Erreur de boites aux lettres

Invité

Miles avait aménagé il y a peu de temps au n°109. Et dès le début, il avait été surpris par la hauteur du bâtiment et du nombre d'appartements qu'il contenait. D'habitude, seuls les buildings de bureau pouvaient monter autant. Ici, les gens bougeaient beaucoup. Aménagements, déménagements, départ, mouvements journaliers. De sorte qu'on était incapable de savoir qui était un simple visiteur ou un habitant. Il n'avait pas rencontré beaucoup de monde, d'ailleurs, à cause de ses horaires de travail. Il croisait juste, une salutation d'un mouvement de tête comme seul contact, des silhouettes vives qui passaient aussi vite que lui.

Il glissa la clé dans la porte d'entrée du bâtiment et s'essuya les pieds sur le grand paillasson du hall. Avant de monter chez lui, il vérifia la présence de courrier. Il récupéra la pile entière : il n'allait pas dépouiller cela dans l'entrée, il serait plus calme dans son appartement. Il entreprit de monter les escaliers pour vite arriver devant chez lui. Une fois chez lui, après avoir été accueilli par son chien Pesu, il déposa sa malette noire à l'entrée de son dressing, s'installa sur son fort confortable divan (il et procéda au tri.

Il découvrit une lettre de son ami Phoenix W., une publicité d'une agence immobilière (jusqu'où va la concurrence ?), des prospectus divers (il songeait qu'il finirait par apposer une note pour éviter l'accumulation de réclames...), puis une lettre perdue entre deux pages d'un catalogue de surgelés. Il la regarda et remarqua qu'il y avait une erreur. Elle était adressée à Mlle E.Hammond. Le nom ne lui dit rien...Il regarda le numéro de l'appartement et constata qu'il s'agissait d'une voisine de pallier. Le logement n°103 avait accueilli ses locataires peu de temps après sa propre installation. En tout cas, le facteur avait eu la main fort maladroite. A vouloir finir la tournée trop vite...
Au grand désespoir de son chien qui craignait de le revoir partir, Miles sortit de chez lui et se dirigea droit vers le pallier légèrement décalé du sien, sur le mur inverse. Il tendit l'oreille mais ne détecta aucun bruit. Peut-être était-elle absente ? Il fit une tentative et appuya d'un coup bref sur la sonnette. Si elle ne répondait pas, il glisserait l'enveloppe sous la porte.

Invité

Il devait être dans les environs de 11h45 du matin, si l’on se base sur les grondements d’estomac d’Evey. Il serait difficile de vous donner l’heure exact car Evey s’était réveillée d’elle-même, assez tôt d’ailleurs, pour avoir le temps de s’atteler à toutes ces tâches ménagères qui l’attendaient dans la matinée. Elle ne regardait que très rarement l’heure quand elle était de repos, se fiant à son horloge interne ou à l’axe du soleil, ce qui lui permettait de laisser de côté le stress habituel qui s’emparait de vous en semaine. Lorsqu’elle avait ouvert le rideau de sa chambre, les rayons solaires caressaient doucement l’horizon donnant au firmament un éclat rosé. La lune demeurerait étincelante malgré l’obscurité qui s’évanouissait, avalée par la lumière qui s’étendait doucement. Evey ouvrit son lit, tapota les oreilles pour leur rendre leur volume et entrouvrit la grande baie vitrée qui lui servait de fenêtre. La ville s’étalait sous elle et elle s’accorda quelques instants à contempler les autres habitations s’éveiller doucement. Baillant à s’en décrocher la mâchoire, la jeune femme se dirigea dans son salon prolongeant sa route jusqu’à la cuisine. De là, elle piocha une grappe de raisin qu’elle mangea tout en se préparant un café. Ne manquant pas à la tradition matinale, en même temps qu’elle ouvrit son placard pour y saisir une tasse, elle pressa le bouton du post-radio qui siégeait au dessus du frigo. Elle écouta les nouvelles qui se disaient tout en étant attentive à la météo du jour. Elle changea de station lorsque la standardiste des signes astrologique eut le micro. Elle ne croyait pas en ces absurdités qui manquaient grandement de cohérence et de sens et surtout, elle ne croyait pas à la destinée. La nouvelle station lui passa la chanson d’un artiste qu’elle aimait beaucoup : Elton John – « Your Song ». Un sourire aux lèvres, elle transversa le liquide noir dans sa tasse et plaça cette dernière dans le micro-onde. 1m 30 d’attente ; le temps suffisant pour aller se faire couler un bain. Elle fila dans la salle de bain et s’exécuta, fredonnant la chanson et détachant, de temps en temps, quelques bribes de paroles. La cuisine la rappela et elle pu déguster son café et son raisin sur un autre thème musical qu’elle ne connaissait pas – chanson italienne.

