Rencontre mentale [PV James Watson]

Un autre jour, et un autre, et un autre. Il avançait. Dans sa vie comme sur ce plancher du bâtiment 109. Évidemment la stagnation le menaçait toujours, mais il essayait plusieurs façons. Des énigmes trouvées sur Internet, fouiller dans la vie privée de Watson, surveillé de très près ses voisins, ceux logeant plus haut ou plus bas. Il essayait, c'est bien le mot, car des détectives comme Holmes, il n'y en avait pas. Pourquoi ? Parce que son intelligence, son sens de la déduction et sa peur de la stagnation aurait depuis longtemps changé un être humain normal en un fou furieux. Ce qu'il était, d'une certaine façon. Pourtant, il vivait avec son propre handicap depuis longtemps et réussissait pour le moment à y survivre. Si une enquête pointait pas bientôt le bout de son nez, il craignait s'éteindre en un état végétatif inquiétant.

Quoiqu'il s'agissait peut-être de la meilleure façon pour lui de faire en sorte que son ancien médecin et ami fasse plus attention à sa personne. Toujours égoïste certes. Depuis Mary...bref.

Aujourd'hui, il avait décidé très tôt que se promener dans les couloirs du 109 serait une très bonne idée. Il connaissait exactement par coeur tous les tournants, toutes les tapisseries, tous les tapis. Il savait que dans ce coin le tapis n'était pas correctement placé et montait légèrement sur la moulure inférieure, il savait que la prochaine intersection le mènerait soit à droite, soit à gauche, mais que s'il allait tout droit, il serait dans l'obligation de descendre ou monter. Il savait quels numéros se trouvaient à gauche, lesquels à droite. Il aurait même pu faire se chemin les yeux bandés.

Décidé à découvrir le seul étage qu'il n'avait pas visité, Holmes monta jusqu'au dernier étage. Paresseux, il n'avait jamais réellement voulu y aller, mais puisque chaque recoin du 109 était enregistré dans son cerveau déjà bien occupé. Désormais, s'il voulait continuer de s'occuper, mieux valait qu'il fasse fi des escaliers à monter et qu'il monte au final. Ce faisant, peut-être allait-il pouvoir concentré sa tête pour au moins...une heure ? Deux heures maximum. Encore là, il était plutôt optimiste. Il pouvait aussi ne prendre qu'une demi-heure...ce qui rendait le pronostique plus négatif.

À la moitié des escaliers, donc environ au cinquième étage, il souffla légèrement. Il allait devoir reprendre la forme. Évidemment, l'alcool n'aidait pas, il allait devoir trouver mieux. Réellement mieux. Soufflant et se forçant à continuer, il monta les trois derniers étages le plus rapidement possible et s'arrêta au huitième, une main sur le coeur. Soit il se faisait vieux, soit la forme n'allait plus très bien. S'inscrire à un gymnase de combat ? Trop de monde, trop de détails. Se faire une salle d'entraînement dans l'appartement ? Étant tout seul ce pourrait être bénéfique. Oui, il allait faire en sorte de redevenir Sherlock Holmes. Le vrai. Le seul. L'unique.

Alors qu'il était dans ses propres réflexions, pour une des premières fois de sa vie, il manqua un détail et heurta brutalement une surface...molle ? Dure ? Bref, le choc le propulsa vers l'arrière légèrement mais il resta bien campé sur ses jambes, se réveillant de ses pensées plutôt brusquement. Il cilla, puis posa le regard sur ce qu'il avait heurté. Il fut surpris de voir un homme.

Fut la seule réflexion intelligente qu'il trouva à dire.

La machine qui lâche, la panique qui prend et le rideau tombe. James Watson était mort. Pourtant, aussi étrange que ça pouvait paraître, il fut amené au 109 rue du septième art par un autre homme, grand, encapuchonné et vêtu d'un manteau long totalement noir. Cet homme ne lança un rien à rien ni personne, entra dans la résidence et déposa James dans un lit au huitième étage. Sans dire un mot, sans même tenter de le réveiller, il le déposa dans un lits d'une des chambres, puis disparut sans laisser une seule trace de son passage. James resta quelques jours ainsi, couché dans la chambre, sans démontrer aucun signe de vie. La quatrième jour après son arrivée, l'homme s'éveilla lentement, ouvrant les yeux péniblement, cillant pour tenter d'habituer ses yeux à la lumière. Si en fait cette lumière se révélait être de peu d'importance, elle ne faisait pas moins mal. Il regarda autour de lui, sans rien reconnaître, aucun détail, de cette pièce, de ce lit, de ces odeurs.

