Parfaitement opposées...? (Pv : Balsa)

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Harley ne se souvenait plus avec exactitude du contenu de sa soirée. Elle s’était réveillé ce matin dans son appartement, affalée sur le plancher, un bras sur la table basse et une jambe sur le sofa, la télé encore allumée. Pourtant, aucune canette de bière ne traînait sur le tapis, juste un paquet de chips à peine entamé et une brosse à dent, et elle ne ressentait aucun signe de gueule de bois apparent si ce n’est une migraine aigue. Comme si on lui broyait les tempes. Son colocataire, si à cheval sur les principes, n’aurait pas survécu à cette vision, c’est pourquoi, profitant de son absence, elle avait tâché de tout remettre en ordre. Il était plutôt attentionné, le baron Hotchner, mais un brin trop ordonné et surtout beaucoup trop sérieux pour être assez divertissant.

Pour faire passer son mal, elle avait avalé des médicaments au goût écœurant et s’était résolu à mettre le nez dehors, malgré un soleil aveuglant. Un peu d’air ne lui ferais pas de mal. Contrairement à Gotham, la pollution et l’odeur d’essence, de vomi ou d’autres fragrances délectables, n’hantaient pas tout les recoins. Le fleuve était presque clair et il y avait même des arbres autour du bâtiment résidentiel. Pas du tout son univers en somme, mais c’était rafraichissant. Elle commençait à lentement s’habituer au changement de terrain. Le Joker étant revenu d’entre les morts, elle avait cru préférable d’en revenir à sa bonne vieille palette de maquillage. Oh, pas grand-chose, de la poudre surtout. Du rouge et noir dans les cheveux et ce bon vieux rimmel qui coulait allègrement. Elle avait essayé le fond de teint noir aux paupière, une fois, pour voir mais c’était affreux, elle ressemblait à Nina Hagen blonde. Et puis, dans le fond, c’était juste histoire de se remettre dans le vent.

En centre ville, on ne pouvait pas se poser dix minutes, c’était fatigant. A moins de retourner dans ce bar lugubre. Question tranquillité c’était on ne peut plus parfait, en revanche c’était complètement renfermé...
Ce fleuve paisible, les eaux troubles, ça par contre c’était du tableau. Accoudée à la rambarde, elle défigura son reflet tremblant à la surface, quelques mètres plus bas. Si cette cité manquait de civilisation criminelle, elle n’en était pas moins pourvu de jolis p’tits coins comme on en voit peu dans cette partie du pays. A quelques kilomètres de là, il y a de ça une semaine, elle avait vu la mer pour la première fois.
Réajustant une paire de lunette aux verres teintés sur son nez, elle jeta un regard furtif en direction de la route avoisinante. Sa migraine commençait à s’atténuer. Restait à déterminer qui des médocs ou de l’air extérieur était le plus recommandable si ça se reproduisait.

Elle posa le menton sur ses bras croisés et continua d’observer le lointain. Malgré la température ambiante, elle portait sa traditionnelle paire de gants rouges. Caressant la balustrade du bout des doigts, elle songea à retourner se coucher ou bien à aller manger un morceau quelque part.

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Le soleil n'était levé que depuis quelques heures et l'air était encore frais. Balsa s'était réveillée de fort mauvaise humeur. Elle avait encore fait ce même rêve étrange où son monde se trouvait colonisé par les machines hurlantes et sauvages, chevaux de fer et de feu qui détruisaient tout sur leur passage. Décidément, la vie moderne ne lui réussissait pas.

Mais ce n'était pas une raison pour se montrer désagréable. Elle s'était donc levée à l'aube et avait prit une bonne douche. Ce système de salle de bains avait au moins son avantage... Ah, le miracle de l'eau chaude sortant du tuyau! Même s'il fallait encore qu'ils travaillent le système d'évacuation des eaux dans la pièce, la jeune femme devait reconnaître que ce confort lui procurait une grande joie.
Après sa douche, la brune prépara le thé pour les divers occupants de l'appartement. Il ne lui restait plus beaucoup de thé de chez elle et elle s'était donc rabattu sur un thé noir de Chine qu'elle avait trouvé au fond d'une sombre boutique dans une ruelle déserte. Il lui avait d'ailleurs été incapable de retrouver la boutique depuis lors, mais comme ses réserves étaient encore bien pleines, elle ne s'en souciait guère. Les choses viendraient à point nommé, elle le savait.