Quand son regard ne se portait pas sur la fenêtre et sur le jour qui arrivait lentement, il sautait d’une fixation à l’autre sur des choses qui ne réclamaient pas autant d’attention. Elle savait pertinemment le temps qu’il lui fallait pour déjeuner de façon à ce que son bain soit prêt. Ses habitudes étaient programmées et ordonnées de manière à ce que tout ce fasse sans le moindre blanc ou pertes de temps. C’était une manie qu’elle avait toujours eu ; d’exécuter les choses en temps et en heure. Un côté maniaque qui ne la lâchait pas. Evey termina son déjeuné – plutôt strict au passage – passa un coup sur la table et fila se laver. Elle plongea son visage au travers de la vapeur qui se dégageait et ferma le robinet. Elle se débarrassa ensuite de son pyjama, deux pièces, en satin noir qui lui épousait parfaitement les formes, ne négligeant pas ce côté sexy, puis entra délicatement dans l’eau agréablement chaude. Elle cala son corps, nu, confortablement dans la baignoire, ferma les yeux et laissa ses sens s’éveiller vers le plaisir que lui procuraient la chaleur et la vapeur qui s’en dégageait.

Sa toilette terminée, elle revint dans sa chambre, ouvrit sa penderie et saisit un t-shirt blanc ainsi qu’un jean noir qu’elle revêtit aussitôt. Elle délivra sa chevelure de la serviette qui les soutenait et passa quelques coups de brosse dedans, évitant de détériorer ses boucles. Cette œuvre accomplie, elle passa à la besogne la moins agréable et qui l’attendait : le ménage. Le ciel était passé de rose à jaune, signifiant qu’au moins trois quarts d’heure s’étaient écoulés. Le soleil entreprenait sa grimpée vers les grandes hauteurs du ciel, de manière à établir dans son intégrité son règne. Or il lui restait encore du chemin. La jeune londonienne s’arma d’un chiffon et attaqua l’intégralité des étagères de son appartement. Elle passa ensuite aux désinfections des sanitaires, aidée psychologiquement par la radio qui émettait d’agréables morceaux musicaux. D’ailleurs, la jeune femme qui animait la radio la matinée venait d’être remplacée par un homme. Il précisa l’heure qu’il était – 11h43 - mais Evey n’y fit pas attention, bien trop occupée à remplir son sceau d’eau chaude. Elle passa l’aspirateur dans les différentes pièces de son appartement et à la suite de cela, plaça les chaises sur la table ainsi que toutes les autres petites choses facilement déplaçable. Elle se munit du sceau et du balaie, prête à lustrer le sol, quand la sonnette retentit. Interloquée, la jeune femme fixa la porte environ 30 longues secondes et mit 1m30 pour ce décider à aller répondre. Elle ouvrit très légèrement la porte laissant apparaître dans l’entrebâillement une petite frimousse à la fois déchirée par la curiosité et l’inquiétude. Elle était souvent sur la défensive depuis ce qu’elle avait vécut à Londres. Après tout on n’était jamais trop prudent. Ce n’était pas parce qu’elle avait fuit la autoritarisme de sa patrie qu’elle était pour autant en sécurité. Elle resta donc sur ses gardes.

La porte s’ouvrit sur le visage d’un jeune homme brun, à la carrure bien faite ; des épaules larges, un poitrail gonflé, une mâchoire de loup…Elle s’attarda à observer ses mains qui détenaient du courrier ou…de la publicité ? Venait-il lui étaler ses arguments convainquant afin de lui vendre quelques articles ? Déjà inintéressée, la jeune femme n’en resta pas moins diplomate et suivit les règles de courtoisie en lui demandant le but de sa venue.

