Après un verre (suite du William The Conqueror)

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The William The Conqueror

Elizabeth avait enfilé le casque que House lui avait passé et était montée derrière lui, se cramponnant fermement à lui pour le temps du trajet. Un trajet effectivement raccourci par rapport au temps qu'elle aurait mis en rentrant à pieds. Arrivés devant l'immeuble, elle était descendue et avait rendu son casque au docteur, puis était rentrée dans le bâtiment. Entre le rez-de-chaussée et le quatrième étage, elle ne dit rien. Tout au plus eut-elle une ébauche de sourire en rentrant dans l'ascenseur, en se souvenant de la dernière fois qu'elle s'y était retrouvée en compagnie du docteur.
Une fois à son étage, elle tira se clefs de la poche intérieure de sa veste et ouvrit la porte du 403.

Bienvenue. Ne faites pas gaffe au bordel, ma...

Elle s'interrompit. Pour la première fois depuis qu'elle était arrivée dans cet appartement, celui-ci était propre et rangé. La table était mise pour une seule personne sur le comptoir de la cuisine, et une casserole était posée sur le gaz éteint, avec un couvercle pour garder la chaleur. Sur le frigo, Morgan avait laissé un petit mot.

Bon, comme tu ne semblais pas décidée à rentrer, je t'ai laissé de quoi manger et je suis sortie. Je ne sais pas quand je rentre. Peut-être pas du tout, j'enchaînerai direct avec le boulot demain. J'ai fait le ménage, tu seras gentille de faire la vaisselle. Bonne soirée. M.

Elizabeth arqua un sourcil et finit par sourire.

Je n'ai rien dit. Un peu plus et j'allais devenir mauvaise langue.

Elle accrocha sa veste au porte-manteaux et lança :

Mettez-vous à l'aise !

Le parcours à moto était toujours quelque chose de sympathique. D'abord pour le sentiment de liberté que procurait un tel moyen de transport, ensuite parce qu'avec une femme serrée ainsi contre soi, on ne pouvait pas se sentir autrement. Enfin, si, mais c'est une autre histoire. Greg avait même évité de sortir la réplique "Ne serrez pas trop fort, j'ai l'érection facile". Une autre fois, peut-être.
Bref, le trajet se déroula sans problème et une fois arrivés au 109, les deux personnes descendirent du véhicule que House avait garé immédiatement à sa place.

Bizarrement, la suite du "voyage" se passa silencieusement. L'ascenseur s'avéra aussi calme et silencieux qu'un ascenseur autre que celui de Princeton, où Gregory tenait souvent des réunions improvisées. Et on n'a rien à dire sur le silence.

Donc, en arrivant au quatrième étage, le médecin, toujours en s'appuyant sur sa canne, suivit miss Swan pour découvrir son placard. 403. Il regarda les noms inscrits sur la sonnette et nota mentalement l'identité de la colocataire d'Elizabeth. Cela pouvait toujours servir.
Quand son interlocutrice l'avertit pour le bordel, House haussa les épaules et goba une de ses petites pilules de Vicodin. Il s'en foutait, du bordel. Lui-même était un spécialiste pour en foutre de temps en temps. Mais il ne s'attendait pas à ce qu'il découvrit : tout l'appartement semblait nickel.

"Si je faisais du bordel pareil, mon coloc' râlerait moins sur mes chaussettes !"

Elle l'invita à se mettre à l'aise et Greg d'ôter sa veste de moto pour aller l'accrocher à côté de celle de son hôtesse. Il regarda un peu autour de lui.

"C'est marrant, je n'imaginais pas votre appart comme ça..."

Invité

La jeune femme eut un petit rire en se dirigeant vers la cuisine.

Vous vous imaginiez quoi ? Une reproduction d'un navire, ou du palais du gouverneur ?

Elizabeth souleva le couvercle de la casserole. Aoutchi ! Elle ne savait pas ce qu'il y avait là dedans, mais une chose était certaine : Morgan avait forcé la dose au point de vue épices : les odeurs embaumaient tout l'appartement. Yummy ! A mieux y regarder, elle reconnut des aiguillettes de poulet, et divers légumes. Qui aurait cru que l'ancienne flibustière qui partageait désormais son appartement eût été si bonne cuisinière ? Certainement pas Elizabeth, qui s'était attendue à devoir se taper la cuisine à tous les repas. Résultat des courses, depuis qu'elle avait emménagé, elle n'avait pas touché à la moindre casserole ! Ce n'était d'ailleurs pas un mal, sesconnaissances en la matière se bornant à la platassée de nouilles, les oeufs sur le plat ou à la rigueur brouillés et la salade. Peu reluisant. Mieux valait laisser faire Morgan et ses bons p'tits plats !
Elle reposa le couvercle et se tourna vers son visiteur.

