une bonne tasse de thé en fin de journée (avec Arsène)

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6 avait eu une longue matinée.
Il s’était fait bringuebaler de secrétaire en secrétaire afin de récupérer les derniers papiers qui lui manquaient, il avait dû courir à son cours, pensant que ses étudiants l’y attendrait alors qu’il avait eu le temps de bouquiner pendant cinq minutes avant de voir ces derniers pointer le bout de leur nez. A son époque, les étudiants étaient là au moins dix minutes avant le début de l’heure. Bon, lui n’était pas parmi eux, mais il mettait toujours un point d’honneur à arriver avant l’enseignant. Soit, les choses changeait à vitesse grand V, il ne fallait pas s’en formaliser !
Quoi qu’il en fut, après sa journée de cours, avant de rentrer chez lui, il avait décidé de se faire un nouveau petit tour des bâtiments afin de se familiariser avec eux. Au détour d’un couloir, il vit ce qu’il n’était pas parvenu à trouver la dernière fois : la salle réservée aux enseignants.
Pourquoi ne pas y faire faire une petite halte ?
En passant la porte, 6 fit un rapide tour des lieux depuis le seuil. Quelques fauteuils, quelques tables de travail, une multitude de petites boites aux lettres aux noms des enseignants et une tablette où étaient posé quelques journaux, ainsi, dieu soit loué, qu’un distributeur automatique.
Le professeur de psychologie se décida finalement à entrer dans la pièce et se dirigea vers les fauteuil où il posa sa veste et son attaché case avant de rejoindre le distributeur.

* Un bon thé, voilà ce qui me fera du bien ! Rien de tel que cela pour se requinquer après une longue journée ! *

Bon, le choix n’était pas extraordinaire mais cela ferait l’affaire. Six fit glisser sa pièce dans l’interstice et attendit sagement que celle-ci lui donne l’autorisation de passer sa commande. Il attendit quelques secondes, mais arriver à plus d’une minute, il fut flagrant que cette maudite machine n’était pas décidée à lui obéir. Un petit coup du plat de la main sur le côté peut être ?

* Ah, tu me résistes hum ? Sache que personne n’emmerde le numéro 6 impunément ! *

Un nouveau petit coup un peu plus fort cette fois ci et la machine finit par se rendre à l’évidence : elle ne triompherait pas cette fois. L’homme entra donc le code de commande de son thé et espéra cette fois ci ne pas avoir à lutter de nouveau pour l’obtenir.

* Parfait ! Un bon petit thé, un bon fauteuil, que demander de plus ?*

Six attrapa un journal local au passage et revint s’assoir afin de savourer sa boisson chaude tout en lisant tranquillement. Malheureusement, au bout d’un bon quart d’heure, rien n’y fit, il ne parvint pas à se concentrer suffisamment pour lire ne serait ce que le premier article.

Spoiler:

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L'enseignement, c'était la bonne planque. C'était du moins comme cela que la majorité des gens percevaient cette profession. Pour Arsène, c'était plutôt une aubaine. C'était la possibilité d'allier le plaisir des belles lettres à celui du partage. Et puis, il y avait aussi le plaisir des yeux : il suffisait de voir la composition de l'auditoire du cours de Lupin pour s'en rendre compte, les demoiselles appréciaient la littérature... à moins que ce ne soit lui ?
En tout cas, ce n'était pas pour lui déplaire. Qu'on l'écoute pour ses paroles ou pour son visage et sa prestance, après tout, on l'écoutait. Et c'était ce qui rendait Arsène confiant en ce poste et en cette fonction. Nul ne remettait en cause ses capacités ou ses connaissances et, jusqu'ici, il n'avait rencontré aucun problème en donnant cours.

Il y avait d'autres avantages encore à travailler dans l'enseignement. Les horaires étaient assez larges, malgré tout, et Lupin aimait cette flexibilité qui lui évitait toute monotonie. Le matin, il se levait tôt, faisait un peu de course de fond, puis rentrait, se douchait, prenait son petit-déjeuner et partait pour être à 8h30 à l'université. Là, il pouvait lire, déambuler, mener des recherches... puis il allait donner cours ou se rendait à la bibliothèque de la ville. Il passait aussi, de temps à autre, prendre un verre avec des amis ou admirer le calme de la plage... En deux mots, il profitait.