- Bonjour…Que puis-je pour vous ?

Le semblant d’un sourire redressa ses commissures.

Invité

Il trouvait le temps long. Et pas de bruit derrière la porte, si ce n'est...si, un bruit ténu, presque inaudible. Cela devait sûrement venir des portes, si épaisses qu'elles isolaient parfaitement le son; On ne pouvait s'en plaindre, les appartements et les secrets qu'ils contenaient ne perçaient en rien à l'extérieur. Elle était bien là - à moins que ce ne soit sa colocataire ; il avait cru voir deux noms sur la boite postale - mais la porte tardait à pivoter sur ses gonds. Il patienta et il fit bien. Finalement, elle s'ouvrit sur une jeune femme, aux cheveux bruns un peu humides (elle devait sortir d'un bain, il ne pleuvait pas dehors). Il ne vit rien d'autre de sa personne, car elle avait à peine passé la tête de l'entrebâillement de la porte. Étrange...Il n'avait pas semblé que des gens mal intentionnés se promènent dans cet immeuble, alors pourquoi cette méfiance ? Avait-elle quelque chose à se reprocher ? Avait-elle peur des gens ? Avait-elle des antécédents d'agression ? L'expression sur son visage n'éclairait pas la raison, mais illustrait parfaitement sa conséquence. Cette femme n'était absolument pas tranquille.
Ce n'était pas parce qu'elle était sur la défensive qu'elle ne restait pas polie, et demanda, avec un faible sourire, de quoi il s'agissait.

La stature de Miles, même quand il n'était pas au barreau, avait tendance à impressionner. Plutôt bel homme au visage strict, il était rare qu'il affiche des sourires (quoiqu'il avait progressé en la matière). Parfois, c'était ce simple geste qui permettait de faciliter les contacts entre humains. Là, devant lui, cette femme était dans une situation qu'elle aurait voulu éviter, être dérangée par un inconnu. Comme Miles savait toujours comment s'adapter aux gens selon leur comportement, afin de venir à ses fins, il prit le parti de la douceur, bien que restant toujours aussi direct.

- Excusez-moi de vous déranger. Je suis Miles Edgeworth, le nouveau locataire de l'appartement 102.

Une introduction somme toute classique. Mais stratégique. D'abord, demander pardon pour l'interruption fortuite de la vie d'autrui. C'était la moindre des politesses. Il prouvait à la personne qu'il avait de l'éducation et n'était pas un rustre. Ensuite, il n'avait pas demandé son identité à la jeune femme. Il ignorait les raisons pour lesquelles elle n'était pas rassurée, mais le fait de demander :"Êtes vous bien mademoiselle Hammond" ressemblait plus à une agression ou un interrogatoire qu'une urbaine conversation.
Face à ce genre d'audience, il était primordial de se présenter avant toute chose. Ainsi, la jeune fille pouvait éliminer d'ores et déjà dans son esprit inquiet une partie des suppositions que son imagination lui avait imposée. Peut-être cela lui permettrait-il de se détendre un peu.

- J'ai trouvé dans ma boite aux lettres un courrier adressé à l'appartement 103. Sûrement que le facteur l'a posté chez moi par mégarde. J'aurais peut-être dû la remettre dans votre boite directement, afin de ne pas vous déranger, mais au cas où cela soit urgent, ça me paraissait important.

Invité

Sa méfiance était si détectable que ça ? Il fallait croire vu la manière dont elle avait l’habitude d’être passée au scanner. Cet homme ne manqua pas à la tradition et sonda son visage sculpté dans la méfiance. Elle n’y pouvait rien, c’était désormais encré dans ses gênes. Elle se méfiait de tout et de tout le monde, aussi gentil soit-il. Pouvions-nous lui en vouloir après tout ? Ne vivait-elle pas dans un monde où le danger se trouvait aussi bien derrière que devant sa porte ? Bref, il paraissait davantage chercher la source de cette suspicion et avait l’air de se sentir coupable. Il rompit aussitôt le silence pesant qui s’était infiltrée depuis la dernière réplique de la jeune femme.

