il n'était que cinq heures trente, et il avait une demi-heure à tuer. Il décida de partir en repérage dans la ville. Celle-ci était assez petite. Ce serait vite fait...

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MessageSujet: Re: I'm an Alien... I'm a little Alien... I'm an Englishman in this town...   I'm an Alien... I'm a little Alien... I'm an Englishman in this town... EmptyLun 14 Déc 2009, 23:48

Si l'inhabituel "franc-parler" de Frederick ainsi que sa maîtrise inopinée du vocabulaire injurier produisit de la part de Jonathan une pointe non dissimulée d'amusement, l'histoire qu'il lui raconta ensuite parvint avec succès à éveiller plus avant son intérêt.

Un homme qui me semble bien intéressant, d'après la description que vous en faites – d'un point de vue strictement scientifique, il s'entend. Étrange, d'ailleurs, remarqua-t-il en prenant une première gorgée de thé, que je n'en ai pas entendu parler.

Après tout, il avait toujours aimé à se renseigner, régulièrement, sur les cas médicaux outre-atlantique qui pouvaient aiguiser sa curiosité. Et les tueurs en série, particulièrement de ce type, entraient définitivement dans cette dernière catégorie – sans compter que ces derniers créaient bien souvent autour d'eux un tel battage qu'on pouvait difficilement les ignorer. À moins que cela ne se soit produit durant le temps qu'il avait passé à Arkham en tant que patient. Cette période, il fallait bien l'avouer, n'était pas celle où il avait pu accéder le plus librement aux diverses informations qui l'intéressaient. Mais cela collait dans ce cas difficilement à l'étiquette de "vieille affaire" que l'inspecteur Abberline lui avait donné ...

Prenant de lentes gorgées de sa tasse de thé, il observa, avec un amusement mêlé de méfiance, le regard de l'inspecteur glissait sur lui comme s'il se trouvait de l'autre côté d'une table d'interrogatoire. Aucun mouvement de sourcil, aucun crispation de ci-de-là ne venait trahir la matière de ses réflexions. Calme et posé, il était radicalement différent de Gordon, le seul policier de sa ville d'origine qui ait jamais semblé semblé posséder ce que l'on appelle communément un cerveau. Gordon était trop idéaliste pour donner dans l'imprévisible. Celui-ci, son radar à obstacle lui criait intérieurement de s'en méfier. Et d'autres instincts, plus noirs, dont la voix n'était qu'un suave murmure, lui glissaient de s'adonner avec lui à de bien plus sombres projets. Un petit éclat carnassier passa dans ses yeux à cette idée et son sourire s'élargit. Quel dommage qu'il ait fait vœux de bonne conduite pour le temps à venir ...


Il avait peut-être simplement envie de jouer avec vous. Vous êtes si impassible, que l'on ne peut qu'être intrigué à l'idée de savoir quelles peurs, quels noirs secrets peuvent bien rôder à la lisière de l'âme de l'impassible l'inspecteur Frederick Abberline ...

A peine le temps de quelques paroles et d'un battement de cils, l'inspecteur courant d'air était déjà reparti vers d'autres aventures. Et bien voilà quelqu'un avec qui, au moins, il n'aurait pas à s'encombrer d'adieux ou de politesses inutiles.

Une fois terminée, il posa sa tasse dans l'évier. Puisque l'inspecteur s'était si spontanément proposé pour faire la vaisselle, et qu'il était suffisamment civilisé pour ne pas lui faire l'affront de refuser. Une demi-heure, hein ... Il régla la minuterie de son téléphone portable sur 20 mn. Suffisant pour faire ce qu'il avait à faire, et se laisser le temps de couvrir ses activités en se plongeant dans son propre emménagement. Puis d'un pas tranquille, il prit dans ses affaires son appareil photo, remis ses lunettes, avant de se diriger dans la chambre de l'inspecteur pour voir quels utiles secrets ce dernier pourrait bien avoir à y cacher.

Bien en évidence, un verre à demi-vide -ou à demi plein sans doute, question de perspective – trônait sur le coffre placé à côté du lit. S'essuyant brièvement les mains pour ne pas laisser de traces de doigts, Crane leva le verre jusqu'à lui. Banco. Ou "That's a bingo ..." - comme dirait l'autre. Pour sa science en pharmacie mais aussi pour avoir l'habitude de travailler les opiacées pour les besoins de sa toxine, il aurait pu reconnaître cette odeur entre mille. Un petit rictus ironique vint doucement étirer ses lèvres. Ainsi donc l'inspecteur Abberline était un adepte de la chasse au dragon. Il ne s'était donc pas mépris sur ses activités, qu'il avait bel et bien interrompues, et c'était un fait bien utile à noter, qui ne manquerait certainement pas de se rendre utile. Il reposa le verre à l'endroit où il l'avait trouvé, et poursuivit son inspection.

Lorsque l'alarme de son portable l'interrompit, il ne put s'empêcher de sursauter. Prenant quelques secondes pour clarifier ses pensées, il referma le carnet qu'il était en train de parcourir, après avoirs pris quelques dernières photos des pages qu'il n'avait pas encore pu lire ( priant pour parvenir à déchiffrer les pattes de mouches et les annotations qui se battaient dans tous les coins), avant de le reposer soigneusement à sa place, même inclinaison, même position. S'il avait pu garder le calme nécessaire à son inspection tant que ses mains étaient occupées, son esprit, à présent, bouillonnait. Il n'aurait pas su discerner ce qui s'était révélé le plus troublant : les objets d'époque victorienne qui n'avaient pas été le moins du monde égratignés par la morsure inéluctable du temps, l'armoire rempli de costumes divers provenant d'un boutique londonienne réputé, fermée de puis plus d'un siècle, le diplôme de l'Université de Roehampton à Londres délivré dans le courant du 19° siècle, mention très bien pour ne pas faire les choses à moitié, le daguerréotype qui les représentaient, lui et la défunte "mademoiselle" à qui il adressait les lettres qui composaient ses journaux intimes, dans une ancienne ruelle typiquement londonienne, les carnets d'enquête dont l'un relatait étape par étape la traque effectué de sa patte du joyeusement célèbre tueur connu sous le nom de Jack the Ripper, aux détails incroyablement précis et authentiques quant à ceux qu'il connaissait, d'autres qu'il ignorait totalement, ou la lettre signée de feu le criminel ... Il déballa ses cartons, enfermant dans le coffre l'appareil photo, son masque – au cas il aurait des raisons de repasser de l'autre côté de la barrière plus rapidement qu'il ne l'imaginait - ainsi que son matériel de chimiste : les notes, elles, il les conservaient en permanence avec lui. Il posa à côté la sacoche de son ordinateur portable et la cage qui contenait les deux rongeurs avant de leur déposer de quoi manger. Pas d'objet personnel sur la table de nuit, sa dernière lecture en cours – The Turn of the Screw d'Henry James, en l'occurrence, page marquée par une plume de l'un de ces corbeaux qui l'avaient débarrassé de la vieille harpie – méritait seule le privilège de le regarder dormir. Tout cela n'avait pas le moindre sens ...