Bien évidemment, les cambriolages n'étaient pas légion pour le moment, mais Arsène comptait bien se rattraper. Il n'avait pas remarqué de grande activité au niveau des hommes de loi ou des forces de l'ordre, par ici. Et la présence à ses côtés d'une Irène Adler en pleine forme était très prometteuse. Elle serait tout à fait capable de trouver quelque client intéressé par l'admirable toile de Picasso qui disparaîtrait bientôt.

Le sourire aux lèvres, l'homme établissait une fois de plus le plan de déroulement de son projet, tout en rangeant ses affaires dans sa mallette. Il était toujours souriant lorsqu'il donnait cours et cela continuait par la suite, lorsqu'il rangeait et qu'il laissait son esprit vagabonder un peu. Ce serait pour bientôt. Très bientôt...
Fermant sa mallette, le gentleman-cambrioleur quitta son bureau pour prendre sa veste et son chapeau. Il devait passer par la salle des professeurs, puisqu'une étudiante y avait fait déposer un travail pour le cours de Lettres. Un petit détour qui n'avait rien de dérangeant. L'homme avait d'ailleurs accueilli la nouvelle avec un sourire et un ton chaleureux.

Le professeur "Paul Sernine", puisque c'était ainsi qu'on le connaissait ici, avait son casier dans la salle du premier étage, comme la majorité des professeurs de ces bâtiments-ci. Avançant à grandes enjambées, le Français traversa les couloirs, saluant au passage l'un ou l'autre visage connu, et emprunta les escaliers pour rejoindre la salle des professeurs.
Ouvrant la porte, Arsène fut surpris de trouver là quelqu'un qui, assis dans l'un des fauteuils, lisait le journal sans avoir l'air de comprendre ce qui y était raconté. Cordial, Lupin lui adressa un mouvement de tête accompagné d'un "Bonjour..." et il se dirigea vers les casiers après avoir posé sur la table sa mallette de cuir.

Dans le casier portant l'étiquette "Paul Sernine", Arsène trouva le travail qu'il cherchait. Une dizaine de pages consacrées à Rabelais. Il allait voir cela. Il referma son casier à clef, ôta son chapeau qu'il posa à côté de sa mallette, sa veste qui rejoignit le dossier d'une chaise, puis alla dans la petite pièce adjacente pour se préparer une tasse de café... et passa la tête par la porte :

"Je vais me faire un café... vous désirez quelque chose? Je vois que vous avez utilisé le distributeur... mauvaise idée. Mais vous êtes sans doute devenu des nôtres tout récemment, non? Venez voir, tout le meilleur est par ici."

Il ouvrit les armoires une à une, pour montrer à ce nouvel arrivant tout ce qu'il y avait à voir ici et pour lui éviter d'avoir à avaler des breuvages insipides et un peu dégoûtants, parfois.
Lupin avait pour habitude de crocheter les serrures des casiers personnels de certains membres du personnel, selon ce qu'il désirait grignoter ou boire. Un sachet de thé de Severus Snape et un petit gâteau de John Watson, le plus souvent. Mais pas question de montrer cela à un nouveau.

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L’article en question devait probablement parler de politique. Magouilles et compagnie, comme d’habitude. Mais Six n’avait pas la tête à cela. Il avait trop longtemps traîné ses guêtres dans les embrouilles pour avoir envie ne serait ce que de lire celles de personnes qu’il ne connaissait pas, et encore moins celles des gens qu’il avait pu avoir l’occasion de croiser par le passé.
Au moment où il trempottait ses lèvres dans ce qu’il pensait être un agréable thé bien chaud mais qui se révéla être une sorte de jus de chaussettes tiède, un homme passa la porte de la salle où il se trouvait.
Elégant, sur de lui, poli. Un enseignant visiblement, puisqu’il farfouillait dans ce qui devait être son casier.

