Visite matinale

Invité

Rien ne se produisit lorsqu'il baissa la poignée : de toute évidence, la porte était verrouillée. Déjà deux fois qu'il frappait, et il n'avait toujours pas obtenu de réponse. Il jeta un coup d'oeil à sa montre. Trois heures trente du matin, presque quatre. Lui qui avait attendu une heure à peu près décente pour se présenter … Il avait plusieurs possibilités : défoncer la porte, mais le bruit risquait de réveiller les voisins, et il n'avait pas envie de se montrer impoli. Ou encore laisser un mot sur le porte de cette dernière pour lui dire qu'il était passé, mais – mais il n'avait ni papier ni stylo pour écrire, ce qui signifiait qu'il lui faudrait fracturer la porte de l'un des voisins de cette dernière, pour assassiner l'un de ses voisins et écrire sur le bois avec son sang. Ce qui ramenait à l'option numéro un, puisqu'il lui fallait défoncer une porte.

Dora .. Dora jolie … C'est ton amant occasionnel derrière la porte … J'espère que tu n'es pas avec quelqu'un d'autre, ce serait particulièrement impoli ...

Seule lui répondit la plainte silencieuse du bois endormi. Et la plainte silencieuse du bois endormi était, justement, très silencieuse. Elle n'aurait rien dit que l'effet aurait été le même. Le Joker grimaça. Tout cela commençait à devenir ennuyeux. Quand même. Il avait fait l'effort de venir parfaitement à l'improviste, à l'heure la plus dérangeante possible (environ celle où les couche-tard ont rejoint leur lit et où les lève-tôt ne l'ont pas encore quitté), et ne se retrouvait, pour tout interlocuteur qu'avec … Une porte. Et une porte qui n'avait pas le moindre sens de la conversation, encore. Damned. Il aurait dû s'en tenir à son idée de base. S'occuper de la serrure en pleine journée, quand il n'y avait personne, et s'installer tranquillement sur l'un des fauteuils en attendant le retour de Dora. Si Dora avait des fauteuils. Mais son colocataire aurait pu revenir plus tôt qu'elle, et dans les deux cas il lui aurait fallu attendre. Solution qu'il avait abandonné, donc, au profit de celle-ci qui l'avait conduit devant cette fichue porte … A attendre.

Bon, tout problème, comme dirait l'autre, a sa solution, et il se trouvait qu'il avait justement des solutions plein les poches de son manteau. Une grenade. Un chouilla trop bruyant, et puis son propre appartement se trouvait quelques étages en dessous. Mitraillette ? Elle était restée bien au chaud à l'appartement. Couteau ? Trop lent. Sa main se referma sur un chargeur. Plein. Ah oui … Sig-Sauer SP 2022. Allemand, mais on ferait avec. Entre cette porte et lui, maintenant, il s'agissait d'une affaire personnelle. L'armant, il le pointa sur la serrure. Son doigt était sur la détente lorsque la porte s'ouvrit. Ah, le sens du timing … Bravo. Avec un haussement de sourcils irrité, il glissa :

Tu peux t'éloigner une seconde ? Tu es dans ma ligne de tir.

Invité

C'est lorsque le premier coup retentit, qu'elle s'éveilla. Un coup qui résonna dans le silence de la résidence, dans le silence de l'appartement, rompant la monotonie du silence. Complètement perdue dans le temps, elle se leva et frissonna une fois hors de ses couvertures. Elle marcha jusqu'à sa fenêtre et ouvrit les rideaux. Le Soleil était couché, la Lune sûrement derrière les nuages qui hantaient le ciel. Il faisait nuit noire. Tonks soupira. Qui pouvait bien venir à une heure pareille de la nuit? Et force était de constater que le visiteur avait réellement envie de voir quelqu'un. Se dirigeant vers la porte, elle évita de regarder son reflet dans la glace, attrapa sa veste et sortit de sa chambre, pieds-nus.

Allumant la lumière du couloir, elle s'approcha de la chambre de son colocataire. La main sur la poignée, elle poussa la porte de la chambre de Dean. Aucune plainte ne se fit entendre, aucun ronflement. Le battant tapa doucement le mur, et elle put constater qu'il n'était pas là. La jeune femme soupira. Il avait dû sortir et avait surement oublié ses clefs, une nouvelle fois Dans quel état serait il ce soir? En soupirant, elle posa la main sur la porte d'entrée. Elle allait ouvrir quand une voix qu'elle ne s'entendait pas à entendre résonna dans le silence de la nuit.