Balsa avait donc laissé une théière pleine pour Gizmo et Eponine, ainsi qu'un petit mot plein de fautes les invitant à se servir. Elle savait que l'étudiante travaillait beaucoup et elle espérait que le thé l'aiderait à bien démarrer sa longue journée. Après un petit déjeuner frugal – un bol de riz et une part de pizza de la veille – elle empoigna sa lance et sortit.
Sa principale activité – les cours de sport qu'elle donnait – ne commençait pas avant le milieu de la mâtinée et il lui restait deux bonnes heures à perdre avant de devoir s'y rendre. C'était le moment idéal pour s'entraîner.
Se battre avec une lance d'un peu moins de deux mètres de long n'est pas la meilleure chose à faire pour préserver l'intégralité du salon. Il lui fallait donc pratiquer son art à l'extérieur : elle avait repéré la veille, en arrivant, un endroit qui lui semblait idéal pour cela.

Retrouvant la puanteur ambiante avec déplaisir, Balsa gagna les bords du fleuve. Simplement vêtue d'un pantalon en toile et d'un t-shirt dans les tons clairs, les cheveux réunit en son habituelle queue de cheval, elle se serait parfaitement fondue dans la foule – si n'était sa lance, encombrante bien qu'emballée.
Heureusement, les berges étaient désertes à cette heure-ci. Il n'y avait qu'une femme, accoudée à la rambarde, qui perdait son regard dans les eaux troubles. Balsa, passant à côté d'elle, la trouva étrange et un peu malsaine et ne changea rien au rythme de ses pas. Chez elle, seule les prostituées se maquillaient et se coiffaient de la sorte. Tant de poudre et tant de noir coulant autour des yeux. Peut-être était-elle jolie, sous ce masque de peinture ? Peut-être même était-elle gentille ?
Mais ça n'était pas les affaires de la guerrière. Tant qu'elle pouvait éviter les ennuis et les coups de projecteur sur sa personne, la brune le ferait – et son instinct lui disait que c'était justement l'inverse que cette jeune femme sur la balustrade recherchait.

Le temps de ces réflexions et la guerrière se trouvait déjà au bord de l'eau. Elle posa son sac loin de la rive et s'y déchaussa. Sa séance commença par quelques échauffements et autres exercices de « mise en forme ». Elle découvrit en suite la lame de son arme et se mit à enchaîner les prises, en sueur mais le visage neutre, affrontant un ennemi invisible...

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Planquer une lame dans une vulgaire tige de bois, était un coup classique. En dehors des armes à feux et autres explosifs en tout genre, Harley se baladait accompagnée d’une canne sculptée dont un système de pression sur le pommeau faisait surgir une lame rétractable à son embout. L’objet pouvait s’improviser pied de biche à l’occasion. L’effet était cependant nettement moins spectaculaire que celui produit par cette jeune femme qui bondissait de manière féline et assénait d’adroits coups de bambou à un adversaire pour le moins discret.
Aussi loin qu’elle se souvienne, la spectatrice n’avait jamais vu ce genre de représentation que dans les films de production japonaise où les personnages courraient sur les murs, bondissaient de toits en toits et enchaînaient huit saltos au ralenti dans l’air avant de vaincre le méchant soldat de l’Impératrice d’un coup de poing dans la mâchoire. Dans ce genre là. Mais dans le cas présent, c’était plus fluide, assez impressionnant et vraiment moins grotesque. Bien qu’il soit peu ridicule, du moins dans son esprit imprégné de la culture américaine, de frapper dans le vide de la sorte.