« Bonjour »

Répondit Six en se décidant à fermer son journal pour en abandonner la lecture. A ce moment, le nouveau venu qui venait de disparaître dans la salle adjacente repassa sa tête par la porte pour lui lancer l’invitation d’on Six n’aurait pas pu rêver. Une boisson ne serais ce que buvable laverait à merveille ses papilles après ce qu’il venait de boire.

« Si vous vous faîtes du café, j’en prendrais bien un également, c’est très aimable à vous. »

Ceci dit, Six se leva pour aller rejoindre le professeur inconnu. Un français peut être ? L’accent était discret et il ne l’aurait pas juré, mais son habitude d’entendre des personnes venus de tous les pays du globe avait développé son instinct en la matière.

« Je suis effectivement nouveau et je me suis tout aussi effectivement fais piéger par le distributeur. Pourquoi personne ne l’enlève-t-il ? C’est un piège cadi-mortel pour les intrus ?

Au fait, je suis Six… »

Peut être lui faudrait il réfléchir à un nom présentable pour aller avec… Un nom en N, qui correspondrait aux initiales qu’il avait finit par adopter.

«... Norman Six, le nouveau professeur de psychologie. C’est ma première ici, mais je vois que vous connaissez effectivement les endroits indispensable ici… »

La première chose que Six s’était acheté en arrivant ici était une machine à café et la seconde une théière. La troisième était certes une bonne bouteille de whisky, mais cela ne venait qu’après bien entendu. Le genre de remontant indispensable après toute bonne journée, que le labeur ai été dur ou non.
La provenance de son collègue intriguait toutefois toujours Six qui se décida à engager la conversation sur ce sujet ci. C’en était un comme un autre après tout.

« Puis je me permettre de vous demander d’où vous venez ?»

La question était peut être directe, mais le sourire aimable de Six montrait parfaitement que sa curiosité n'était absolument pas mal intentionnée, un simple intérêt désintéressée si l'on pouvait user d'une telle expression.

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S’il était assez rare qu’Arsène passât par cette fameuse salle des professeurs après ses heures de cours, c’était surtout parce qu’il avait appris qu’un certain John Watson donnait cours ici également. Et malgré son habile déguisement et son pseudonyme, Lupin se devait d’être méfiant pour préserver son anonymat.
Et voilà que, pour une fois qu’il y passait, il y croisait un homme, un tout nouveau professeur.

L’idée n’avait rien d’extraordinaire, bien sûr, mais Arsène était quelqu’un de foncièrement sympathique. Il se faisait toujours un devoir de rendre la vie de ses semblables plus agréable, que ce soit en étant lui-même serviable et cordial ou en allégeant leurs vies de quelques fardeaux dorés ou argentés un peu trop visibles et un peu trop tentants. Le regard d’expert du Français avait vite fait le tour pour le nouveau venu : ni bague, ni chevalière. Si cet homme portait l’un ou l’autre objet de valeur sur lui, ce ne pouvait être qu’une montre ou une chaine discrète.

Dans la petite cuisine réservée aux enseignants, le gentleman-cambrioleur prit le café dessert dans une armoire et en versa quelques cuillerées dans le percolateur électrique. Il avait rapidement appris à s’en servir, de cette machine, ce n’était pas bien difficile : on mettait les ingrédients et on appuyait sur un bouton. Facile. Il ajouta de l’eau, une quantité suffisante pour faire quatre tasses de café qu’il jugeait parfait, ni trop fort, ni au goût de jus de chaussettes.

"A cette heure-ci, je pense qu’il vaut mieux miser sur un café convivial plutôt que sur une dose capable de nous réveiller pour aller donner cours, n’est-ce pas ?"

Il sourit. L’homme l’avait rejoint dans la kitchenette. Il aborda le sujet du distributeur, ce qui ne fit qu’agrandir le sourire du Français.

"A vrai dire, j’ignore qui prend ce genre d’initiatives… mais ce distributeur n’est pas la pire des machines que nous avons à notre disposition… Vous verrez, la photocopieuse du troisième étage… Un poème à elle seule !"

La technologie au service de la communauté professorale… Heureusement qu’elle était là, mais parfois, cela laissait planer doutes et questions tout de même.
Le nouvel enseignant se présenta. Normal Six. Arsène lui tendit une main en un geste qu’il voulait amical.