Passant à la cuisine pour y déposer ce qui pouvait lui être d'un quelconque utilité, il s'appliqua ensuite à emplir la moitié de leur bibliothèque commune, puisque son colocataire avait bien, d'après ce qu'il avait pu en voir, de quoi remplir l'autre moitié. Là encore, les volumes s'étendaient mystérieusement du dix-neuvième jusqu'à nos jours. Superbement conservés – ce qui se tenait, si l'on considérait les élucubrations de l'inspecteur quant à son miraculeux retour à la vie. Cela ne pouvait qu'être faux, pourtant, il n'y avait pas d'autre solution. Ou s'il y en avait, il ne voulait pas y réfléchir, ni même les envisager. Il faillit donner un coup rageur dans le carton vide mais se retint. Contrôle, contrôle ... Il trouverait une explication rationnellement plausible en temps voulu, et jusqu'à ce moment n'avait qu'à s'ôter de la tête ces considérations. Il retourna dans sa chambre, et, posant la tête contre le mur, accueillit avec joie sa fraîcheur et se laissa aller à fermer les yeux, les protéger de l'agressive présence du globe chaussée d'une ampoule à économie d'énergie. Abberline était fou (d'ailleurs, ne prétendait-il pas dans ses écrits être sujet à diverses visions ?) ... Ou un fichu manipulateur, qui ne lésinait pas sur les moyens pour se monter de toute pièces ne histoire abracadabrante, pour des motifs qu'il ignorait encore. Le surnaturel n'existait pas, et il lui-même n'avait pas recommencé à délirer, non, c'était impossible. Trop de temps s'était écoulé depuis que la chauve-souris l'avait empoisonné avec sa propre toxine, et lui avait finit par surmonter le poison, il n'était pas comme ces cafards qui lui avaient servi de cobaye à l'asile d'Arkham. Non, loin de là même ...

Il en était là dans ses réflexions quand il entendit le bruit de la porte de l'appartement, et, avec un léger soupir exaspéré il retourna s'occuper du carton qui contenait la plupart de ses vêtements. Il avait pris soin de ne laisser aucune marque de son passage, et doutait que l'inspecteur ne découvre sa petite "excursion". Mais si les carnets qu'il avait trouvés chez ce dernier lui avait appris quoi que ce soit d'exploitable, c'est que l'inspecteur Abberline était quelqu'un qui savait mettre son esprit si bien que ses sens à profit, probablement champion de la chasse aux indices.
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MessageSujet: Re: I'm an Alien... I'm a little Alien... I'm an Englishman in this town...   I'm an Alien... I'm a little Alien... I'm an Englishman in this town... EmptyMer 16 Déc 2009, 16:57

La brume avait finalement laissé place à une pluie opiniâtre et froide, qui gagnait en intensité de minute en minute jusqu'à former un rideau opaque et gris, au travers duquel on ne voyait les choses que floues et distordues. Les rues étaient désertes, chacun cherchant un abri. Abberline, lui, savourait la sensation de l'eau qui ruisselait dans ses cheveux, sur son visage, dans son cou, imprégnant ses vêtements et sa peau. Il arpentait tranquillement les trottoirs, silhouette sombre suivie des yeux par les gens qui s'abritaient dans les magasins. Ses pas l'avaient conduit dans tous les quartiers importants de la ville - le centre ville, le campus, le centre hospitalier, les berges du fleuve. Il était resté plusieurs minutes au bord du fleuve, songeur.

Les paroles de Crane lui revinrent.
"Il avait peut-être simplement envie de jouer avec vous. Vous êtes si impassible, que l'on ne peut qu'être intrigué à l'idée de savoir quelles peurs, quels noirs secrets peuvent bien rôder à la lisière de l'âme de l'impassible l'inspecteur Frederick Abberline ... " Frederick eut un rictus. Il ne savait pas si Gull avait eu envie de "jouer" avec lui, mais il était certain d'une chose : son colocataire, lui, si. Quelles peurs, quels noirs secrets... Frederick en avait, bien sûr, comme tout un chacun. Pas moins que les autres. Pas plus non plus. Des choses dont il n'était pas forcément fier, mais dont il n'avait pas honte non plus. Il assumait ses actes, passés et présents. Même les plus impulsifs et les plus irréfléchis. Il assumait d'avoir menacé un pair du royaume, tué un collègue, manqué d'étrangler son supérieur. Il assumait d'avoir contourné des lois et des règles. Il assumait d'avoir aimé une femme qu'il n'aurait jamais dû aimer. Et il assumait ses deux addictions. Il ne les affichait pas et savait ce qu'elles pouvaient lui coûter. Mais il ne les reniait pas.

Oui, Frederick assumait tout cela. Si confronté à la nécessité de reconnaître tout ce qu'il venait d'énoncer mentalement, il le ferait, sans en rougir. Il considérait simplement que ces questions ne regardaient que lui et sa conscience. Et surtout pas la curiosité qu'il considérait comme morbide d'un praticien avide de domination mentale. Ses addictions étaient son problème, un problème avec lequel il vivait fort bien depuis des années, et qu'il règlerait seul si besoin était. Mais pour l'heure, besoin n'était pas. Point final.

L'inspecteur tira sa montre. Six heures moins dix. Il lui restait dix minutes pour rentrer. Il écrasa son mégot sous sa semelle et le jeta dans la poubelle la plus proche, puis renversa la tête en arrière pour profiter encore un peu de l'eau sur son visage avant de revenir sur ses pas, un peu plus vite qu'à l'aller. A l'abri de l'auvent qui protégeait le perron, il essora son manteau et ses cheveux, puis poussa la porte. Cette fois-ci - et malgré le peu de confiance qu'il avait dans l'appareil - il renonça à monter les six étages à pieds, et prit l'ascenseur, qui le déposa sans encombre sur son palier. Tirant sa clef, il pénétra dans l'appartement, sans annoncer son retour, à peu près certain que Crane devait l'avoir entendu. Il se rendit directement dans sa chambre pour se sécher et se changer. Accrochant son manteau à un cintre pendu à la barre des rideaux, il se débarrassa ensuite de ses vêtements trempés pour enfiler un pantalon, une chemise et un gilet secs.

Avez-vous déjà eu la désagréable impression que quelqu'un est entré chez vous - chambre, appartement, maison - en votre absence ? Rien ne vous permet de dire ça, vos affaires sont parfaitement en ordre, rien n'a bougé... et pourtant vous avez cette sensation persistante d'une présence étrangère dans votre décor familier... Pour quelqu'un comme Frederick, dont le "sixième sens" était si aiguisé, c'était une sensation extrêmement désagréable...

Il venait d'ajuster son col et achevait de nouer sa cravate quand son regard tomba sur son carnet, resté ouvert à la dernière page qu'il avait consultée, toujours dans la même position, même inclinaison... mais un tout petit détail attira son attention. Trois fois rien. Une toute petite ombre, dans le coin supérieur droit... Une petite ombre qui ressemblait fortement à l'empreinte laissée par un doigt. Frederick s'approcha et observa plus attentivement. Pas de doute, il s'agissait bien d'une empreinte. Celle de quelqu'un qui s'était fait avoir par la poussière de la mine de plomb dont le Britannique usait pour prendre ses notes. Frederick fronça les sourcils. Il commença à feuilleter rapidement le carnet... plusieurs autres traces confirmèrent son hypothèse. Par acquis de conscience, il vérifia tous ses autres carnets. Et c'est en constatant que ces traces se retrouvaient jusque sur les carnets dans lesquels il consignait les lettres adressées à sa défunte femme qu'il perdit son sang-froid.

Rageur, il ouvrit sa porte à la volée, son carnet à la main, traversa la grande pièce et alla frapper sèchement à la porte de la chambre de son colocataire. Porte qui n'était pas totalement fermée et qu'il poussa sans en franchir le seuil et sans attendre la réponse de Crane, incorrect pour la première fois depuis leur rencontre, sur ces mots :


Il est un point que nous allons devoir clarifier tout de suite, docteur.