Ravie de pouvoir diriger son esprit vers d’autres choses que sa faim et cette impression d’avoir une tonne de plomb à l’arrière du crâne, elle traversa le pont et quitta un bref instant la scène des yeux pour aller s’asseoir sur des marches, quelques mètres plus bas et avoir un meilleur point de vu. D’ici on ne voyait que le haut du crâne piqué de cheveux noirs et raides comme des baguettes.
Accaparée par son activité, la jeune ninja –*c’est bien comme ça qu’on dit ?*- ne parut pas remarquer qu’on l’observait. La plupart des gens avaient horreur qu’on les reluque comme des bêtes de foire. Elle se souvint, par exemple, de cette jeune femme qui buvait un whisky au Williams’ et qui avait eu l’air très gênée d’affronter les yeux calculateurs d’Harley. Pour sa part, elle adorait qu’on la regarde de travers, mais depuis quelques mois déjà elle avait comprit qu’il ne valait mieux pas se fier à ses propres impressions pour comprendre les réactions des autres. Harley Quinn à l’esprit tordu, c’est bien connu. La preuve, la simple idée que par son attitude et son maquillage, elle puisse paraître repoussante ne lui avait jamais effleuré l’esprit jusqu’à maintenant. Ni que c’était probablement pour cette raison que lorsque la jeune inconnue était passé très près d’elle et ne lui avait pas dit bonjour, sur le pont. Sachant que quand elle ne s’appliquait pas à toutes ces choses étranges (-mais tellement amusantes à faire-), son patron, bourreau et clou central de toute son existence lui faisait des reproches désagréables, il fallait faire avec. Que fait-on d’une vie sociale, je vous le demande ?

Elle n’avait apprit de personne l’art de bourriner avec une batte et pouvait faire preuve de force, du moins pour une jeune femme de sa taille et de sa carrure. Bien qu’également dotée d’une grande souplesse, elle ne put s’empêcher d’envier le style de la Jap’. Ça tenait plus de la chorégraphie que du combat comme Harley pouvait s’y attendre. Mais à la Joker Team on se bat non pas pour forger une quelconque musculature ni augmenter ses capacités mais pour, je cite, assommer, tuer, faire souffrir et s’affirmer. D’ailleurs, on avait beau dire, c’était assez distrayant.
Un large sourire peinturluré s’étira sur son visage. Lorsqu’elle cru avoir été remarqué par la jeune femme, elle mima le geste d’applaudissement. Pour une fois, ça n’avait rien d’ironique.

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Spoiler:

Concentrée sur son entraînement, Balsa ne prêta pas une grande attention à l'étrange jeune femme peinturlurée. Un coup à gauche, un coup à droite, un coup au centre... Il était dommage qu'elle ne puisse pas avoir un adversaire en chair et en os, qui aurait certainement plus de répondant que le néant lui faisant face. Oh, il y avait bien quelques types pas trop mauvais à la salle de sport où elle allait travailler, mais étrangement, elle semblait être la seule dépositaire de cet art particulier de la lance dans la région.
La sueur coulait lentement sur son front, dans sa nuque et son dos. Ses mains se coloraient sous l'effort, mais leur peau était déjà tellement dure et couverte de corne qu'il n'y avait pas d'ampoule à craindre de ce côté-là. Pour Balsa, il s'agissait d'une séance de routine, plus destinée à l'occuper qu'autre chose. Ce monde la déroutait... Elle voulait rentrer chez elle, auprès de ses amis et de ses rizières, de ses sources chaudes et de ses bols de saké. Même les travaux les plus stupides que ce monde avait oublié et dont elle croyait très bien se passer au début – puiser l'eau, planter les graines, veiller le feu – lui semblaient maintenant nécessaires à sa survie mentale.
La guerrière était une femme sereine, le genre de roc solide qui a déjà fait la paix avec ses propres démons. Mais elle pouvait sentir ses nerfs se tendrent inconsciemment et incessamment au milieu de cette puanteur et de ce bruit permanent. Elle avait beau avoir l'espoir de rentrer un jour, celui-ci avait tendance à s'amenuiser. C'était la raison de sa mauvaise humeur matinale, et il lui fallait tout le contrôle de soi qu'elle pouvait développer pour rester calme et ne pas déverser toute sa violence contre un de ces « chevaux d'acier » qui parcouraient les rues.