Inutile, je pense, de vous faire le tour du propriétaire : tous les appartements sont formés sur le même modèle. Vous voulez rester diner ?

Se fichait-elle de lui? Hum, pas sûr... le rire de cette jeune femme était trop sincère pour que ce soit de la raillerie. D'ailleurs, House essaya de sourire pour faire bonne impression.

"On ne sait jamais... Je m'attendais à des médailles de la marine ou des choses comme ça..."

Allez, c'était l'occasion de laisser le champ libre aux divagations de miss Swan. Restait à voir comment il était possible de la lancer sur un sujet plutôt qu'un autre. Mais Gregory avait bien sa petite idée.

"Tiens, comment imagineriez-vous mon appart, par exemple?"

A ce moment, le docteur songea au fait que l'appartement d'Elizabeth était juste au-dessus du sien. Avec un peu de chance, la chambre de son interlocutrice actuelle était pile poil au-dessus de la sienne, non? Greg avait préféré laisser la chambre du fond, celle avec la grande fenêtre, pour son colocataire fumeur. Puis ça l'arrangeait bien de ne pas être trop loin de la porte d'entrée : ça avait bien des avantages comme par exemple quitter l'appart discrètement, en laissant toutes les tâches ménagères à Holmes... Et puis, Greg avait déplacé la sonnette : quand quelqu'un appuyait sur le bouton, à présent, ça sonnait plutôt du côté de la chambre de Sherlock. De petites attentions comme ça, ça créait l'amitié, Greg avait testé avec Wilson et ça avait marché, il n'y avait pas de raison que cela ne fonctionnât pas avec Sherlock.
Tout ceci avait traversé l'esprit du diagnosticien en quelques fractions de seconde à peine. Le temps de regarder autour de lui et de laisser Elizabeth voir ce qu'il y avait au menu. Quand elle l'invita à manger là, Greg se dit qu'elle avait commencé par lui proposer un verre. A ce rythme-là, il passerait la nuit ici. Cool...

"Pas faux... même si les déco ne se ressemblent pas du tout...
Merci pour l'invitation, ça m'évitera de faire la vaisselle en rentrant..."

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Elizabeth sourit et sortit de sous le comptoir assiette, couverts, verre, etc. Tout en dressant la table, elle répondit :

Je dirais... bohème. En bordel, ça, vous me l'avez dit vous-même. Confortable, cela va de soi, avec fauteuils, sofa... Je vois bien des bouquins à la pelle, des bibliothèques partout... Je ne sais pas pourquoi, je vous vois bien en musicien, donc une guitare ou un piano - voire les deux...

Elle s'interrompit et alla rallumer le gaz sous la casserole pour réchauffer le plat. Elle ouvrit le placard du fond, en sortit quelques bouteilles qu'elle évalua du regard, en choisit une qui lui paraissait bien s'accorder avec le plat - chapardée dans la réserve du bar où bossait Morgan, comme de bien entendu - et attrapa le tire bouchon.

J'espère que vous m'accompagnerez, c'est triste de boire seule. Ne vous en faites pas, je n'essaie pas de vous soûler. ajouta-t-elle, toujours souriante. Sinon, pour répondre à votre remarquede tout à l'heure, j'ai une colocataire charmante, mais qui m'arracherait les yeux si jamais je faisais étalage de quelque décoration militaire que ce soit. Etant donné que je tiens un tant soit peu à mon intégrité physique et à avoir la paix dans la maison...

Elle alla arrêter le gaz et apporta la casserole sur le comptoir.

Installez-vous, je vous en prie.

Bizarrement, la description que faisait Elizabeth de l’appartement de Greg lui semblait assez réaliste. Comment parvenait-elle à un tel résultat alors qu’ils se connaissaient à peine ? Elle était peut-être plus perspicace qu’elle ne paraissait, la blonde…

"C’est à peu près cela… " Puis il ajouta, confortant encore les hypothèses de son interlocutrice :"Piano et guitare."