Son regard sombre se posa sur les mains de son colocataire et y trouva ce qu'il y cherchait : une trace gris sombre sur l'index et le majeur de la main droite. Il releva les yeux vers le visage de Crane. Extérieurement, il aurait été difficile pour un regard non exercé de mesurer à quel point Abberline était furieux. Le visage était presque aussi impassible qu'à l'ordinaire, les mains n'étaient pas crispées sur la couverture du carnet, seules les lèvres et la mâchoire trahissaient l'effort qu'il faisait pour se contenir. Le regard, plus froid que jamais, brillait en revanche d'un éclat inhabituel. Un éclat rien moins qu'amène. D'une voix mesurée, mais glaciale, Frederick laissa tomber :

Je ne sais pas quelles sont les coutumes ici aux Etats -Unis, mais chez moi, il n'y a que quatre cas dans lesquels il est permis de pénétrer dans la chambre d'une personne : quand on est en couple avec elle, et quand elle est malade, mourante ou morte. Aux dernières nouvelles, aucune de ces conditions n'étaient remplies quand vous êtes entré dans ma chambre. Donc je vais être clair : j'ai jusqu'ici respecté votre intimité. Avisez-vous ne serait-ce qu'une seule fois encore de violer la mienne et vous découvrirez de la façon la plus désagréable que vivre sous le même toit qu'un policier peut-être un véritable Enfer. Me suis-je bien fait comprendre ?

Il ne plaisantait pas. Jusqu'alors, il n'avait posé aucune question sur les raisons qui avaient conduit son interlocuteur en prison, puis lui avaient valu d'être ainsi lâché dans la nature. Il n'avait pas eu l'intention d'en poser ni de s'en préoccuper. Mais que Crane rejoue à ce petit jeu, et Frederick déploierait alors tous ses talents. Et l'autre s'apercevrait qu'il n'avait pas été nommé inspecteur principal à trente ans à peine pour rien.
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MessageSujet: Re: I'm an Alien... I'm a little Alien... I'm an Englishman in this town...   I'm an Alien... I'm a little Alien... I'm an Englishman in this town... EmptyDim 20 Déc 2009, 21:23

Les cheveux de l'inspecteur étaient trempés, si bien que la première pensée de Jonathan fut de constater stupidement qu'il devait avoir laissé des traces d'eau dans l'appartement. De toute évidence, pourtant, le moment était mal choisi pour lui demander de passer la serpillère. Si son maintien et son apparence ne trahissaient rien de ce qui l'agitait, ses yeux lançaient presque littéralement des éclairs et l'on pouvait entendre dans le fond de sa voix une fureur froide non dissimulée. Oh, ce n'était pas de la peur, mais Jonathan compta quand même cela pour un point dans son propre camp. Calmement, il posa la chemise qu'il était en train de replier, et leva les yeux vers son colocataire, faisant mine de réfléchir pendant quelques secondes.

Vous me semblez assez contrarié, ça je le conçois. Seulement, j'ai bien peur de ne pas avoir la moindre idée de ce dont vous voulez parler. Après un temps de silence, il haussa les épaules en signe d'abandon. Non, vraiment, je ne vois pas. Peut-être avez-vous fait joujou avec quelques substances avec lesquelles il est dangereux de frayer, et qui auraient pu quelque peu ... "Altérer vos perceptions ?"

Il referma le carton, prenant soin de repositionner correctement les pans qui en bouchaient l'ouverture, avant d'ajouter, se reculant sur le lit un peu plus confortablement :

Je plaisantais. Je sais très bien que vous n'êtes pas ce genre d'homme.

Petite pointe de moquerie, oh, si légère, dans le fond de sa voix. Et si cela constituait un aveu, au moins la forme en était des plus divertissantes. Divertissante pour lui, en tous les cas, ce qui, au final, était tout ce qu'il demandait. Que l'inspecteur ait les moyens de lui rendre la vie difficile, il n'en doutait pas une seconde ... Étrangement, et bien qu'il vienne à peine de se jurer de faire profil bas, cela n'entrait pas vraiment, en ce moment, dans le champ de ses préoccupations.

Cet inspecteur avait semé le doute en lui, et de ceci, il ne pouvait pas le laisser se tirer impunément. C'était une affaire personnelle, en quelque sorte, à présent. C'était la faute au destin, au karma, ou quoi que ce fut qui les ai fait se retrouver à emménager dans le même appartement. Cet inspecteur, de toutes façons, était bien trop malin pour qu'il puisse prévoir tranquillement le retour à ses activités alors qu'il ne se trouvait qu'à quelques pas de la porte de sa chambrée ... Il venait à l'instant de le prouver. S'il avait été croyant, il aurait pris ceci pour un signe l'encourageant à reprendre ses activités criminelles sans plus tarder. Seulement, des années passées à vous faire enfermer dans une église, au moindre affront réel ou inventé, tendent à vous soigner efficacement de ce genre de sale manie. S'il existait un dieu quelque part, il n'était là que pour jeter de l'eau sur une fourmilière et regarder les malheureuses s'agiter ...


Quoi qu'il en soit, s'il vous prend l'envie d'enquêter sur moi, n'hésitez pas à prendre vos aises. Vu votre emploi, vous aurez facilement accès à mon casier judiciaire, et peut-être même aux comptes-rendus de mes psychologues. D'ailleurs, vous seriez bien aimable, au passage, de me faire profiter de ces derniers : j'aimerais beaucoup savoir ce qui se dit à mon sujet. Et n'oubliez pas de dire bonjour à l'inspecteur Gordon de ma part, si jamais vous décidiez de le joindre. Demandez lui comment s'en sort cette chère petite Gotham, et, soyons fous, si ses enfants vont bien. D'un geste du bras, il engloba la totalité de la pièce. J'ai payé pour mes crimes, et je n'ai plus rien à cacher.

Ou, en tous les cas, lui n'aurait jamais fait l'erreur de laisser quelque chose d'aussi compromettant qu'un verre contenant du laudanum à portée du premier élan de curiosité venu. Le seul élément pouvant à la rigueur l'incriminer était le masque qu'il avait caché dans son coffre, et encore, rien ne prouvait qu'il ait l'intention de l'utiliser. Le seul petit échantillon de sa toxine et les notes de sa fabrication ne le quittaient jamais, et d'ailleurs, ces dernières, dans lesquelles il avait pris soin d'intervertir quelques éléments connus de lui seuls, n'étaient exploitables pour nul autre que lui. Impossible de la réaliser à partir du papier seul, et donc pas la moindre preuves qu'elles concernent l'élaboration de quoi que ce soir d'offensif ... La sale chauve-souris avait trouvé ce qu'il restait de la vieille folle il y a quelques temps déjà, mais le temps impitoyable n'avait rien laissé qui permette de prouver que sa mort soit autre chose que accidentelle. Quoi qu'il en soit, si Abberline trouvait le moyen de se constituer en réelle menace, lui trouverait un moyen certain de le placer définitivement hors de son chemin.

Vous n'oublierez pas de refermer ma porte derrière vous, conclut-il d'une voix dégagée. Ni de passer la serpillère si vous avez mouillé l'entrée.
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MessageSujet: Re: I'm an Alien... I'm a little Alien... I'm an Englishman in this town...   I'm an Alien... I'm a little Alien... I'm an Englishman in this town... EmptyJeu 24 Déc 2009, 03:13

Crane cherchait-il à l'énerver ? Indubitablement... Mais, paradoxalement, face à son discours, Frederick se sentait retrouver son flegme habituel. Alors que quelques secondes plus tôt seulement, il était sur le point de perdre le contrôle, il avait suffi de quelques mots prononcés par son colocataire pour qu'il recouvre son calme. Ainsi, Crane ne voyait pas de quoi il parlait, mmmh ? Le regard de Frederick, toujours aussi froid mais à présent chargé d'une ironie qu'il ne cherchait même pas à dissimuler, se posa sur les mains du psychologue. D'une voix à présent aussi détachée et impersonnelle qu'au début de leur premier entretien, il lâcha :

Si vous souhaitez être crédible dans le rôle de l'innocent, pensez à vous laver les mains. Quant à votre remarque, je vous répondrai que c'est une question qui ne regarde que moi.