Alors qu'elle se tournait dans un ample mouvement d'attaque latérale, la brune remarqua qu'elle avait une spectatrice – et pas n'importe laquelle. Cela ne lui importait guère, tant que la... pouvait-on encore appeler ça une blonde ? … l'étrangère n'attirait pas trop l'attention sur elle. Balsa avait cru remarquer que le maniement des armes blanches, en public, n'était pas très bien vu dans ces contrées. Quant à ce qu'on pouvait bien penser d'elle, même combat : tant que ça ne lui apportait pas d'ennuie dans ce pays étrange, elle s'en moquait. Les regards interloqués étaient au moins quelque chose qui ne changeait pas d'Ougi...
Trois passes plus tard, alors que Balsa se retournait dans l'autre sens, elle crut remarquer un geste de la part de l'autochtone. Un geste d'applaudissement. Surprise, la guerrière termina son enchaînement et s'arrêta, son visage neutre tourné vers l'interruption. La marginale croyait donc assister à un spectacle ?!
Bon, il était vrai que frapper l'air de toutes ses forces devait donner à la brune un air un tant soit peu stupide, voire psychopathe. Les gens d'ici ne savaient pas se battre, ils ne savaient pas donc s'entraîner non plus. Il était logique qu'elle la prenne pour... peut-être une comédienne, ou une femme du cirque – bien qu'au premier coup d'oeil, on pouvait se demander qui était vraiment la plus « bête de foire » des deux.

Merci. Dit Balsa, avec son accent asiatique à couper à la scie à méteaux. L'idée qu'on puisse se moquer d'elle ne l'avait même pas traversée. Qui se moquerait d'un guerrier armé et visiblement apte à en découdre ?
De ce qu'elle avait pu observer, les gens d'ici ne se saluaient pas en inclinant le buste, mais souriaient beaucoup. La « ninja » (qui n'en était pas une, soit dit en passant) sourit donc, dévoilant une rangée de dents assez miraculeuse pour quelqu'un qui n'avait jamais vu un dentiste et chez qui on avait inventé ni le dentifrice, ni la brosse à dent.
Contrairement à la plupart des occupants du 109, rue du Septième Art, la mauvaise humeur de Balsa ne la rendait pas complètement misanthrope, et une certaine expérience de la vie la rendait assez optimiste en le genre humain. Elle décida donc de laisser prouver à ce qu'elle aurait appelé une punkette, si le mot lui avait été connu, le bien-fondé de ses applaudissements mimés.

Elle fit un pas vers la jeune femme et, tendant les bras, lui présenta sa lance.

Vous avez l'air... intéressée. Voulez-vous... un essai ? Son anglais hésitant contrastait avec la confiance en soi qui était la sienne, et ses maladresses de language avec l'extrême maîtrise dont elle venait de faire preuve avec son arme.

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Harley se plu un instant à imaginer le bisness de son ancienne cité sans arme à feux, juste des bambous et des gourdins. Absolument pas crédible, donc. Gotham était corrompue jusqu’au bout des ongles, les braquages et attentats étaient choses fréquentes, un homme sur huit devenait fou, plusieurs psychopathes aux ambitions plus ou moins démesurées se disputaient la ville sous le nez froncé des procureur, flic et autre éléments de la mairie. La pollution indescriptible s’emparait de chaque parcelle de trottoirs, de même que la presse virulente, et il fallait ériger des gratte-ciels immenses pour s’en préserver. Les réseaux de prostitutions, les parodies de mafia et les trafics de diverses décadences prenaient naissances un peu partout. Il était encore étonnant qu’on est pas organisé une battue et qu’il subsiste toujours des familles « heureuses » et des gens « normaux » dans des habitations légalement occupées. Ce lieu immonde lui manquait. A l’instant même où elle l’avait quitté, elle ressenti une sorte de mélancolie. D’autant que la sympathique bourgade qui la remplaçait ne pouvait que la laisser sur sa fin. L'air pur, tout ça, c'était gentil mais il fallait s'y réhabituer. Mister J n’était plus mort. C’était ça le point positif. Ou pas. Les gens d’ici étaient, pour ceux qu’elle avait pu rencontrer, agréables, souriants, polis, quoi qu’un brin marginaux. Mais sur ce point, il aurait été très déplacé qu’elle émette le moindre commentaire.

