Les rues ici sont si intéressantes

Le ciel était beau ce jour là.

Entrée en matière plus que banale j'en conviens mais c'est pourtant la première chose qui attira le regard de la Mort ce matin là. Il était d'un bleu serein, clair et profond... Lorsque l'entité se perdait à sa contemplation elle en venait presque à oublier que quelque part dans ce monde il existait malheur et chagrin.

La Mort venait tout juste de rejoindre le monde des vivants et c'était là, debout dans cette rue bondée qu'elle venait d'apparaitre. Personne ne semblait avoir remarqué que l'élément le plus sombre et craint de l'existence venait de se matérialiser près d'eux, plus simplement ils ne c'étaient pas aperçus qu'un jeune homme suave à la posture étrangement mécanique venait de surgir de nul part.

Ainsi le monde avançait à grands pas . Hommes et femmes de tout milieux et de toute apparences se pressaient en tout sens. Rendez-vous d'affaire ou galant, arrivé au bureau, livraison diverse... La Mort savait tout cela. Sans même chercher à les acquérir, un flux d'informations de tout ordre forçaient les barrages de son esprit arrivant au hasard et portant avec eux un chaos si troublant qu'il aurait rendu fou le plus grand des intellectuels. Mais la Mort y était habituée. La femme en tailleur qui passait à sa droite courait chercher son petit garçon à l'école deux rues plus loin... Le vieil homme qui s'avançait à sa gauche songeait au courroux de sa femmes si elle apprenait ses infidélités... Il y avait même un adolescent qui se tenait à la rambarde de sécurité bordant le trottoir, il cachait dans sa veste une bouteille d'alcool fraîchement dérobée dans le magasin d'en face. La Mort sentait l'orgueil insolent chez ce gamin, l'embarra qui soulevait le cœur du vieil homme et l'inquiétude de la femme chaque fois que ses yeux se posaient sur sa montre.

Tout cela la Mort le ressentait, il percevait les états d'âmes de chacun comme un aveugle sent les odeurs mieux que quiconque. Et une fois encore à l'image de ce ciel si bleu et doux, la Mort s'étonna de constater à quel point l'humain savait dissimuler certaines choses... aussi sombres et malsaines soit-elles.

La Mort se mit donc en marche également.
Le corps qu'elle c'était fabriquée fonctionnait à la perfection. Les sens en éveille la mort observait ce qui l'entourait à travers ses yeux humain, faisant abstraction de ce que son esprit lui soufflait obstinément.
Les lieux et les gents... tout était bien différents de sa dernière visite.
Il y a 10 ans, la Mort avait vécue dans une maison ou le luxe régnait en maître, bien loin de cette rue bruyante ou traînait parfois quelques boites de conserves... Mais à cela, l'entité ne faisait pas attention. Elle se savait trop inexpérimenté et trop excitée de tant d'agitation qu'elle ne pouvait encore faire la part du bon ou du mauvais de l'existence. Pour l'instant ce n'était pas moins bien... c'était diffèrent

A la voir, la Mort était semblable à un enfant timide qu'on aurait lâché sur un nouveau terrain de jeu. Cet endroit la Mort le connaissait, elle y avait même déjà prit plusieurs vies, seulement... Non... Cela n'avait rien à voir. L'entité tournait sans cesse la tête comme s'il cherchait à voir toute ce qui se passait autour d'elle. Fébrile elle marchait pourtant à pas constant le dos droit et le visage inexpressif (quoi que la bouche très légère entrouverte). Elle ne frôlait personne et nul ne faisait plus attention à elle... S'ils savaient à qui ils avaient affaire...

Soudain sans prévenir la Mort s'arrêta... A sa gauche sur les marches manant à un hôtel une femme plutôt jeune était assise le visage dans ses mains. La mort haussa un sourcil... Il n'y avait qu'elle pour lancer un regard à cette femme, là avachit sur cet escalier. Alors sans raison notable la Mort s'approcha, ignorant les remarques des gents qu'elle avait bousculée. L'élément mortel posa alor une pain froide sur l'épaule de la jeune femme qui sursauta et leva un visage blème et humide sur celui de la Mort et celle-ci prit la parole.

-C'est bien navrant ce qu'il vous arrive... Mais il ne faisait que vous mépriser de toute manière

La voix de la Mort était profonde et calme... Comme celle d'un homme s'adressant stoïquement à une vielle connaissance et pourtant La mort se redressa et reprit sa route comme si elle ne c'était pas arrêtée. Trainant sans s'en soucier le regard égaré de la vivante s'accrochant à sa silhouette derrière elle.

Mrs Lovett ne voyait pas qu'il faisait beau. Elle marchait d'un pas rapide dans la rue. Elle venait de sortir de la banque, où elle avait âprement négocié un crédit pour finir de payer l'achat du restaurant. Elle avait fini par obtenir gain de cause, mais demeurait soucieuse. Tout était tellement plus compliqué dans ce monde... Elle ralentit, s'arrêta au bord d'un trottoir pour traverser.

En attendant que le feu ne passe au vert, elle se surprit à songer. Pourquoi ne L'avait-elle pas encore retrouvé ? Se pouvait-il qu'elle se soit trompée à ce point et qu'Il ne soit pas là ? Non. Elle ne le pensait pas. Elle sentait qu'Il était là, dans cette ville, quelque part, tout près d'elle. Elle savait qu'elle avait raison. Il le fallait...

Relevant les yeux, elle porta son regard sur l'autre côté de la rue... et sursauta. Là, dans la foule... cette silhouette, maigre... cette démarche... les cheveux noirs, et la mèche blanche... le costume, et le manteau brillant d'usure... Arabella Lovett sentit son coeur faire un bond dans sa poitrine, et elle s'élança dans la rue, serpentant entre les voitures, indifférente aux klaxons, aux insultes et au danger. Retenant sa robe, elle se mit à courir pour Le rattraper, sans se soucier des gens qu'elle bousculait au passage.