Fermant les yeux, elle s'adossa à la porte. Non c'était impossible. Que faisait il là? Il savait qu'elle habitait là. Depuis la soirée de l'ASN. Mais cela faisait des mois que cela s'était passé... Pourquoi maintenant...Elle s'était attendue à le croiser dans la résidence. Dans le hall, au détour d'un couloir... Mais non, jamais. Elle avait cru qu'il avait déménagé... Et, pourtant, ce soir il était là.

Elle aurait presque préféré trouver un Dean complétement saoul. Elle aurait peut-être même préféré qu'il soit malade, plutôt que se retrouver face au Joker. Elle n'était pas prête à le voir. Elle était mal fagotée avec son short gris, son débardeur blanc et sa veste grise de sport, mal coiffée, sortait de son lit... Et n'avait même pas sa baguette avec elle... Quelle idiote... C'était seulement grâce à sa baguette qu'elle s'en était sortie la « dernière fois »... Elle se doutait qu'il entrerait par n'importe quel moyen. Et si un peu trop de bruit se faisait entendre, Paul sortirait de son appartement pour venir voir. Il fallait éviter cela à tout prix.

Inspirant profondément, elle déverrouilla la serrure et ouvrit la porte dans la foulée. Il était bien là. Dans son entrée. Sur son palier. Une de ses saloperies en main. Il était un vrai collectionneur. Déjà qu'il en avait pas mal l'autre fois, voilà qu'un petit nouveau venait compléter les rangs.

« Tiens, tu me demandes de m'éloigner maintenant quand je suis dans ton viseur? Voyons, pas de ça entre nous.

Elle ne put s'empêcher de le regarder. Il n'avait pas changé. Vraiment pas. Le temps avait altéré son souvenir de lui. Elle le voyait moins grand et moins... dangereux. Elle n'avait pas oublié qui il était, elle se souvenait quasiment mot pour mot de ce qu'il lui avait dit. Mais là, elle prit peur. Elle n'avait aucune arme, sa baguette était toujours sous son oreiller, et ses réflexes, même très bons, ne l'aideraient pas. La situation était critique. Mais c'était trop tard maintenant. Heureusement que Dean n'était pas là, finalement. Elle s'effaça de l'entrée.

- Si tu es là en plein milieu de la nuit, je suppose que c'est parce que tu veux entrer. Qu'est ce qui t'amène ici, mon cher Joker?

Invité

Évidemment. Je m'en voudrais de tâcher la moquette de ton appartement dès ma première visite. Au risque de t'étonner, ma jolie, certains d'entre nous ont encore le sens des convenances.

Le Joker fit la moue. Même pas un bonjour, ou un petit mot pour l'insulter de venir tambouriner chez elle à une heure pareille. Ça valait vraiment, mais vraiment le coup de faire des efforts. La prochaine fois, il viendrait à des heures convenables, pour la peine. Bon, la mine mal réveillée de la belle ainsi que la nervosité qu'on sentait transpirer de tout son être valait déjà plus le déplacement. Il en aurait presque regretté de ne pas être venu ici armé d'intentions criminelles, pour une fois … Les choses étant ce qu'elles étaient cependant, il entra, jetant un regard curieux dans l'appartement. Après tout, hum, il avait été si gentiment invité …

Dean n'est pas là ?, demanda-t-il d'un ton qui se voulait innocent, qu'un large sourire vint contredire peu après. Oh, il n'était pas bon pour jouer la comédie de toutes façons. Et la demoiselle savait très bien qu'il n'était pas supposé avoir la moindre idée du nom de son colocataire. Bon, ok, le fait que son nom soit inscrit sur la boîte aux lettres avait probablement légèrement facilité ses recherches. Presque pas. De toutes manières, l'effet était toujours aussi extra.

J'ai entendu des nouvelles d'une certaine … Ahem … Chauve-souris en ville. Pas cette ville, donc je redéménage . Si un jour tu passes à Gotham et as l'envie de – je ne sais pas, prendre un thé, te lancer dans une carrière criminelle et t'amuser avec une mitraillette dans le hall d'un supermarché – et crois-moi, c'est beaucoup, beaucoup plus amusant que de faire joujou avec un bâton, n'hésite pas à passer à la maison. Simple à trouver – tu suis la trace de sang, à droite après la femme enceinte éventrée, une centaine de mètres et nous y voilà. Simple comme bonjour.

Mais revenons-en aux affaires. Elle était désarmé, lui non. Quel homme aurait-il été s'il ne profitait pas de la situation ? Agrippant le poignet de petite Dora, il la plaqua contre le mur, plaçant lentement le canon de l'arme sur sa tempe. Tremblerait-elle aussi peu maintenant qu'elle avait une fois pour toutes décidé de rester dans le monde des vivants – ou qu'il en avait décidé à sa place, si ses souvenirs étaient bons. La gardant en joue, il l'embrassa, avant de descendre sur sa gorge qu'il mordit violemment. Un satisfaisant goût de sang vint marquer sa langue, signe qu'il avait mordu suffisamment fort pour laisser une cicatrice, et il recula, satisfait, se léchant la lèvre. Un petit cadeau pour se rappeler à son bon souvenir. Il esquissa un sourire prédateur, avant de glisser doucement :

Au revoir ma jolie. Notre petit jeu de l'autre fois a été .. Diablement amusant.