Elle avait regardé la jeune femme s’approcher d’elle en arquant les sourcils, craignant un quelconque reproche mais il n’en fut rien. Au contraire, l’invitation la surprit, de même que le contrôle incertain de la langue dans la bouche de la jeune asiatique l’amusa. Bon, il était clair qu’en comparant ses capacités à celles de la guerrière, elle allait se couvrir de ridicule mais, il faut le redire, jamais personne n’avait prit la peine de lui expliquer les règles de l’art autrement qu’en cognant fort et là où ça fait mal. Tirer à bout portant est aussi une technique efficace.

-Je veux bien oui mais…je crois que nos techniques divergent vraiment. Je ne sais absolument pas comment manier ce type de…d’arme.

Elle se leva et ôta sa veste. En réalité, l’initiative d’un petit cours ne lui était pas désagréable. Sa migraine se dissipait mais elle était désormais convaincue d’avoir trempé les lèvres dans de l’alcool la veille, il n’y avait pas d’autre explication à sa torpeur.
A en juger par son attitude vestimentaire et son accent, tout semblait désigner la jeune inconnue à être une foraine ou bien quelque chose dans ce genre là. Ceci dit, en faisant preuve de jugeote, qui dirait d’Harley Quinn qu’elle est une ancienne psychiatre ? Ancienne, mais psychiatre quand même. Elle ne parvenait pas à coller un nom sur la pratique martial de l’asiatique et s’imaginait très mal réaliser les mêmes prouesses mais dans le pire des cas, une séance de détente voire de rigolade ne lui ferait aucun mal. Laughing is the best therapy, non ?
Elle se saisit donc de l’arme qu’on lui proposait et fit mine de la soupeser. A l’encontre de ses attentes, l’objets était très léger mais maintenant qu’il était entre ses doigts, elle ignorait complètement quels gestes exécuter pour le manier.

-…vous pourriez m’expliquer comment on fait, s’il vous plaît ? J’avoue que je suis un peu à la ramasse, maintenant,...Je me débrouille avec des couteaux, ce…genre de choses… mais le plomb à un peu remplacé tout ce qui est…manuel.

Pour souligner sa remarque, elle faillit sortir un révolver de sa poche, en guise d’illustration. Dans cette ville où elle ne connaissait personne et où, surtout, personne ne la connaissait, la raison voudrait que l’on garde enfoui ses activités criminelles au lieu de les exhiber au premier venu. Elle retint donc son geste, écoutant la voix qui devait-être celle de la sagesse.

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Balsa regarda avec amusement l'étrangère se saisir de la lance avec une maladresse de débutante. C'était bien normal, après tout : la lance n'était pas une arme courante, ici. Les gens y préféraient ces étranges arbalètes automatiques, qui tiraient des flèches minuscules mais dévastatrices. Comment les appelait-on, déjà ? Ah, oui, des « fusils ». Balsa n'avait aucune idée de comment on se servait d'un fusil, mais elle a vait appris à courir très vite lorsqu'elle en voyait un. On pouvait esquiver les attaques d'un guerrier entraîné à la sarbacane ou à l'arc; une balle de plomb était un obstacle nettement plus complexe à éviter.
D'une certaine manière, ces armes lui déplaisaient car elles l'attiraient – le Tigre en elle, sanguinaire et dévastateur, aurait bien aimé mettre sa grosse patte dessus. Sa lame lui semblait plus noble, plus « juste » : les deux combattants se mettaient, dans le corps à corps, tous les deux en danger. Il y avait là une espèce d'égalité qu'on ne retrouvait pas dans le combat à distance.