Il n'était même plus agressif. Il se contentait d'énoncer un fait. Crane avait trouvé son verre de laudanum ? Et alors quoi ? Comptait-il le dénoncer aux autorités compétentes ? Quand bien même il le ferait, Frederick avait sur lui les ordonnances permettant de justifier la possession de la drogue. Et oui, bien que désormais considéré comme obsolète par de nombreux médecins, le laudanum n'en demeurait pas moins à l'origine un médicament, qui n'avait jamais été retiré de la circulation. Antidépresseur et analgésique puissant, qui, à l'origine, lui avait été prescrit suite à une fracture ouverte, et qu'on avait toujours renouvelé depuis... Comme il n'avait jamais en sa possession que la dose prescrite par les médecins, l'usage qu'il faisait ensuite de la drogue ne concernait que lui. Ses années d'études à Roehampton comprenaient quelques années de chimie et surtout de pharmacologie. Suffisamment pour qu'il puisse en toute conscience et en toute connaissance de cause argumenter sur le sujet.

"Je sais très bien que vous n'êtes pas ce genre d'homme." La suffisance du ton faillit faire éclater Frederick de rire. Ah, Crane était bien un digne représentant de sa profession : imbu de lui-même, s'imaginant que d'avoir quelques connaissances tirées d'un livre lui ouvrait toutes les portes de l'esprit humain et lui permettait de tout comprendre. Il avait croisé les bras et baissa la tête, incapable de complètement retenir le sourire sarcastique qui vint étirer ses lèvres.

Vous croyez que fouiller ma chambre et lire mes carnets vous a tout révélé de moi ?

Il ricana.

Vous ne savez rien. Rien du tout. Le peu que vous avez appris, vous ne le comprenez pas. Et ça, vous ne le supportez pas.

Là encore, le Britannique était sûr de faire mouche. Quel homme de ce 21ème siècle aurait pu ne pas être surpris, déboussolé par cette confrontation avec l'inexplicable ? Frederick lui-même avait mis un bon moment avant de renoncer à chercher à expliquer sa résurrection. Alors un homme si avide de pouvoir que Crane avait quasiment reconnu l'être, si cartésien qu'il semblait l'être, ne pouvait prendre que comme un affront cette irruption de l'impossible dans son monde bien ordonné et régi par les lois de la rationalité...

Le petit speech qui se voulait provocateur du psychologue acheva de rendre à Frederick son calme précédent. Crane réagissait en adolescent insolent qui voulait rabattre le caquet à son aîné. Entrer dans son jeu était une satisfaction qu'Abberline n'était pas disposé à lui donner. En cet instant, et bien que son corps fût celui d'un homme de trente-cinq ans - soit guère plus âgé que son interlocuteur - Frederick se sentait largement plus adulte que Crane. Ce n'était pas une question de réincarnation, ni d'expérience. Mais probablement de génération. A son époque, à trente-cinq ans, un homme était généralement marié, avec une situation, des enfants, et parfois même, certains étaient déjà grands-pères. On entrait dans le monde adulte bien plus jeune. Cela se ressentait certainement. Aussi l'Anglais se contenta-t-il d'écouter patiemment ce que racontait l'autre, avant de baisser une nouvelle fois la tête pour mieux retenir son sourire moqueur. Quand il releva le visage, il n'en restait plus qu'une ombre. Une ombre dangereuse. Carnassière. D'une voix changée, bien plus douce, bien plus basse, presque dans un murmure, il répondit simplement :


Tout le monde à quelque chose à cacher, docteur. Vous comme les autres. Et peut-être même plus que les autres.

Puis, il rompit la position, se redressa et, attrapant la poignée de la porte, tourna les talons en lâchant d'une voix égale :

Je vous ai averti loyalement. Maintenant, à bon entendeur...

Il referma la porte derrière lui, calmement, et se dirigea vers sa chambre, jetant au passage un regard machinal à l'entrée, où nulle humidité malvenue ne venait tâcher le dallage. Il était conscient qu'entre eux, ç'allait désormais être la guerre. Une guerre feutrée, mais constante, et sans merci. Mais cette éventualité ne le dérangeait pas autant qu'il ne l'aurait imaginé. Au moins, il ne s'ennuierait pas...
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MessageSujet: Re: I'm an Alien... I'm a little Alien... I'm an Englishman in this town...   I'm an Alien... I'm a little Alien... I'm an Englishman in this town... EmptySam 02 Jan 2010, 02:33

Jonathan baissa les yeux vers ses mains à l'explication de Frederick, étendant les doigts de sa main droite sous la lumière pour mieux observer les traces brunes, légères, qui y étaient parsemées. Du crayon, récolté sans le moindre doute pendant qu'il feuilletait les carnets, comme une bonne petite abeille butineuse. Un bon stratagème, il faudrait qu'il pense le tester, à l'occasion. Il n'était pas entièrement d'accord, par contre, avec le fait que l'opiomanie d'Abberline ne regarde que lui – oh non, ce simple fait était bien trop intéressant ses yeux. Pas qu'il ait la moindre envie de le dénoncer aux autorités concernées, quelques soient les implications potentielles que celui puisse avoir sur sa carrière, et autres joyeusetés somme toute ennuyeuses – bien plus ennuyeuses, en tous les cas, que de le laisser faire à loisir, sans le déranger le moins du monde, tout en notant les "effets non souhaités et gênants" que cette activité pourrait avoir sur ce dernier.

Une chose qui le fit moins sourire, cependant, fut le retour du calme légendaire de l'inspecteur, armé cette fois-ci d'une pointe non-dissimulée – ou si peu – de condescendance. Le sourire moqueur de Frederick, d'ailleurs, ne lui échappa pas, et à cette vision, il dut rassembler le peu de patience qu'il possédait pour ne pas recommencer sur le champ une toute nouvelle carrière de criminel, et clairement plus "imaginative" que la précédente. L'impression d'être un petit gamin qu'on prend de haut, une sensation trop familière de mépris qu'il ne connaissait que trop, réveillant des sentiments qu'il éprouvait à contrecœur, comme si son propre esprit s'était avisé de le trahir. Ajouté au fait qu'il y avait un point sur lequel il ne pouvait définitivement pas le contredire : ce qu'il avait pu voir dans la chambre de ce dernier l'avait plus embrouillé qu'éclairé, malgré tout ce qu'il y avait appris ... Il poussa le carton d'un geste brusque et siffla entre ses dents, portant sur l'inspecteur un regard froid :


Pour le moment, certes, j'avoue qu'il y a des choses qui m'échappent. Mais de toutes manières, je finirai par trouver le fin mot de l'histoire.

Il faillit lancer quelques réflexions bien senties sur ce qu'il avait pu découvrir au cours de sa petite enquête personnelle, assaisonnées de façon à voir si le calme tout frais de son colocataire y résisterait, mais se ravisa. Son petit geste de violence l'avait suffisamment défoulé pour qu'il puisse réfléchir plus posément. Malgré son petit stratagème, Abberline n'avait aucun moyen de savoir précisément ce qu'il avait pu voir et ne pas voir durant son investigation -d'autant que les pages qu'il avait photographiées n'étaient probablement que peu ou pas marquées, ni jusqu'à quel point précis son intimité avait pu être violée – et ce simple fait ne manquerait probablement pas d'irriter quelqu'un d'aussi méticuleux. Il se promit donc, en guise de revanche, de ne lisser filtrer aucun indice, aucun commentaire sur ce qu'il avait pu ou pourrait y découvrir.