"Enchanté de faire votre connaissance, monsieur Six. Je suis Paul Sernine, professeur de Lettres…"

Et dire qu’au début il était censé enseigner le droit !
Le café commençait à couler dans le pot gradué. Arsène aimait regarder le liquide s'y écouler, goutte à goutte, emplissant peu à peu la pièce de cet arôme caractéristique et intense. Mais lorsqu'il était accompagné, il était évident qu'il ne se permettait pas de se pencher trop longtemps au-dessus de la machine pour respirer cette odeur.

"Je suis français, né à Paris, devenu un homme en Normandie. Ce n'est un secret pour personne et je crois même que mes étudiantes rient de mon léger accent."

La machine à café, une fois lancée, donnait toujours l'impression d'accélérer. Il suffisait d'un peu de patience pour que l'eau soit chauffée et puis elle coulait dans le filtre, s'imprégnant de l'arôme, du parfum et du goût, de la poudre couleur de terre ensoleillée qui était là à cet effet.

"Vous enseignez la psychologie, alors? N'est-ce pas là un domaine bien obscur pour ces jeunes gens?"

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Six sentit bien que son nouvel interlocuteur le détaillait discrètement du regard. Il cherchait probablement à se faire une idée du personnage. La chose était humaine et d’ailleurs, n’avait il pas fait la même chose ? Pas besoin d’être un traître villageois ou un prisonnier évadé pour faire ce genre de chose ! De plus, l’inconnu avait déjà détourné les yeux pour les fourrer dans un placard.

«　Ecoutez, du moment que votre café est buvable et moins toxique que celui du distributeur, cela m’ira parfaitement.»

Cet homme courtois au possible lui proposait déjà de lui faire partager son café, il n’allait pas en plus pinailler, surtout que ce dernier avait raison, il était plus sage de ne pas ingurgiter à cette heure des doses de caféines à vous tenir éveiller toute la nuit.
L’idée d’une photocopieuse plus dangereuse encore que le distributeur donna presque froid dans le dos de Six. Mon dieu, la technologie moderne ne servait pas à torturer les gens que dans les laboratoires de médecine et de psychologie ! Six s’était toujours méfié et écarté des photocopieuses. Cette mise en garde de son collègue ne faisait qu’accroître son sentiment de défiance.

«　Je crois que vous ne risquez pas vraiment de me trouver prêt de ces bestioles là. Je les fuis comme la peste. Dommage que l’on ne m’ait pas mis en garde avant pour le distributeur. J’ai eu l’habitude du café maison et j’avoue que je ne me méfiais pas. Cela m’apprendra !"

Plaisanta Six en serrant la main du dénommé Paul Sernine. Un professeur de lettre, voilà qui plaisait à Six. La littérature n’a cessé d’ouvrir et d’éclairer les esprits depuis des siècles aux plaisirs de la science et de la culture. Une noble discipline que d’enseigner les Lettres.
Et un parisien qui plus est ! Six avait bien sentit l’accent. Une habitude villageoise qui pouvait se montrer utile. Au moins une…

«　J’imagine que pour les petites anglaises, l’accent français et simplement tout aussi séduisant que pour vous leur accent lorsqu’elles vous parlent français. J’avoue avoir moi-même connu une française par le passé, et son accent était à tomber. Vous avez là une arme de séduction mon cher, profitez en ! Je crois que mon propre accent ne me rendrait que ridicule malheureusement…»

Enfin le café était prêt. Presque. Six allait bientôt pouvoir se rincer la bouche de l’horrible goût qui y subsistait.

«　Les auteurs des grands classiques s’y sont bien souvent plongés et de manière parfois bien plus obscur que s’ils donnaient un cours dessus. Pour ma part, je m’en tiens à la psychologie sociale, la psychologie des foules, ce genre de chose. J’enseignerai peut être la psychopathologie plus tard, mais je préfère m’en tenir à cela pour le moment… L’avenir nous dira ce qu’il adviendra par la suite.
Cela fait longtemps que vous enseigner ici ? Vous ne vous plaisiez pas en France pour venir enseigner chez nous ? Ou s’agit il d’une simple envie de changement ? N’y voyez là aucune curiosité mal placé surtout, je suis peut être indiscret…　»

Ce n’était pas le but de Six. Pour une fois qu’il dégotait quelqu’un de sympathique - la cantatrice mis à part - il ne tenait pas à se fâcher avec lui pour une simple question déplacée !