La panique s'insinua brutalement en lui et il se redressa brusquement, provoquant une certaine douleur au dos ainsi qu'un bloque dans ses jambes. Baissant le regard, il vit enfin l'exosquelette qui lui permettait de bouger ses membres inférieurs, puis la mémoire lui revint. Il se revit dans le labyrinthe glisser le long d'une colonne, la machine lâchant complètement et les 160 dernières années lui revenant au visage. Il avait longuement regardé ses amis autour de lui qui le regardaient, tous inquiets pour l'avenir. Le groupuscule se désagrégeait petit à petit. Il ne voulait pas mourir, mais sentait que le moment arrivait lentement. Il présenta son au revoir à Helen, suggéra à Will d'être plus prudent, puis son souvenir s'arrêtait là. Il palpa son torse et fut mi soulagé mi amer de sentir la machine sous ses doigts. Ainsi avait-il eu une deuxième chance et c'était ce qui le soulageait, mais le fait de devoir à nouveau traîner ce fardeau qu'était cette technologie, ça lui fendait le coeur. Peut-être aurait-il été préférable qu'il reste mort. Ainsi la difficulté aurait été moindre, ainsi il n'aurait pas à porter un regard honteux à sa faiblesse. Lui qui ne pouvait se défendre comme tout homme le ferait. Lui dont la force physique n'était guère plus celle d'un adolescent. Il sentait son esprit aussi grand, aussi intelligent et aussi observateur qu'avant. Tous les détails de la chambre dans laquelle il se trouvait avait déjà été enregistrés dans sa tête. Ainsi le sang source coulait encore dans ses veines. Rien n'avait changé. Rien du tout. À part peut-être le fait qu'il était seul et qu'il ignorait totalement où il pouvait bien se trouver.

Se redressa avec prudence, il bougea ses jambes, satisfait de constater que l'exosquelette fonctionnait parfaitement. Il posa le pied sur le plancher. Certes le fait qu'il puisse bouger était une excellente nouvelle, mais il devait avant tout savoir s'il pouvait encore marcher. Pesant de tout son poids contre sa jambe, tout en restant assis, James constata que ses jambes et leur soutient semblaient se porter extrêmement bien. Encouragé par ce fait, il se redressa complètement, chancelant au premier abord, appuyant sa main sur un meuble afin d'éviter une chute qui aurait été désagréable. Prudent, il se déplaça dans la chambre, puis dans l'appartement, mais décida bien vite de sortir. Premièrement parce qu'il ne savait pas où il était, deuxièmement parce que l'appartement contenait deux chambres. Donc, une autre personne ou deux personnes vivaient déjà ici. Pas la peine d'être surpris en train de rôdé alors qu'il s'était réveillé là sans savoir sa localisation. Le couloir était ordinaire. Il remarqua un défaut de pente dans le plancher, mais rien de bien alarmant. Personne, sauf lui, ne s'en rendrait compte, alors de là à s'en préoccuper. Il continua sa route. Les chiffres sur les portes lui apprirent qu'il devait être au huitième étage d'un hôtel ou même d'une résidence. La propreté de l'endroit l'incitait plus à un hôtel, mais peut-être n'était-ce que les préjugés qui lui faisaient penser qu'une résidence n'avait guère d'hygiène. Il allait continuer son analyse lorsqu'un choc le jeta sur le sol. Sonné et légèrement inquiet pour ses jambes, il releva la tête. Devant lui, un homme. Habillé, un peu comme lui, à la victorienne, dépenaillé, négligé. À voir son regard qui semblait revenir lentement à la réalité, l'homme ne l'avait sûrement pas vu, trop pris qu'il était par ses propres réflexions. À ses habits bien mis, il reconnut là au moins un léger ton de gentleman. Peut-être pas aristocrate, mais pas miséreux non plus.