Cette petite constatation suffit à faire baisser sa tension, et il se força à écouter les derniers mots de l'inspecteur calmement, ne retenant pourtant pas un ricanement intérieur lorsque ce dernier s'avisa de le menacer. Oh, il ne doutait pas une seconde que l'inspecteur ne soit sérieux, ni que, malgré toutes ses précautions, il ne subsiste quelque faille qui permette à ce dernier de le coincer s'il avait l'intelligence nécessaire pour la mettre à jour. Et l'intelligence indubitable qu'il avait pu sentir au sein des relevés d'enquêtes de ce dernier confirmaient que le jeu de chat et de la souris risquait d'être des plus intéressants. Restait à discerner lequel jouerait le rôle du matou et lequel celui de la boule de poils ...

Lorsque Abberline referma la porte de la chambre de Jonathan, ce dernier se leva pour aller la rouvrir. Il le regarda s'éloigner, observant sa démarche mesurée tandis qu'il regagnait sa propre chambre, et attendit qu'il en soit sur le seuil pour déclarer :


Un point pour vous. Ou si vous préférez, vous m'avez pris ma tour. Un petit mouvement de lèvres, presque un rire, avant de reprendre : Attention cependant de ne pas laisser le fou s'approcher d'un peu trop près, il y a eu quelque peu de laisser-aller dernièrement.

Son regard se posa sur le seuil de l'appartement, qui n'avait de toute évidence pas besoin de la moindre intervention de son amie la serpillère. Ma foi, il était sacrément bien éduqué ce petit ... Le rêve de toute ménagère, sans le moindre doute - à se demander comment il n'avait pas encore remplacé sa si précieuse "demoiselle". Puis il revint sur son vis-à-vis.

Quoi que vous trouviez, je vous souhaite bien du courage si vous souhaitez l'exploiter. Je suis un excellent joueur et je trouve toujours où, quand et comment placer mes pièces pour arriver à mes fins. La chasse au dragon, en revanche, est un jeu bien plus dangereux et sachez bien que le jour où votre esprit cèdera – d'une façon ou d'une autre - je me ferai une joie d'être là pour admirer le résultat ... Un petit sourire, et il ajouta : Et merci pour les soins, c'était très aimable à vous. Je vous rachèterai des bandages.
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MessageSujet: Re: I'm an Alien... I'm a little Alien... I'm an Englishman in this town...   I'm an Alien... I'm a little Alien... I'm an Englishman in this town... EmptyDim 03 Jan 2010, 03:32

Frederick n'était pas fier de sa sortie. Il n'en était même pas content. Il s'était contenté d'énoncer des faits, aussi simplement qu'un légiste fait le compte des lésions subies par un cadavre. La phrase rageuse prononcée par Crane l'avait bien fait rire, intérieurement. "Pour le moment, certes, j'avoue qu'il y a des choses qui m'échappent. Mais de toutes manières, je finirai par trouver le fin mot de l'histoire." Comme si le psychologue pouvait un jour parvenir à la véritable explication...

Même en admettant que vous parveniez à le trouver, vous serez incapable de l'admettre. Cela perturberait trop votre petit univers bien ordonné de cartésien obtus.

Voilà ce qu'il avait lâché avant de laisser le psychologue ruminer pour sa prochaine attaque. Car il se doutait que Crane ne pourrait laisser passer ce qu'il lui avait dit sans tenter d'avoir le dernier mot. Et Frederick savait qu'il aurait beaucoup de mal à résister à la tentation de lui renvoyer à son tour une phrase bien sentie. C'était puéril, il le savait et estimait avoir passé l'âge de ce genre d'enfantillages... mais d'une certaine façon, il y avait quelque chose d'infiniment délectable dans cet échange au début aigre-doux qui tournait lentement mais sûrement à la bataille verbale. Frederick se promit d'échanger encore quelques passes avec son adversaire, puis de rompre les chiens. Il n'entendait pas donner à son colocataire le plaisir de le suivre trop longtemps sur ce genre de terrain. Il était adulte, lui...

Il put rapidement constater qu'il ne s'était pas trompé. A peine avait-il atteint le seuil de sa chambre que Crane reprenait la parole. Frederick se retourna lentement pour se donner le temps de juguler le sourire moqueur qui étirait maintenant ses lèvres et se recomposer un visage à peu près neutre. En connaisseur, il apprécia la métaphore du jeu d'échecs et se fendit même d'un hochement de tête appréciateur, avant de lâcher :


J'y prendrai garde. Mais vous, ne sous-estimez pas trop le cavalier...

Frederick s'amusait. Il s'amusait grandement, même, pour la première fois depuis bien longtemps. Et il devinait que si Crane avait un avantage sur lui, à savoir ses connaissances en psychologie qui, sans nul doute, lui seraient une arme redoutable, lui-même avait sur ce gamin l'avantage de se foutre éperdument de ce que l'autre pourrait penser de lui et échafauder comme théorie à son sujet. Frederick considérait qu'il se connaissait lui-même et qu'il savait ce qu'il valait. Les avis des autres lui étaient positivement indifférents. Et quand la menace à peine voilée de Crane tomba, il ne put cette fois-ci retenir son hilarité.

Frederick ne riait que fort rarement. Il n'était pas dans sa nature de se laisser aller à ce genre d'éclats, souvent inconvenants et de toutes façons peu en rapport avec son quotidien. Sans oublier que, depuis la mort de Victoria, il n'avait plus guère eu d'occasions de rire - de rire franchement, sans se soucier des personnes alentours. Mais là, la réflexion était irrésistible. Son colocataire s'imaginait - s'imaginait
vraiment - qu'il tenterait de glaner ces informations pour le faire remettre derrière les barreaux. C'était dire à quel point celui-ci ne l'avait pas encore cerné, à seul point il avait visé à côté en procédant à son profil depuis le début de leur entretien. Sentant venir la quinte de toux qui l'interromprait de toutes façons, Frederick parvint enfin à réfréner son rire pour retrouver un visage un peu plus "correct". Toutefois, son sourire ouvertement sarcastique ne quittait pas ses traits alors qu'il répliquait :

Mais qui vous dit que j'ai l'intention de prouver quoi que ce soit ? Il haussa les épaules. Quant aux bandages, ne vous donnez pas cette peine. Mon salaire de fonctionnaire me permet encore de m'offrir cette ruineuse fantaisie !

Avait-il singé son intonation ? Mais oui ! Il venait de parodier les inflexions précieuses de son vis à vis ! Et à présent, campé sur le pas de la porte de sa chambre, appuyé d'une épaule au chambranle et les bras croisés, il attendait sa réaction, sarcastique et vaguement paternaliste. Aurait-il voulu faire sortir Crane de ses gonds, qu'il ne s'y serait pas pris autrement...
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MessageSujet: Re: I'm an Alien... I'm a little Alien... I'm an Englishman in this town...   I'm an Alien... I'm a little Alien... I'm an Englishman in this town... EmptyLun 04 Jan 2010, 01:18

Quelques minutes auparavant, à peine, Jonathan avait souhaité briser la contenance qu'Abberline affichait en toutes circonstances. Mais de le voir rire à gorge déployée – à ses dépens – il regrettait d'avoir énoncé ce souhait ne serait-ce que mentalement ... il eut même l'espace d'un instant la terrible sensation de s'être très légèrement empourpré. Sous le coup de la colère, il s'entend. Il pria tous les dieux qu'il connaissait que ce soit pas le cas. Certes, il avait le sentiment d'avoir créé là une sorte d'occasion rare, un élan auquel Abberline était bien loin de s'adonner spontanément. De là à considérer ceci comme un privilège, pourtant, il n'y avait plus tout un monde mais un univers. Ce dernier avait même singé la façon dont il parlait … très brillant. On reconnaissait bien là le glorieux intellect de l'inspecteur ... Le dernier à lui avoir fait le coup devait être un élève encore couvert de boutons d'acnés, à l'université où il avait - fugacement – travaillé.