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A vrai dire, cette affaire de distributeur, ce n’était pas vraiment un sujet de conversation des plus attrayants aux yeux d’Arsène. Il avait essayé de s’y approvisionner lors de son arrivée ici et le résultat l’avait laissé sans voix. Heureusement pour tous les professeurs, la petite cuisine offrait tous les services nécessaires au bon fonctionnement de l’équipe professorale. Lupin haussa légèrement les épaules en réponse au commentaire de son collègue et continua sa tâche : outre le fait de devoir mettre les ingrédients dans la machine, il fallait préparer les tasses, le lait, le sucre et les petits biscuits, car, n’ayant aucune idée de ce qui plaisait à son interlocuteur, le Français avait bien l’intention de faire en sorte d’offrir à ce Mr Six un café digne de ce nom, ne serait-ce que pour lui faire oublier que son premier essai, avec le distributeur, avait été un lamentable échec.

"Vous comprenez sans doute alors pourquoi les étudiants prennent énormément de notes. Quant au café maison… il est vrai qu’il possède bien plus de saveur que celui qui se fait avec ces machines-ci, mais la cafetière italienne disparaît souvent ici…"

La cafetière italienne avait le don de disparaître lorsqu’on la cherchait. Il y avait sans doute un professeur qui avait décidé de se l’approprier… pourtant, elle revenait de temps à autre. C’était assez bizarre, mais pas suffisamment pour faire intervenir une enquête, à quelque niveau que ce soit.

Et l’homme continuait sur le sujet des demoiselles. Oh, Arsène, évidemment, avait déjà pensé à tout cela, il savait aussi très bien que son style ne laissait pas indifférentes les étudiantes, certaines d’entre elles, en tout cas. Cela dit, la manière qu’avait ce Norman d’en parler laissait à Lupin comme une impression étrange.

"Parbleu, Monsieur, vous me flattez… mais je ne connais guère assez les "petites Anglaises" pour pouvoir appuyer vos paroles... Mais vous qui êtes doté de l’accent britannique ne devriez pas oser tenir de tels propos. Les jeunes Américaines aiment la Grande-Bretagne, vous savez, qu'elles soient d'ici ou d'un autre état. Votre accent est un atout tout autant que le mien."

Le café qui passait dans le récipient de verre commençait à diffuser un parfum de bon café, arabica et moka, le préféré d'Arsène. Après encore une ou deux minutes, il put prendre le pot de la cafetière et verser le liquide sombre dans les deux tasses qu'il avait sorties d'un placard, une verte et une orangée, dans des tons pâles assez agréables à regarder.Lupin les posa sur la tablette à côté de la cafetière et prépara le lait et le sucre, pour laisser son collègue choisir ce qu'il préférait tandis que lui répondait à ses propos.

"Il y a un peu plus d'un an que je vis ici... et tout autant que je travaille dans cette université. J'ai fini par m'adapter et me plaire dans le New Jersey, même si c'est très différent de ce que j'ai connu auparavant.
C'est un désir de changement qui m'a poussé jusqu'ici. Après une envie de voyager, vient un moment où on cherche à se poser un peu tout de même...
Mais dites-moi, qu'en est-il pour vous? Avez-vous toujours enseigné?"

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Que les gens pouvaient avoir des idées étranges parfois. Pourquoi diable kidnapper une pauvre cafetière sans défense, sachant qu'on en trouvait pour trois fois rien dans la plupart des magasins et que la personne qui faisait cela la laissait parfois traîner... Ah, les mystères de la nature humaine ! Ce n'était certes pas pour élucider ce genre de mystère que Six s'était lancé dans la psychologie, mais les petites bizareries de ses confrères humains l'étonnaient toujours.
En tout cas, visiblement, son interlocuteur était aux petit soin pour lui et était en train de lui sortir tout ce qu'il fallait pour accompagner un bon café. Six appréciait cette attitude bienveillante. Un agréable signe de bienvenu, même si les deux hommes ne se connaissaient pas, preuve que tous ne sont pas associables et misanthropes !
Ce que l'enseignant prit pour de la flatterie de la part de Six n'était en réalité qu'une simple remarque. Pas de quoi le prendre pour un hypocrite !