Voyant que son interlocuteur ne savait que dire 'Hum' et qu'il ne l'aiderait très certainement pas, James fit un effort considérablement pour se remettre sur pied, grinçant des dents, blessé dans sa fierté. Il resta tout du moins impassible.

"Pardon."

Pourquoi était-ce lui qui s'excusait ? Parce que d'une certaine manière, il était aussi responsable que l'autre de cet incident. Bien qu'il doutait, au vu de la brutalité du choc, qu'il aurait eu le temps de l'éviter, même en regardant droit devant lui.

Il avait en face de lui un fin observateur. Pas un amateur. À la façon dont son regard le détaillait, il pouvait reconnaître que leurs talents s'équivalaient. Non ! Impossible. Son talent ne pouvait être égalé. Surtout pas par un homme qui, à ce qu'il voyait, peinait à tenir debout. Un coup d'oeil à son interlocuteur et il devina que ce dernier était infirme. Le soutient qu'il y avait contre ses jambes ne pouvaient être qu'un exosquelette. Il en avait vu des prototypes à son époque, mais n'avait jamais réellement cru à son progrès ou à sa longévité d'existence. Pourtant, à voir l'autre se relever, ça marchait à merveilles.

Autre détail, cet homme portait des vêtements datant de sa propre époque. Un peu avant, mais pas loin. Le style londonien ou victorien se reconnaissait de très loin. Certes, l'homme devant lui était beaucoup mieux habillé que lui, était propre, bien coiffé. Un aristocrate, un docteur. Il n'avait aucun doutes là-dessus. En le heurtant, il avait sentit contre lui quelque chose de dur. Il ne savait la provenance de cette dureté, mais savait parfaitement que ce ne pouvait être son torse. À voir sa faiblesse et à voir la minime étincelle de honte qui avait traverser son regard, il ne devait guère avoir plus de muscles que nécessaire, donc aucune chance que son ventre soit aussi compact. De plus, s'il se souvenait bien, il s'agissait d'une matière quasiment carré. Depuis quand un buste est-il carré ? Même chez l'homme.

Il ne se sentait pas à l'aise. L'impression de se voir dans un miroir était forte. Il voyait les mêmes tics d'observation chez l'autre que ceux qu'il savait lui-même avoir lorsque son regard perçait les défenses de ses vis-à-vis. Qui était-il ? Certes il pouvait juger de bien des choses, mais son identité lui restait inconnue. Il n'y avait rien autour de lui qui disait son nom et son prénom.

'Pardon.'

De quoi s'excusait-il ? Ah oui...de la collision. Holmes se savait à proprement parlé responsable de cela. Il s'était perdu dans ses pensées. Ce n'était pas rare, ce qui l'était plus, c'était le manque de discernement qu'il avait eu. Jamais il n'était auparavant entré en collision avec quelqu'un. Encore moins lorsqu'il réfléchissait.

Un peu de politesse. Il était certain que Watson serait d'accord avec ce fait.

Holmes voulait reprendre sa route, mais son esprit d'analyste restait centré sur ce nouvel arrivant. Il ne le connaissait pas, mais ses yeux avait déjà tant deviné. Pourtant, il ne pouvait s'empêcher d'être intrigué. Qui était-il ? Que faisait-il ici ? D'où venait-il ? Il entendait bien des choses depuis son arrivée au 109 et d'après ce qu'il avait pu conclure, cette résidence était celle de la dernière chance. Du moins c'était ainsi qu'il l'avait interprété puisque toutes les personnes présentes semblaient revenir soit à la vie, soit d'une vie sombre.

Il allait perdre patience. Un voile semblait lui caché ce qu'il voulait découvrir. Pourtant il voulait – et allait – tout connaître de cet homme. Fallait-il le suivre partout. Il n'acceptait pas qu'un autre que lui puisse lire avec autant de facilité les gens. Ça le frustrait. Beaucoup.