Et baissant son arme, il tourna les talons.

Invité

Quand il mentionna l'homme avec qui elle partageait son appartement, elle se figea. S'il y avait une chose à laquelle elle ne s'attendait pas du tout c'était bien ça. Toujours aussi surprenant, toujours aussi … effrayant. La main crispée sur la poignée, elle était l'image même de la panique. Réveillée depuis quelques minutes à peine, son visage était d'une pâleur surprenante. Décidément, elle n'était plus habituée à avoir peur... Elle ne savait plus réagir face au danger. Elle se rendit compte que sa main tremblait et se dépécha de la cacher dans la poche de sa veste, pour éviter qu'il ne la voie. Que devait elle faire? Elle n'avait strictement aucune idée de la réaction qu'elle devait avoir... D'une voix mal assurée, elle prit la parole, priant presque pour qu'il ne s'aperçoit de rien.

- Non, il est … Je ne sais pas... Il est sorti tout à l'heure, il a du rencontrer quelqu'un par là.

Est ce que... Une pensée désagréable vint s'imprimer dans son esprit... Etait il là pour ça? Etait il là pour lui dire qu'il l'avait croisé au détour d'un chemin et qu'il avait décidé de voir de quel couleur étaient ses entrailles? Est ce que Dean était mort? Pendant quelques secondes, elle envisagea de lui sauter dessus pour le battre jusqu'à ce qu'il lui dise la vérité. Puis elle se figea, horrifié par ce brutal envie de recourir à la violence. Elle qui avait défendu ses principes complètement et irrémédiablement utopiques devant lui... Et puis quelque chose lui disait qu'il apprécierait un peu trop sa réaction.

Lentement, elle referma la porte d'entrée. Dean n'avait rien... Dean allait bien. Le Joker ne lui aurait rien fait... Et puis pourquoi aurait il touché un seul de ses cheveux? Ils ne se connaissaient pas, et à part à l'ASN, ils ne s'étaient jamais croisés. Rien ne prouvait qu'ils étaient amis, hormis la boîte aux lettres, et il n'y avait aucune raison pour qu'il fasse du mal à Dean à cause d'elle. Soufflant un coup et ne croyant pas à la moitié de son argumentaire silencieux, elle cacha sa deuxième main dans sa veste et lui fit face.

Il partait... Il quittait le New Jersey pour repartir dans son Gotham. Il repartait tuer et martyriser de pauvres gens qui n'avaient rien fait excepté croiser sa route. Pourquoi se sentait elle coupable tout d'un coup? Pourquoi avait elle l'impression de laisser filer quelqu'un qu'elle aurait dû dénoncer et faire mettre en prison? Ce n'était pas comme si elle avait eut une quelconque autorité sur lui, ici. Il faisait ce qu'il voulait. Elle n'avait rien dit, elle n'avait rien fait. Elle ne savait même pas de quels crimes il avait pu se rendre coupable... Mais les gens de Gotham, elle pouvait en sauver quelques uns... Elle pouvait toujours essayer...

- Tu as conscience que c'est la rupture la plus nulle de toute l'histoire de la rupture, n'est ce pas? demanda t'elle.

Mais il lui demandait de le retrouver. Comme si elle allait le suivre dans son délire. Et puis, elle préférait sa baguette à ses petits jeux de psychopathe. Enfin... Il tentait sa chance. Elle n'eut pas le temps de lui en faire la réflexion que déjà, elle se retrouvait plaquée contre le mur, menacée, embrassée et mordue. A quoi jouait il? Elle poussa un petit cri de douleur et cogna son torse de ses petits poings inefficaces, dans une vaine tentative de lui faire lâcher prise. Une main remonta à son cou et elle appuya sur la blessure pour éviter que trop de sang ne coule. Sa dernière phrase fit monter le rouge à ses joues et elle le regarda partir, quitter son appartement et quitter sa vie. Elle avança dans le couloir et regarda sa silhouette s'éloigner.

- Ne fais pas trop de bêtises.

Une fois qu'il eut disparut, elle referma la porte et la verrouilla. Avec un soupir, elle partit dans la salle de bain, préférant laisser à la médecine moldue le soin de transformer sa blessure en cicatrice. Sa première blessure de guerre, made in Molduland.

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