Ce n’était tout de même pas parce qu’il faisait de la musique tard le soir, cela ne lui arrivait pas si souvent que cela. Comment donc l’avait-elle cerné à ce point ? Il avait donné certains indices, bien sûr, on se dévoilait toujours un peu, mais à ce point-là, c’était effarant.

House la regarda préparer ce qu’elle avait à préparer, puis sortir une bouteille de vin. Il lui avait dit plus tôt qu’il ne buvait pas… mais un tout petit verre, cela ne se refusait pas…

"Eh bien… Si le but n’est pas de me saouler, il n’y a pas de problème, je prendrai juste un verre. Un petit."

Le médecin se fichait un peu de cette colocataire, pour le moment, aussi vint-il s’installer face à miss Swan pour manger ce qu’avait cuisiné le cordon bleu inconnu. Il posa sa canne à côté de lui. Dans son appartement, il l’accrochait au plafond, mais ici, il préférait ne pas agir comme cela. Si jamais il l’oubliait, cela pouvait causer des problèmes.

"Alors… Que nous a-t-elle laissé, votre colocataire ?"

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Elizabeth sourit, contente de voir qu'elle avait visé juste. Elle déboucha la bouteille d'un coup sec et servit les deux verres avec dextérité. Puis elle souleva le couvercle de la casserole et répondit :

Poulet et légumes. J'espère que vous n'avez rien contre la cuisine épicée, parce qu'elle a mis la dose.

Elle le servit généreusement, se servit elle-même plus modestement, et s'installa enfin au bout du comptoir. Elle attaqua sans attendre, songeant par devers elle que, décidément, tout le décorum qu'on lui avait enseigné quand elle était gamine était bien effacé de sa mémoire. Tant mieux d'ailleurs. C'était plus agréable pour elle.
Du coin de l'oeil, elle surveillait son invité. Elle se rendait compte qu'elle n'avait aucune idée de ce qu'il aurait fallu dire pour entreenir la conversation ; d'un autre côté, elle n'avait pas des masses envie de se casser la tête. Pourquoi faire ?

Spoiler:

Assis face à Elizabeth, Greg regarda dans la casserole afin de se rendre compte par lui-même de l’étendue des dégâts épicés. Tant que ça ne piquait pas aux yeux, en général, ça allait. House était moins douillet que Wilson et il supportait très bien certains plats épicés que son ami se mettait automatiquement à cracher dans tous les coins, comme si sa bouche avait été enflammée. Revenant donc au visage de son hôtesse, le médecin hocha la tête.

"Dans le pire des cas, je trouverais certainement les toilettes tout seul."

Voyant alors que miss Swan attaquait déjà sa part, Gregory se sentit obligé de faire de même. Bon, ben finalement, ça allait ce plat... il n’y avait ni trop d’épices ni trop peu à son goût. Le cordon bleu de l’appartement avait à peu près les mêmes goûts que lui pour la cuisine, semblait-il... ah, et pour l’armée aussi, puisqu’elle avait une sainte horreur des médailles et de tout ce tralala sans intérêt.

Avec tout ça, les deux personnes mangeaient et aucune ne parlait plus. Ça, c’était un peu plus gênant, par contre. Ils n’allaient tout de même pas se regarder en silence durant tout le repas ? ça promettait d’être joyeux si c’était le cas... Le docteur House soupira bruyamment, puis lâcha d’un ton badin, comme si c’était la chose la plus naturelle et logique du monde, en indiquant l’assiette de son interlocutrice d’un petit geste du menton :

"Vous avez eu des problèmes d’estomac ?"

Elizabeth avait pris une si petite part de poulet aux légumes que Greg se disait qu’elle avait peut-être bien le système digestif complètement défoncé. Et de toute façon, comme elle ne parlait pas, lui, il posait ses questions, ça lui paraissait normal.

"Ah, si ça peut vous intéresser, j’ai rencontré le concierge de l’immeuble... une sorte de nain horrible, mais vachement doué pour la cuisine et les tâches ménagères ! à mon avis, il suffit de se montrer sympa avec lui et il fera tout ce que vous voulez... Donc, le jour où ce sera votre tour de cuisiner, si vous avez la flemme, demandez-lui simplement, j’ai jamais vu quelqu’un d’aussi naïf !"

Avec un sourire, House avala sa cinquième bouchée de poulet aux légumes avant de boire une petite gorgée de vin.

» Suite de ballade nocturne [PV 'Dora Tonks]