Oh, sans le moindre doute, glissa-t-il entre ses dents, l'inspecteur Abberline est un grand garçon, il n'a pas besoin des règles, il a déjà créé les siennes après avoir vu les limites de celles fixés par les hommes, teintées de leur intérêt et de leur corruption. Il crée son propre chemin sans se soucier du reste … Mais vous n'êtes pas bien différent, au final.

Vous aussi avez vos faiblesses, très cher inspecteur. Un signe du bras, pour montrer de nouveau cette « ruineuse fantaisie » qu'ils venaient tout juste d'évoquer. Vous auriez pu me laisser me débrouiller seul, après tout, cela ne vous apportait rien. Mais vous ne l'avez pas fait. Vous avez beau avoir pleinement conscience des limites de ce monde et les accepter, vous ne pouvez pas vous empêcher dans le fond, de chercher quelque chose à défendre, comme un chien court après un os. Prendre sur vous les misères du monde, comme un petit messie bien dressé, et les endurer … Vous ne vous droguez pas comme tous ces petits junkies bon marché pour fuir la réalité, non, mais bien pour plonger au coeur même de la fibre la plus noire de cette dernière. Mais avoir pleinement conscience de ce que vous êtes ne fait de vous que quelqu'un de plus digne de compassion. Comme un membre gangréné malgré tout encore capable de bouger ...

Puis dame fureur se changea en mépris, un mépris sec, violent, une voix au calme pourtant bien plus gorgée de violence que les mots rageurs qu'il avait pu lancer juste avant à l'inspecteur. La blancheur de la colère de Jupiter après l'orage, quand il ne lui reste plus qu'un éclair à décharger et qu'il cherche le meilleur point sur lequel appuyer. Il eut un petit ricanement sec et mesquin.

Le cavalier, il n'est nul besoin de chercher à le mener à sa perte. Il suffit de le regarder, de loin, se briser le cou en se heurtant au mur vers lequel il s'était lui-même dirigé.

Un instant de silence, où il dévisagea son vis-à-vis, l'esprit libéré de la colère, analysant son vis-à-vis. Toujours debout sur le seuil de la porte de sa chambre, celle qu'il avait lui-même visitée peu de temps auparavant. L'image de la photographie ancienne, posée si précieusement sur un coin de la table de nuit, dans une chambre presque tout autant dénuée que la sienne du moindre objet personnel, lui revint en mémoire, et c'est d'une voix soigneusement posée qu'il conclut :

Ou bien, si l'on est un peu plus joueur, d'attendre qu'il finisse à s'attacher malgré lui à quelque chose ou quelqu'un – d'attendre la reine - et de l'émietter impitoyablement devant ses yeux. Et de se délecter de le voir encore une fois survivre à cela.

À deux doigts de claquer la porte, il y renonça pourtant, s'adossant à la place au cadre de celle-ci, bras croisés. A la fureur qu'Abberline lui avait fait éprouver quelques instants plus tôt, et la menace de s'immiscer dans ses affaires, en particulier dans un moment si mal choisi, voire plus s'il comptait le mettre hors d'état de nuire sans se soucier de la loi, s'ajoutait une sorte de curiosité morbide, presque déplacée ... l'intérêt suscité par une joute où l'on avait trouvé un adversaire de choix, et le malin plaisir d'échanger avec lui quelques passes ...
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MessageSujet: Re: I'm an Alien... I'm a little Alien... I'm an Englishman in this town...   I'm an Alien... I'm a little Alien... I'm an Englishman in this town... EmptyMer 06 Jan 2010, 05:16

La hargne à peine déguisée qui transpirait dans chaque mot prononcé par le psychologue s'avérait décidément extrêmement réjouissante. La grandiloquence de son interlocuteur lui semblait une pauvre imitation du phrasé alambiqué dont on usait à son époque et qui, en définitive, lui était plus familier que le vocabulaire appauvri du vingt-et-unième siècle. Il pencha la tête pour mieux écouter ce discours furieux digne d'un enfant jaloux qui s'efforce de s'attirer l'attention de son aîné en lui lançant quelques phrases cinglantes dans l'espoir de provoquer une réaction - non que Frederick ait jamais eu la moindre expérience dans ce domaine : aîné de sa famille, aucun de ses frères et soeurs n'avait jamais vécu assez longtemps pour atteindre l'âge de ce genre de joutes. Il haussa les épaules, flegmatique.

Mes règles... oui, je suppose qu'on peut dire ça comme ça, quoique l'explication soit simpliste. Remarquez, je ne m'attendais pas à mieux de la part de quelqu'un qui use de provocations aussi puériles. Que voulez-vous, tout le monde n'a pas à sa disposition un ego aussi démesuré que le vôtre pour s'abriter des attaques du sort...

C'est tout aussi attentivement qu'il écouta la suite du discours, clairement insultant, s'il avait été susceptible. Mais Frederick s'était déjà fait traiter - à mots couverts ou non - de tellement de choses que la pseudo-compassion de son colocataire lui glissait dessus comme l'eau sur les plumes d'un canard. Il émit un ricanement détaché et, loquace pour une fois, répliqua :

Mon manque d'originalité risque fort d'être impardonnable, mais je pense que vous devez connaître la citation... La bave du crapeau n'atteint pas... en l'occurrence le corbeau qui ricane. Vous me méprisez ? La belle affaire ! Vous n'êtes ni le premier, ni le dernier. Quant à la compassion, si vous avez du temps à perdre, je vous en prie, ne vous gênez pas pour moi. La dimension messianique pourrait à la rigueur m'interpeller si je croyais en Dieu, mais il semble que l'on n'ait pas jugé utile de me doter de cette fonction. Et s'il doit être vrai que, quelque part, je demeure un Dom Quichotte, ce n'est pas un moulin à vent qui me tuera.

La dernière réplique de Crane, en revanche, fit mouche. Si Frederick, emporté par l'excitation du duel, avait presque failli oublier la raison originale de l'échange, cette phrase s'empressa d'y remédier. La reine qu'il disait, ce petit fumier. A n'en pas douter, il faisait allusion à l'un des deux daguerréotypes représentant son épouse que le Britannique gardait dans sa chambre. La rogne de l'inspecteur, apaisée un instant par l'exercice intellectuel nécessaire pour river le clou à cet impudent, en fut ravivée, et d'autant plus mordante et violente qu'elle avait connu une brève accalmie. Cela se traduisit extérieurement par le retour de la tempête dans ses yeux noirs et une fugitive crispation des lèvres. Il allait répondre à cette provocation, quand un doigt énergique vint martyriser le bouton de la sonnette et leurs tympans par la même occasion. Abberline ravala sa rage et se contenta de gronder en se redressant :

Avec ou sans dame, Crane, je ne laisserai jamais un gamin comme vous me mettre échec et mat.

Puis, il alla ouvrir la porte d'entrée.