Elle aurait pu discourir pendant longtemps sur les méfaits de cette civilisation moderne et du culte du plomb, telle la vieillarde de plusieurs siècles qu'elle était. Mais sa mauvaise maitrise de l'anglais aurait certainement ruiné son argumentation, et là n'était de toute façon pas le sujet.
Lorsque que la... « blonde »... lui demanda quelques conseils, elle ne put s'empêcher d'obtempérer. Sans trop lui en montrer – des fois qu'elle se retrouve à devoir combattre à mains nues sa propre lame – elle allait tout de même tenter de lui inculquer quelque base. Le désir d'apprendre avait une place assez haute dans la hiérarchie des valeurs de la guerrière.

Balsa se plaça derrière sa nouvelle élève et posa ses mains sur les siennes. Les mains de l'asiatique étaient chaudes et un peu rugueuses, couvertes d'imperfections dues aux blessures, brûlures et autres accidents. La crème « peau douce comme celle d'un bébé » ? Connait pas.
Faisant doucement pression sur les doigts de la jeune femme, elle corrigea son mouvement dans une garde de base.

L'important, c'est la stabilité, expliqua-t-elle. Attention pour les pieds et les jambes, car tout le poids est dessus. Après... Il faut que les bras soient toujours, heu... tendus à moitié. Les jambes aussi. Comme si vous alliez sauter. Tout est dans une sorte d'attente, vous comprenez ?

Une fois que la pose fut à peu près acquise, la lancière passa aux passes de base : attaque verticale, horizontale, diagonale, et les parades qui les accompagnaient. Balsa montrait d'abord le mouvement à Harley. Elle le lui faisait ensuite répéter en jouant le rôle de la cible, déviant chacun des coups de l'autochtone avec une aisance qui devait paraître frustrante. Lorsqu'une frappe lui semblait à peu près acquise, ou plutôt, lorsqu'elle sentait que sa disciple y était à peu près à l'aise, elle passait à la suivante. Cela les tiendraient occupées un bon bout de temps, même si elle finirait bien par devoir rejoindre son dojo.

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Harley se laissa coacher avec un peu d’enthousiasme. S’imaginer dans la tête d’une tigresse prêt à bondir était une expérience assez marrante. Mais elle se sentait presque émue, c’était assez étrange. Le premier acte de sympathie spontanée depuis longtemps. Pas qu’elle est jamais manqué d’affection, les ascendants peu émotionnels de son psychopathe de compagnon faisait partis de son charme et même si elle avait fini sa carrière sur une longue plainte à cause du manque d’intérêt qu’on lui portait, cette idée d’amitié ne lui paraissait pas primordiale. Pas plus que le copinage ou la solidarité, elle n’avait toujours désiré que l’attention d’une seule personne (et cette dernière lui avait clairement fait comprendre que c’était non et qu’il fallait s’adapter à elle ou se jeter par la fenêtre). Mais le cours imprévu d’initiation aux arts martiaux et la gentillesse presque irréelle et totalement inhabituelle dont faisait preuve la professeure n’avait absolument pas lieu de lui déplaire. Oh, il y avait eu Ivy, « Pam » de son petite nom, la plantureuse et pulpeuse pin-up de l’asile, qui lui avait bien tenue lieu de camarade de jeu pendant un certain temps. Sa générosité était telle que c’était aussi Miss Pissenlit qui s’était chargée de soigner les blessures d’Harley après sa chute. Mais hors Ivy, il est vrai que son répertoire ne comptait pas beaucoup d’amitiés et quand bien même ce n’était peut-être pas là le début d’une ère de complicité et de soirée pyjamas, cette séquence ouverte et pacifique la libéra. Elle pouvait suivre les salauds sur leur chemins de croix et rire avec des gens sympas. Une conclusion bien heureuse digne d’un conte de noël niais comme on en passe en boucle tout les mois de décembre sur Canal +.