Citation :

- Excusez-moi de vous déranger. Je suis Miles Edgeworth, le nouveau locataire de l'appartement 102.

Un nouveau locataire ? Maintenant qu’elle y songeait, elle pouvait enfin mettre un visage sur le coupable de tout le remue ménage de ces derniers temps. Ce n’était pas tant le déménagement du jeune homme qui l’avait gêné mais plutôt les inconvénients qu’il avait occasionné chez sa colocataire. C’était elle qui était ingérable durant l’aménagement du nouveau locataire. D’ailleurs, Anna ne venait à l’appartement que très rarement, juste pour subvenir à quelques besoins naturels comme se laver et – de temps en temps – dormir, ce qui n’avait pas été le cas cette nuit. Cette étrange et instable jeune femme semblait encore plus susceptible que Evey. Elle avait le diable au corps et avait toujours besoin de sa dose d’aventure de la journée. Elle donnait l’impression de chasser quelqu’un. Si c’était le cas, elle était persévérante ! Evey s’autorisa un souhait : celui de ne jamais se chiffonner avec Anna.

Le jeune homme lui annonça le but de sa venue. Visiblement, tout ceci était dû à une erreur de destinataire pour le courrier. Erreur qui n’est pas rare mais qui peut se révéler risquée selon les informations inscrites dans le contenu de la lettre. Or, dans ce cas présent, ça ne concernait que quelques publicités. La jeune femme esquissa un sourire chaleureux et le remercia d’un signe de tête.

- Merci c’est gentil de votre part. Enchanté Mr Edgeworth. Je suppose qu’il est inutile que je me présente.

Confia t-elle un peu plus sûr d’elle. Effectivement, le contenu du courrier n’avait pas de quoi vous mettre dans un état de panique s’il n’était pas arrivé en temps et en heure dans la boîte aux lettres de la jeune femme mais c’était là un geste courtois et sympathique de la part de son nouveau voisin. De plus, ça permettait de mieux connaître son voisinage. C’était important de savoir à côté de qui on vivait, l’ennui c’était qu’Evey avait quelques lacunes en ce qui concernait le relationnel. En plus d’être renfermée, elle n’était pas de celle qui fonçait ou qui faisait le premier pas dans une discussion. Pourtant, elle avait des manières civilisées et n’allait pas les laisser de côtés sous prétexte qu’elle était excessivement méfiante.

- Non je vous en prie, ne vous excusez pas…

Que devait-elle faire, l’inviter à entrer ? Qu’allait-elle lui proposer après ? Elle lui offrit un sourire et alla jusqu’au bout de sa politesse en bravant quelques interdits qu’elle avait pour coutume de se donner. Elle désigna l’entrée de son appartement d’un signe de pouce tout en gardant son regard accroché à celui de Miles.

- Peut-être…enfin vous vous voulez venir boire quelque chose à l’intérieur ?

Invité

Elle avait fait preuve d'une grande méfiance depuis qu'elle avait ouvert la porte (entrouvert était le mot le plus juste). Cette jeune fille ne pouvait être que Evey Hammond, puisqu'elle l'avait avoué elle-même. Il n'avait pas prononcé son nom pourtant, il aurait très bien pu tomber sur la seconde colocataire. Cela faisait partie d'une façon de procéder au tribunal : faire parler les gens sans qu'ils ne s'en rendent compte. S'il était tout seul à ce moment-là, il se serait tapé la main sur le front : on ne pouvait pas dire qu'il parvenait à séparer vie professionnelle et vie personnelle. Dans chacune de ses rencontres et de ses relations, il avait affiché le même comportement. Pas étonnant que mis à part Phœnix, Maya, la petite Pearl, il n'aie aucun ami. Les autres n'étaient pour lui que relations de travail. Pouvait-on passer à côté de la vie à ce point ?
Du coup, il se remit en cause mentalement pour faire en sorte d'oublier sa condition d'homme de loi, afin de ne pas mettre mal à l'aise la belle femme brune. Après tout, elle n'était pas très rassurée et malgré ce, elle faisait un effort pour faire entrer quelqu'un dans son appartement. La moindre des choses était de ne pas la mettre encore plus mal à l'aise en l'inspectant comme une pièce à conviction.