C'est à quel sujet ?
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MessageSujet: Re: I'm an Alien... I'm a little Alien... I'm an Englishman in this town...   I'm an Alien... I'm a little Alien... I'm an Englishman in this town... EmptyMer 06 Jan 2010, 19:10

Spoiler:

Il y a un gros inconvénient à être de garde : c'est que même si vous n'êtes pas obligé d'être au bureau pour y faire vos heures, on peut tout de même vous appeler absolument n'importe quand, quoi que vous soyez en train de faire, et que vous devez rappliquer le plus rapidement possible. Et en l'occurrence, Jordan était de garde ce jour-là. Une garde calme, pour une fois, où elle n'avait eu aucun appel, et avait donc pu se concentrer sur la partie la plus schtroumpfante de son travail : la paperasserie. D'autant que son cheeeeeer chef de service qu'elle aimait tant - plus ironique, tu meurs - lui avait fort aimablement confié... les demandes de renouvellement du matériel. Yuck. Tout ce qu'elle aimait...

Ce ne fut qu'aux alentours de dix-sept heures qu'elle eut enfin fini. Elle avait rangé soigneusement les formulaires, les avait déposés sur son bureau, classés et étiquetés, sous un presse papier surmonté d'un post-it rageur informant ses collaborateurs que quiconque toucherait à ces papiers serait transformé en Irish Stew derechef, et avait quitté l'hôpital, signalant son départ à l'accueil et précisant qu'on pourrait la joindre sur son portable. Et à présent, elle était chez elle, dans son appartement vide, allongée sur le canapé, avec les
Elixirs du Diable de E.T.A. Hoffmann dans les mains, l'adagio pour cordes de Barber en fond sonore, et une tasse de thé archi bouillant et presque aussi fort, posée sur la table basse à portée de la main. Bref, un moment de calme comme elle les aimait.

Mais, évidemment, cela ne pouvait pas durer. Avec elle, ça ne durait jamais. Et ce fut, bien entendu, au moment précis où elle tendait la main vers sa tasse, que son portable sonna. Elle sursauta, manqua sa tasse qui se renversa, lui ébouillantant la main d'importance et inondant le carrelage. Avec une bordée de jurons, elle posa Hoffmann, se leva d'une détente et alla se passer la main sous l'eau froide tout en décrochant de l'autre. A l'autre bout se trouvait Joseph Inward, un jeune stagiaire plein de bonne volonté, mais d'une maladresse consternante qui avait le don de la mettre presque systématiquement hors d'elle.


Cavanaugh. Je vous souhaite d'avoir une excellente raison de m'appeler si vous tenez à votre poste, Inward.

Elle se tut. Inward, au bout du fil, venait de lui annoncer crument qu'elle devait se rendre à l'autre bout de la ville pour examiner une scène de crime du genre pas glop : corps désarticulé, crâne éclaté et des bouts de cervelle un peu partout, noyés par la pluie. Il fallait faire vite, sinon ladite pluie risquait d'effacer tous les indices. Avec un soupir exaspéré, Jordan allait raccrocher, quand le gamin ajouta en bafouillant qu'elle devait en plus aller chercher l'inspecteur de service, un Anglais arrivé le jour même de Londres, et qui n'avait encore ni téléphone fixe, ni portable.

Foutredieu, j'ai pas que ça à foutre, moi, que de jouer les taxis ! Personne d'autre ne peut s'en occuper ?
Ben... c'est à dire qu'il habite votre immeuble... on a pensé que c'était plus simple...
Ouais ? Ben ne pensez plus. Vous risquez la surchauffe. Elle soupira. Bon, c'est quoi son nom ? et son numéro d'appartement ?

C'est ainsi que moins de deux minutes plus tard, une fois le thé renversé épongé et Hoffmann retourné dans la bibliothèque, Jordan se retrouva dans l'ascenseur, en route pour le sixième étage, serrant ses clefs de voiture dans sa main gauche et sa mallette de légiste dans sa main droite. 606, Inspecteur principal Frederick Abberline, avait dit le gamin. Abberline... c'était un nom écossais, d'origine, ça... Enfin bref, aucune importance. Arrivée devant la porte, elle posa sa mallette, se campa fermement sur le seuil et appuya avec énergie sur le bouton de la sonnette.

Un homme vint ouvrir. D'un regard aigu, Jordan l'observa attentivement. La trentaine, pas beaucoup plus grand qu'elle, les cheveux et les yeux noirs, le visage pâle et émacié, le regard cerné qui trahissait des nuits blanches peuplées d'idées noires, en chemise blanche, pantalon, gilet et cravate dénouée noire, l'homme avait l'air à la fois de sortir d'une autre époque, et de vouloir ressembler à un croque-mort en goguette. Cela dit - et bien que visiblement son irruption dans son espace personnel ne soit pas la bienvenue - il n'en demeurait pas moins assez agréable à regarder pour que Jordan retrouvât un semblant de savoir vivre. C'est à dire qu'au lieu de lui balancer sèchement de choper son manteau et de se bouger pour qu'ils ne soient pas trop à la bourre, lui pointant sa carte sous le nez s'il se montrait récalcitrant, elle prit le temps de commencer par le début, présentant sa carte malgré tout pour clarifier les choses :


Inspecteur principal Abberline ? Excusez-moi de faire intrusion ainsi chez vous, mais je travaille pour le bureau du médecin-légiste. L'on m'a demandé de passer vous chercher, nous sommes appelés sur une scène de crime. Puis-je vous demander de faire vite ? La pluie joue contre nous...

Polie, mais efficace, la Jordy...
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MessageSujet: Re: I'm an Alien... I'm a little Alien... I'm an Englishman in this town...   I'm an Alien... I'm a little Alien... I'm an Englishman in this town... EmptyJeu 07 Jan 2010, 03:52

Frederick était pour le moins mécontent d'avoir été interrompu. Et si sa bonne éducation ne le lui interdisait pas formellement, il aurait envoyé promener l'importun et aurait claqué la porte sans même prendre le temps de l'écouter. Mais la personne qui se trouvait en cet instant devant lui lui fit passer cette envie. Grande, brune, les yeux noisettes, un peu plus âgée qu'il n'était censé l'être, vêtue - comme beaucoup de femmes de ce siècle - d'un pantalon, d'un pull et d'un blouson un peu râpé, les cheveux défaits et le maquillage minimal, elle lui fit d'autorité l'impression d'être une personne plus habituée à agir avec des hommes - et parfois même en homme - qu'à miser sur sa féminité. Le visage assez pâle, la mâchoire décidée, les traits émaciés mais nets trahissaient la personne de caractère, de même que le léger pli des lèvres. Elle ne devait pas s'en laisser conter. D'ailleurs, en guise de présentation, elle lui tendit une carte, sur laquelle il put clairement lire les deux mots Medical Examiner, ainsi que son nom, Dr Jordan Emily Cavanaugh.

Son speech, prononcé calmement mais sur un ton qui n'admettait pas la réplique, confirma son impression. Cette femme était du genre efficace : pas de discussions inutiles, droit au but, sans détour - d'ailleurs, il avait le sentiment que les atermoiements l'agaceraient et qu'elle les balaieraient d'un revers de main et d'une réplique quelconque. Il se contenta alors de répondre, laconique :


Je vous demande un instant, docteur.

Il rabattit la porte, et, ignorant son colocataire, pénétra dans sa chambre pour y reprendre sa veste, son manteau et son chapeau, qu'il passa en un tournemain. Il saisit ses clefs, un calepin et un crayon qu'il fourra dans la poche intérieure de son manteau avec sa blague à tabac, son paquet de feuilles et une boîte d'allumettes. Quand il ressortit, il n'avait pas mis une minute. De nouveau, il traversa l'entrée en ignorant superbement Crane et passa dans le couloir.

Je vous suis.