Mister T !

Mais Il ne semblait pas l'entendre. Il obliqua soudain dans une rue. Quand elle arriva à son tour au coin de cette rue, ce fut pour la trouver déserte. Elle appela encore :

Mister T ? Répondez-moi !

Mais rien. Elle se retourna, son regard balayant frénétiquement les visages, scrutant la foule à Sa recherche... Elle tourna, vira, finit par s'avancer dans cette ruelle étroite et sombre. C'était une impasse, il n'y avait pas d'issue, où avait-Il pu disparaître ? Elle appela de nouveau, d'une voix à présent presque suppliante :

Mister T ? Vous êtes là ?

Mais, là encore, silence. L'élan de fol espoir qui l'avait un instant transportée retomba alors tristement, la laissant vide, plus vide encore qu'elle ne l'était avant de le retrouver la première fois. Elle se retourna lentement, eut un frisson, se frotta machinalement les bras. Elle réapparut dans l'artère principale, plissa les yeux à cause du soleil, mais ne bougea plus. Immobile au coin de cette impasse, hagarde et désemparée, les passants la contournaient, indifférents. Une autre aurait pleuré. Pas elle. Pleurer ne servait à rien. Et de toutes façons, elle n'en avait même pas la force. Elle ne vit pas la silhouette du jeune homme qui arrivait sur sa droite alors qu'enfin elle se décidait à se remettre en marche. Elle lui rentra dedans de plein fouet.

Oh ! pardon !

Un peu sonnée par le choc, elle avait lâché son sac qui était tombé sur le trottoir. Elle se dépêcha de le ramasser, de peur qu'on ne le lui vole, et releva les yeux vers celui qu'elle avait bousculé.

Je suis désolée. Vous n'avez rien ?

La Mort lorsqu'elle se trouvait encore dans les limbes, c'était un jour retrouvée particulièrement frustrée par un évènement qu'elle même ne pouvait expliquer. Plusieurs poignées de ses précieuses âmes, qu'elle avait récupérée sur Terre lui avait échappées pour retourner à la vie. Les âmes c'étaient éparpillées un peu partout dans le monde, une nouvelle date ayant été décidée pour chacune d'entre elles...Et à cela, la Mort n'y pouvait absolument rien. Elle décida donc de laisser le temps filer et que lorsque leur dernière heure arriverait à nouveau, la Mort prendrait garde à ne plus les laisser lui échapper. Tout de même! En quel honneur les morts devraient-t'ils avoir droit à une seconde chance? Si une telle chose se reproduisait trop souvent, qui sait ce qu'il adviendrait du monde que l'on connait. Les morts se doivent de rester là où ils sont, c'est ainsi qu'il en a été décidé à la création et s'en sera toujours ainsi... La Mort était là pour y veiller.

De ces revenants, il en grouillait de partout. Et c'était sur eux que le regard glaçant de la Mort était le plus insistant. Mais à cet instant la Mort était occupée ailleurs et ne se préoccupait pas des errants humains. A son plus grand soulagement les murmures habituels avaient cessés, la Mort n'entendait plus nul pensés et ne ressentait plus nul émotion ne lui appartenant pas... Elle était comme tout autres humains.
Pour l'heure, la Mort réfléchissait à ce qu'elle allait faire, ce qui se
présenterait à elle en premier choix. C'est qu'il y avait tant à faire! Tant à voir! Par quoi commencer?

La Mort en était la de ses pensées quand ses songes furent troublés. Elle non plus ne vit pas la mortelle qui c'était mise en marche, et ne l'aperçut d'ailleurs que lorsqu'elles se bousculèrent. "Oh ! pardon !"

Quand-on parle du loup, on en voit toujours la queue...

La Mort recula d'un pas quand la femme se pencha pour ramasser son sac. Quand elle se redressa la Mort fut surprise, mais rien de transparu sur son visage figé. Arabella Lovett. Le nom de la mortel vint à l'esprit de l'entité comme un réflexe, sans que celle-ci n'eut à se le demander.

Devants la Mort se tenait une âme qui avait fuit d'entre ses mains, mais la Mort ne s'en trouva pas une seconde agacée... Cela l'intéressait. La femme avait le même visage qu'auparavant... Ce même visage blême et creusé par la dureté de son époque d'origine. Pourtant elle ne se trouvait pas là où elle devrait être. La Mort avait en tête
la vision de cette femme agonisant dans les flammes d'un four. Et
pourtant, elle était bien là.

Chose étrange qu'est la vie...

La Mort mit quelque seconde à répondre à la voix de l'humaine. Et pars-que ce comportement devait sembler étrange, elle finit par répondre

-Tout va bien, merci.

Continuer sa route? Certainement pas. La Mort était intriguée à présent. Quitte à mieux connaitre le monde, autant mieux en connaitre les vivants... Surtout les vivants qui ne devraient pas l'être.

Un sourire de dessina sur les lèvres de la Mort. Un sourire si discret et figée qu'il semblait être le premier jamais apparu sur cette bouche. Cela ne devait pas sembler très naturel... Tant pis. La Mort tendit la main droite vers l'humaine sans vraiment savoir si celle-ci allait s'en saisir ni si cela se faisait d'aborder ainsi les gens dans la rue. Pendant un instant, elle craint également que la femme ne s'aperçoive d'une quelconque anomalie à son contacte... Peau froide ou étrange impression, mais il lui semblait avoir correctement crée ce corps...

-Je m'appelle Joe. Joe Black. Ravi de faire vôtre connaissance.