Enfin, elle suivait les conseils de l’asiatique à la lettre mais, pas de miracle, il allait de soit qu’en même une heure, elle n’aurait pas fait des progrès monumentaux. Ceci dit, elle saisissait –théoriquement, la pratique c’est autre chose- le principe d’un tel combat. Déstabiliser l’adversaire et lui faire perdre cette équilibre que vous-même tentez avec acharnement de conserver plutôt que de tenter de lui transpercer le bide avec un objet quelconque pour lui ôter la vie que vous tentez de conserver aussi avec acharnement. Et puis c’était marrant de cogner dans le vide. Bien malgré ses capacités de gymnaste, elle demeurait maladroite dans ses mouvements et la force dont elle s’était munie avec la pratique de combat régulier ne lui était ici d’aucune utilité. Mais elle sentait ses gestes se faire plus fluide à l’écoute de son « professeur ».

-Vous expliquez bien ! s’exclama-t-elle finalement entre deux mouvements répétés, Vous donnez des cours ?

Une soudaine envie de discuter la prit. Habituée à monologuer, elle démarra d’une voix assez lointaine sans perdre un mot des conseils donnés.

-Moi je m’appelle Harley…et vous ? Excusez moi si vous me trouvez un peu trop bavarde. Je suis pas très douée dans la vie, je sais pas faire grand-chose. Vous n’êtes peut-être pas hyper bavarde, je présume...Il y a une chose que je sais bien faire quand même, c’est la conversation, je peux continuer toute seule, hein...Je suis nouvelle dans le quartier, je n’habite pas loin d’ici, c’est un endroit charmant, je ne suis pas vraiment habituée à vivre là dedans. Je viens d’un endroit plutôt chaud, vous voyez ? C’était laid et pollué mais je m’y plaisais vraiment. Et vous ? Vous venez d’où ? Votre accent…enfin, je veux dire...ça s’entend un peu que vous n’êtes pas du coin… !

C’était déjà arrivé qu’elle est besoin de parler et de faire le point un peu toute seule, à voix haute. L’ennui était que généralement, ces nécessités se manifestaient lorsque le Joker réfléchissait à on ne sait quoi ou en tout cas ne désirait nullement que quiconque vienne le déranger. Parler trop, c’est condamnable. Gueuler, c’est encore pire et se plaindre, c’est mortel.

-Oh ! Dîtes ! J’ai un peu faim, pas vous ?

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Au fond, Balsa se plaisait dans l'exercice. Enseigner lui était étrangement agréable, bien qu'elle n'ait jamais autant joué au professeur que depuis son arrivée dans ce monde étrange. Il y avait tout de même une grande différence entre enseigner à un groupe de jeunes en mal de sensations fortes, comme elle le faisait au dôjô, et enseigner à une seule personne, comme elle le faisait maintenant. Unir ses forces avec un autre pour parvenir à un but commun – là était vraiment son caractère. Et même si elle n'y pensait pas trop, ce petit entraînement avec l'autochtone ne lui déplut vraiment pas.
La blonde n'était pas spécialement douée, il fallait bien l'admettre; mais elle avait sans doute un certain potentiel : il fallait juste le trouver. La condition physique de ce disciple était en tout cas suffisamment bonne pour lui permettre de se perfectionner.
Bon, un bon point pour sa foi en l'Humanité : même les marginaux maquillés étrangement n'étaient pas aussi instables qu'ils en avaient l'air. Elle avait bien fait de lui laisser sa chance.

Un moment après qu'elles aient commencé à travailler, l'inconnue se mit à parler. Sa voix était étrange aux oreilles de la guerrière, mais tout lui était étrange, de toute façon.
Elle parlait vite, et beaucoup; mais la guerrière arrivait à peu près à suivre son babillage. Son nom était étrange. « Harley » ? Il n'y avait pas une ville du coin qui s'appelait comme ça ?
D'un autre côté, Balsa devait garder en tête qu'elle aussi paraissait étrange aux yeux des autres, voire plus étrange que tout ce qu'ils avaient jamais connus. Son nom, ses manières, son accent : elle avait beau essayer de s'habituer, elle avait « franchement pas du coin » écrit sur le front.