- Et bien...C'est avec grand plaisir que j'accepte cette proposition.

Il attendit que Evey ouvre plus grand sa porte pour pénétrer dans l'appartement. Il ne serait pas rentré sans qu'elle ne se pousse pour laisser le passage. ET même, il ne serait pas passé devant elle pendant qu'elle tenait la porte. Il se contenterait de la suivre. C'était plus élégant, déjà, et moins oppresseur.

Même si Miles avait l'air plutôt à l'aise dans cette situation, cela n'était qu'un masque. Il ne vivait pas en ermite, n'avait pas peur de la foule, allait souvent dans des soirées mondaines. Cependant il détestait ça au plus haut point, et n'avait qu'une envie dans ces cas-là : rentrer chez lui pour lire un bon livre au coin de la cheminée, avec une tasse de thé.
Aussi, il pouvait comprendre les réticences de la jeune femme et ferait son possible pour la détendre.

C'est à ce moment-là qu'il put se faire une idée plus précise d'Evey et de son environnement. Elle était habillée assez simplement (Tshirt blanc et jean noir) mais cela lui seyait particulièrement. Elle avait des formes parfaites (ni trop ni trop peu). Ses longs cheveux bruns tombaient avec grâce de chaque côté de son visage ; ils étaient tout bouclés, mais manquait encore un peu de volume. Il parvint à déduire de ce fait qu'elle venait de prendre une douche récemment.
L'appartement en lui-même était vaste et lumineux, agencé avec beaucoup de goût et surtout...Étrangement, il lui rappelait son propre appartement. Il semblait être rangé de façon maniaque, car rien ne dépassait ou choquait dès le premier regard. Cela n'était pas du confort, non. C'était obsessionnel. Tout devait être à sa place, au millimètre près. Cette femme, tout comme lui, devait être une perfectionniste. Il jeta un coup d'œil bref au reste de l'appartement, afin de ne pas faire montre de comportement déplacé. La curiosité face à une personne sur le qui-vive ne risquait pas de lui plaire.
Ses yeux se posèrent en dernier lieu sur une sorte de manche qui dépassait. Et d'un objet circulaire aux rebords hauts. Les sourcils de Miles se froncèrent légèrement et il quitta sa contemplation pour se tourner vers son hôte.

- Vous deviez être occupée...Je vous dérange peut-être.

Pas peut-être, sûrement. Elle était en train de faire son ménage. Afin d'expliciter son propos, il se contenta de faire glisser son regard vers le sceau et le manche (d'un balai à frange, sûrement).

Invité

Voilà qui était fait ; il venait d’accepter la demande. Elle mit de côté un moment sa méfiance et laissa planer sur ses lèvres un sourire qui se voulait accueillant. Après tout inviter quelqu’un en tirant une tête d’enterrement n’était pas là très jovial. De plus elle n’avait aucune raison de se montrer si désagréable puisqu’elle l’avait invité de son plein gré. Evey écarta alors sa porte. Avec galanterie, le jeune homme laissa Evey emboîter le pas ne se permettant pas de passer devant elle. Geste tout à fait courtois mais qui, en fait, était très naturel. Elle ne fit que deux ou trois pas dans l’entrée pour laisser place à Miles. Elle accompagna l’homme à s’aventurer dans son salon dans un mouvement de bras accueillant.

- Je vous en prie installez vous.