"Oh, croyez moi, les anglaises adorent l'accent français, je vous le garantis, quelque soit leur âge. Le charme d'un exotisme à porté de main probablement. Mais il est vrai qu'en Amérique, j'ai toujours pu constater que les femmes me regardaient différemment des anglaises."

Le fait que les anglais aient la réputation d'être polis, bien élevés et respectueux des rules leur semblaient peut être une provocation, un appel à Dieu sait quoi. Comme si leur bonne éducation était une barrière qui hurlait aux américaines -et à certaines françaises- qu'elles désiraient être sautées -sans mauvais jeu de mot cela va de soi. Après tout, ne dit on pas que l'on souhaite toujours ce que l'on ne peut pas avoir ?

"Cela dit, j'avoue que mon accent passe plus aisément inaperçu et qu'avec quelques efforts, j'arrive assez facilement à prendre l'accent de l'endroit où je me trouve. L'expérience m'a montré bien des fois que cela pouvait servir."

Lorsque l'on parle de la même manière qu'un groupe, pour peu que l'on n'exagère pas trop les traits, celui ci vous prend plus aisément pour l'un des siens et vous êtes bien plus rapidement accepté, intégré. Les règles de bases de la vie du voyageur !
Mais Sernine devait probablement le savoir puisqu'apparemment, lui aussi avait pas mal voyagé.

"La vie de voyageur, je connais. J'ai pas mal bougé ces derniers temps aussi. Je viens de Londres, où j'ai passé beaucoup de temps, mais de nombreuses obligations m'ont contraint de voyager un peu partout. C'est vrai que cela fait du bien de se poser, sur ce point, je ne pourrais pas vous contredire. Vous bougiez pour votre travail ou pas simple volonté personnelle ? "

Ah, la question du passé professionnel. Délicat. Il s'agissait à présent de contrôler le son de sa voix, son regard - un menteur regarde généralement son interlocuteur dans les yeux, mais cela les gens l'ignorent généralement - et surtout, surtout, ses propos.

"Il s'agit de ma première année d'enseignement. Un métier qui me promet de belles expériences, je le sens. Même si je suis encore un peu tendu. Enfin, il n'y a pas encore foule à mes cours alors cela me permet de me rôder et de passer plus de temps avec chacun."

Et chacune, auraient pu rajouter certains. Mais Six n'en était pas là et il n'y tenait absolument pas. Mieux valait ne pas recevoir la réputation de casanova ou de quoi que ce soit d'autre dès sa première année !

"Au début, l'idée m'est venu parce que je voulais poursuivre des travaux de psychologie. Je me suis dis que cela me permettrait de financer mes recherches et d'apporter ce que j'avais aux autres, et au final, j'y prend bien plus de goût que je n'imaginais. Une bonne surprise en somme. Encourageant lorsque l'on souhaite se construire une petite vie calme et sereine !"

Et puis cela permettait à Six, en plus d'avoir une paye, de pouvoir rencontrer du monde, de se sociabiliser... Quoi qu'il n'ai pas rencontré grand monde jusqu'à présent dans les locaux.

"Au fait, vous devez commencer à connaître pas mal de monde ici, des conseils sur les personnes à éviter ? J'aimerai éviter de commettre une autre erreure comme celle de mon expérience avec le distributeur. Pas de personne psychologiquement dérangées dans les parages ?"

Bien sur, la demande était faite sur le ton de l'humour, mais après tout, on ne savait jamais ! Les facultés comme bien d'autres endroit regorgeaient de détraqué(e)s qu'il valait toujours mieux éviter, alors s'il y en avait un et que Sernine pouvait le mettre en garde... Bien sur, Six se ferait par lui même sa propre idée du spécimen, mais au moins, il serait prévenu !

» S'ouvrir aux autres. une bonne chose ? [avec J.K]