Mon nom est Balsa, dit-elle une fois que le débit de parole d'Harley lui en laissa l'occasion. Enchantée de vous rencontrer, Harley-san. Je suis... de très loin, aussi. Mais je voyage beaucoup.
L'asiatique aurait haï Gotham City des tréfonds de son âme, mais de la description de la blonde, elle ne retenu que l'idée qu'elle venait d'un climat plus clément, mettant sur le compte de sa mauvaise maîtrise de la langue l'abstraction totale que lui inspirait le reste du monologue de son interlocutrice.
La voyant tant parler, Balsa comprit qu'elle se dissipait plus ou moins; aussi mit-elle fin à l'exercice.

Je arrivais dans cette ville il y a deux semaines. Très étrange endroit... Mais les gens sont gentils, dit-elle avec un sourire.
Donner cours ? Je... J'enseigne à l'université. A le gymnase. Mais je ne peux pas enseigner la lance, seulement corps-à-corps. A cause de la loi, ça, ajouta-t-elle en effectuant quelques passes dans le vide, l'air absent. Le Soleil s'était bien avancé dans le ciel; l'heure du fameux cours n'était plus très loin. Elle s'était bien échauffée, au moins.

Bien qu'elle avait appréciée la compagnie d'Harley, sa proposition sous-entendue la surprit quelque peu. Elle s'était habituée de plus de froideur de la part des autochtones.

Oui, nous pouvons aller manger... Ce serait bien ! Mais où ? Je ne connais pas les lieux.

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Harley hocha la tête avant d’éclater de rire. Partie dans son monologue, rapide et passant d’un sujet à l’autre sans transition, l’asiatique n’avait pas dût tout saisir et c’était naturel. Même ceux qui avaient toujours parlé américain avait parfois du mal à piger tout ce qui sortait de sa bouche. Ajoutez à cela son côté un peu surexcitée et le fait que vous ne maîtrisez pas encore la langue sur le bout des doigts et, effectivement, y a de quoi être vite paumé. Mais finalement non, la lancière gardait le fil et s’exprimait plutôt bien en dépit des hésitations.
*Harley-san ?*

-Ouaip…étrange endroit, comme tu dis. Les gens sont gentils mais un peu marginaux. Enfin, de mon côté j’ai pas de leçon à donner, pas vrai ? conclut-elle en désignant le maquillage qui empêchait de se faire une claire idée de ses véritables traits.

Sur ça aussi, on lui avait déjà fait la leçon mais en considérant la peinture comme une marque de fidélité –ajouté à de la provocation- c’était très supportable.
Il ne fallait pas que Balsa s’attende à des préliminaires ou des propositions déguisées de la part d’Harley. C’est l’heure de manger, mangeons, point. Rien ne vaut un verre pour faire connaissance. Elle se demanda quand même si elle n’interrompait pas encore d’avantage le rituel matinal de la jeune femme mais si cela l’avait réellement gênée, elle aurait dit « non » et on en serait resté là. Elle était loin l’époque où Harley s’interrogeait sur les tréfonds de l’âme et des réactions humaines.

-J’ai eu l’occasion de boire un verre avec d’autres personnes il y a quelques temps dans un coin de la ville plutôt sympa. Très gentil, bien fréquenté je dirais. Ce serait bien la mort si on ne trouve pas un restaurant.

En disant cela, elle fit craquer ses doigts et remit ses mitaines.

-A l’université, les cours ? Oh dommage, je ne peux pas y venir si je n’étudie pas alors ? Moi je suis gymnaste un peu. Enfin, pas de profession mais ça fait parti de mon ancien job…mon ancien travail.

Elle parlait un peu moins vite sans pour autant articuler au ralenti, fallait pas non plus que la jeune femme pense qu’on se moquait d’elle.
Puis, elle patienta. Balsa devrait remballer son matériel probablement. Pour sa part, elle était venue les mains vides mais avait de l’argent dans la poche de sa veste, de quoi payer le déjeuner pour elles deux. Après tout, c’était Harley qui invitait.

» Table 1 : F. Abberline, M. Addams, Balsa, K. Beringer, S. Bonasera