Il claqua la porte derrière lui, laissant son colocataire seul dans l'appartement et emboîta le pas à sa compagne. Alors qu'ils prenaient l'ascenseur pour rallier le rez-de-chaussée et le parking où les attendaient la voiture du Dr Cavanaugh, Frederick se surprit à songer qu'en définitive, son intervention, pour involontaire qu'elle ait été, avait été une bonne chose. Il était en train de se laisser entraîner dans un échange de plus en plus puéril à mesure que le temps passait, ne voulant pas laisser le dernier mot à son adversaire, dont l'ego l'empêchait également de rompre les chiens. Sans cette intrusion, ils ne se seraient probablement pas arrêtés. A présent qu'il y resongeait, Frederick s'apercevait de ce que sa propre attitude avait eu de "gamin". Il s'était abaissé au niveau de Crane, d'une certaine manière, comme l'aîné, quand il arrive à bout d'argument, finit par s'abaisser au niveau de son cadet pour pouvoir continuer l'échange sans perdre de temps à se creuser la tête. Oui, mentalement, du moins, il devait des remerciements à la légiste qui à présent le conduisait en silence et sous cette pluie battante sur sa première scène de crime américaine. Il ne posa aucune question sur la situation qu'ils allaient rencontrer. Il saurait assez vite de quoi il retournait...
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MessageSujet: Re: I'm an Alien... I'm a little Alien... I'm an Englishman in this town...   I'm an Alien... I'm a little Alien... I'm an Englishman in this town... EmptyLun 11 Jan 2010, 05:09

Crane avait écouté sans broncher les dernières réflexions de son colocataire, attendant patiemment qu'il en termine tout en peaufinant avec soin ses futurs coups. L'insinuation relative à son égo l'irritant quelque peu – elle était clairement déplacée et hors de propos- il en appréciait encore moins que ses dernières attaques, restent, une fois encore, sans effet frappant sur le sempiternelle stoïcisme de son colocataire. Il avait cependant au moins éveillé la loquacité de ce dernier, et n'en était pas peu fier. La référence au corbeau, cependant, le piqua au cœur. Si elle n'en restait pas moins une métaphore bien choisie quand à l'allure générale de son vis-à-vis, elle était si mal choisie en ce qui le concernait qu'il eut un instant le sentiment que ce dernier en savait plus qu'il ne voulait le faire croire. Seulement, rien d'autre ne trahissant cette hypothèse, dans le comportement de l'inspecteur, soit il était donc un excellent acteur, soit il ne s'agissait que d'un hasard des plus désagréables …

Que voulez-vous, glissa-t-il finalement, chacun construit son égo en fonction de ses capacités ... Et personne n'est parfait.

Sa dernière insinuation, cependant, semblait quant à elle avoir fait son petit effet, suffisamment du moins pour raviver la flamme de colère qui avait trembloté quelques instants plus tôt, et il observa avec une satisfaction non dissimulée la petite crispation des lèvres d'Abberline, si fugitive qu'il l'aurait probablement manquée s'il ne l'avait pas guetté si assidument. Il était plus que temps qu'il marque un point, après tout, non ? Il en était donc à attendre avec une certaine rapacité la prochaine frappe de son adversaire, rapacité qui le dérangeait un peu d'ailleurs - n'aurait-il pas dû plutôt souhaiter lui clouer le bec une fois pour toutes, pour savourer enfin une victoire amplement mérité ? Il avait le sentiment, pourtant, qu'il serait quelque peu déçu si ce dernier ne répliquait pas par un trait de son cru, qui permettrait une fois de plus de relever le niveau … Lorsque la sonnette cria à l'aide sous le coup du doigt indéniablement sportif qui la martyrisait. Diantre. S'il s'agissait d'un représentant où d'un pompier venu leur vendre leur calendrier rempli de photos de groupes et de camions qui s'accorderaient à merveille, nul doute, avec la décoration de l'appartement, il allait devoir déployer des merveilles d'imagination pour trouver où dissimuler le cadavre.

Son colocataire alla aussitôt ouvrir, non sans énoncer au passage une petite conclusion de son cru à son attention. Cette dernière affirmation ne lui arracha qu'un sourire amusé, empli d'un défi qu'il adressait sans ambiguïté à ce cher inspecteur – "Oh, vous risquez d'être surpris le moment venu …" - et lui se cantonna à la place qu'il occupait déjà, accoudé au cadre de sa porte, sur le palier de sa chambre. La solution la plus saine, assurément. Pas que la survie du parasite ait de l'importance à ses yeux, mais un homicide volontaire avec circonstances aggravantes sous les yeux même d'un représentant de l'ordre, dès le premier jour d'emménagement dans sa "nouvelle vie", constituait sans doute une tache non négligeable sur un CV. S'il entretenait encore l'espoir qu'il ne s'agisse que d'une interruption brève de leur échange – il n'avait assurément pas la moindre envie de laisser le dernier mot à son colocataire, il fut vite déçu.

Le femme, car à sa voix, pas le moindre doute, c'était bien d'un individu de ce sexe dont il s'agissait – fait somme toute assez ironique au vu de leurs dernières réflexions – était là pour raisons professionnelles, apparemment … Il n'avait pas tout saisi, à cette distance, mais suffisamment pour comprendre qu'elle travaillait pour le "bureau du …" - il n'avait pas tout saisi, uniquement une sonorité générale en "é-in-i" – qui allait le mener loin, de toute évidence, et qu'elle venait le chercher dans le cadre d'une affaire. Double crotte. En d'autres circonstance, l'efficacité de ce ton poli mais non moins efficace l'aurait fait sourire intérieurement, mais c'était pas en ce moment sa première préoccupation. L'inspecteur passa chercher ses affaires sans lui adresser un regard, une indifférence apparente qui lui déplut sans pour autant le surprendre. Il ne s'attendait pas particulièrement à un "bonne journée" retentissant après leur échange, pas plus qu'il ne l'imaginait enfoncer le clou devant quelqu'un qui n'avait rien à voir avec leur affaire présente.

Il avait noté, cependant, que ce dernier avait appelé "Docteur" celle qu'il s'apprêtait à rejoindre – fait qu'il garda en mémoire : s'ils ne semblaient pas se connaître pour le moment, qui sait ce qui pourrait lui être utile à l'avenir : toute information était bonne à prendre. Elle eut en tout cas l'irritante intelligence de ne pas prononcer de parole inutile, ce qui le laissa somme toute assez peu avancé. Il lança un "bonne journée" aussi cordial que clairement ironique lorsque Abberline disparut dans l'encadrement de la porte, qui correspondit à peu de temps près au son d'une porte qui se referme : difficile de dire s'il l'avait entendu, mais ça n'avait que peu d'importance.


Le corbeau ricanera moins quand il se sera étouffé avec un os, murmura-t-il à la porte, qui lui rendit un regard stupide et somme toute surpris de tant d'agressivité.

Puis Jonathan disparut à son tour dans sa chambre pour y achever ses réflexions. Il était un peu contrarié que leur échange se soit interrompu aussi soudainement,mais en un sens, cela était pour le mieux, de toute évidence. Il s'était tellement pris au jeu qu'il avait fini par en oublier toute notion de prudence, et il ne savait comment leur entretien aurait fini par s'achever, si aucun des deux n'avait décidé de lâcher prise. S'asseyant pour terminer de ranger ses cartons, il se promit, à l'avenir, d'être un peu plus mesuré lors de ses futurs échanges avec son colocataire. Le tempérament de ce dernier avait néanmoins aiguisé de sa part autant d'intérêt que d'humeur. Il avait bien envie de voir de quoi exactement ce dernier était capable, et il avait le sentiment que les jours, les mois qui suivraient l'éclaireraient sur ce point, quel qu'en soit le résultat. Le résultat final, cependant, il n'en doutait pas une seconde : échec et mat, une nouvelle fois, pour le corbeau qui ricane.
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