Evey se mit à se tordre les doigts ; typique attitude du malaise. Son apprentissage, qui consistait à faciliter ses dialogues avec des inconnus, n’avait jamais été aussi bénéfique que ces jours-ci. Elle n’avait eu de cesse de bavarder avec le premier inconnu qu’elle ou qui l’accosté. Or, elle n’était encore jamais venue au stade de l’invitation à son domicile. Cette situation faciliter les choses puisque l’inconnu en lui-même s’était directement manifesté devant sa porte. Mais bon, elle n’était pas stupide, ce n’était pas le premier être vivant avec qui elle s’entretenait entre 4 mûrs. Elle savait ce qu’elle allait lui demander s’il désirait un café ou un rafraîchissement, le problème n’était pas là. Il se trouvait précisément dans le dialogue qui allait accompagner tout ce procédé de rencontre approfondie. Allait-elle réussir à s’ouvrir ? Oserait-elle lui poser des questions sans déborder, par manque d’expérience, dans le privé ? Pour le savoir, il fallait tenter sa chance et Evey n’était pas du genre à reculer et ce quelque soit la situation.

Miles avait mit le doigt sur quelque chose. Il s’était certainement accorder quelques instants pour observer panoramiquement les lieux. Fort heureusement, Anna avait laissé libre court à l’inspiration de Evey pour harmoniser l’intérieur. Ce n’est pas tant qu’Evey pensait qu’Anna n’avait aucun goût pour la décoration mais elle craignait que ce ne soit trop…rustre. Evey avait donné à l’appartement un reflet impeccable, doux et légèrement raffiné. Le raffinement c’était à V qu’elle le devait. Elle avait pas mal passé de temps à observer toutes les merveilles que possédait V dans sa galerie. A défaut de détenir un portrait de lui, il vivait dans chaque petit détail de l’appartement qu’Evey prenait grand soin à rendre irréprochable. La belle londonienne jeta alors un œil à son seau restait en plan. Elle pouvait aisément continuer après, ce n’était pas pressant. Elle remua négativement de la tête, un petit sourire présent.

- Non ne vous en faîtes pas, ça peut attendre. Voulez-vous un café, un thé ou quelque chose de plus frais ?

Invité

Cette femme avait dû subir de grands troubles pour être nerveuse à ce point. Rien de son langage corporel n'échappait au regard affuté de Miles. Elle essayait pourtant de paraitre détachée, mais ses mains la trahissaient. Ce n'était pas dû à sa personne, non. Elle était très belle, très polie, très fine. Elle avait beaucoup de goût (à en juger la décoration de son appartement. Elle s'habillait de façon élégante sans être sophistiquée. Mais les premiers jugements étaient souvent les mauvais. Tous ceux qui avaient connu une certaine Dahlia Pantule l'avaient compris.
Il prit place sur un canapé, qui se révélait très confortable. Il croisa les jambes et se tenait bien droite. Il avait toujours beaucoup de tenue et ne se laissait jamais aller, même quand il était avec des amis. Il croisa les mains sur ses genoux et attendait qu'elle reparle. Elle ne tarda pas à lui proposer un breuvage.

- Je prendrais bien un thé, merci.

Il aurait très bien pu lui demander un café. Il avait senti l'odeur de café qui sortait de la cuisine, comme si on en avait fait il y a peu de temps. Peut-être avait-elle pris une tasse il y a peu. Il aurait très bien pu lui demander une tasse, ce qui le l'aurait pas forcé à faire des manipulations supplémentaires. Mais lorsqu'il voulait quelque chose, il ne tenait pas vraiment compte des préoccupations des autres. Miles était quelqu'un qui pouvait faire preuve d'empathie tout en restant égoïste. Et en tant que grand amateur de thé, il l'aurait en faisant fi du côté pratique pour la jeune femme.
Il garda le silence quelques secondes avant de parler à nouveau.

- Vous avez un appartement d'une fort belle exposition. Il est très agréable et très bien aménagé. Vous devez vous y sentir bien. Tout est rangé, tout est à sa place. C'est un endroit assez rassurant, je dois dire.

Quand on regardait bien, tous les deux se ressemblaient assez. Ils restaient sur leurs gardes, s'observaient mutuellement, ne forçaient pas les choses. Lorsqu'on faisait des rencontres, les gens se montraient ouverts, voire parfois trop démonstratifs.Eux, non. Ils ne forçaient pas les évènements et les laissaient aller. ils avaient envie de faire connaissance mais restaient sur leurs gardes. Car Miles, comme Evey (il en mettrait la main au feu), étaient de ceux qui avaient eu le regard voilé par le mensonge et mettaient du temps à accorder leur confiance.

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