Il allait bien voir maintenant ce que sa théorie valait. Il se fichait complètement de ce que pourrait bien penser son interlocuteur. Il était décidé à lui faire passer un test personnel afin de comprendre ce qu'il ne pouvait comprendre et afin de voir ce qui lui était caché.

Il devina bien rapidement à qui il avait affaire et cette conclusion le mitigea et le figea. Il s'agissait de quelque chose de tout bonnement impossible. Impensable. Improbable. Pourtant, plus il le regardait, plus il devait se rendre à l'évidence: cette façon de l'observer, cette façon de l'analyser, les conclusions qu'il voyait luire dans ses yeux, cet air haut en arrogance et en déni. Pourtant...pourtant...il s'agissait d'une fiction. Ce personnage ne pouvait existé, si ce n'était en lui-même, l'homme qui avait tant inspiré Sir Arthur Conan Doyle pour son personnage principal. Il recula d'un pas, chancelant. Venant à peine de se réveiller, faible et désorienté, voilà qu'il tombait sur Sherlock Holmes, personnage tant apprécié de la littérature de Doyle. Justement, il s'agissait de littérature. De simple littérature. Il ne pouvait être vrai que l'homme ne se matérialise dans le monde réel. Si seulement ce monde était le rée. Peut-être se trouvait-il dans le coma, à deux lieues de la mort alors qu'Helen insistait et tentait de le garder en vie. Peut-être cet homme ressemblait-il seulement à Holmes mais qu'il ne l'était pas et que cette conclusion lui avait sauté au visage avec l'insolence de sa convalescence. Il était donc possible qu'il délire. Il l'espérait bien, il n'y avait aucune autre explication, car même un acteur se méritant un oscar ne pourrait jouer avec tant de perfection tous les gestes, tics, manies et agacement que le créateur avait donné à son personnage. Il reconnaissait même ses propres traits d'ironie alors qu'il se moquait ouvertement du roi, devant son Premier Ministre à l'époque où les Cinq étaient tous encore en vie. Un miroir. Un impossible miroir. Il en tremblerait peut-être si son maintient d'homme victorien ne l'empêchait pas de montrer ne serait-ce qu'un signe de faiblesse.

L'homme s'excusa à son tour et cet air lointain ainsi que cette indifférence marquée le frappèrent à nouveau. Il ne pouvait y avoir de doute. À moins qu'un enfant particulièrement intelligent et particulièrement Doylien ne soit né dans ce siècle, il était impossible que ce soit quelqu'un d'autre. En même temps, s'il était réellement l'homme qu'il croyait qu'il était...décidément, son cerveau s'embrouillait. Peut-être aurait-il du rester dans l'appartement, au moins le temps de s'habituer à être de nouveau en vie. Il en aurait même manqué cette rencontre, ce qui au final aurait sans doute été mieux pour lui et sa santé mentale. La sensation et impression d'être fou n'étaient guère pour lui plaire et peut-être commençait-il mieux à comprendre toute la misère que la vie avait fait subir à John. Une ombre passa dans son regard, mais il se reprit rapidement. John...Helen... Est-ce qu'ils étaient dans son délire ? Allait-il les rencontrer au détour du chemin ? Lui qui avait tant l'impression de les avoir laisser tomber n'en ressentirait que d'avantage de culpabilité. Il espérait que le jeune Will avait compris et que tout était en train de s'arranger alors que lui vivant sa sénilité plus que jamais. Regardant son interlocuteur, il ne put s'empêcher de froncer les sourcils lorsqu'une question fusa de celui que James prenait pour Sherlock Holmes. Facile. Plus facile que ça il faudrait inventer le berceau.

"Sa formule brute s'écrit CO et sa formule semi-développée C=O ou –C≡O+."

Il espérait sa réponse assez développée pour ce monsieur. Il avait déjà compris dans quoi il s'embarquait. Un test, car il n'y avait guère pensé, mais cette rencontre devait tout autant être difficile pour Holmes qu'elle ne l'était pour lui. Ce n'était pas tous les jours que la vie nous mettait en face un homme avec des capacités aussi extraordinaires que les siennes. Même, dans le cas de James, plus extraordinaires que les siennes. James ne voulait ni se vanter, ni rien manquant de civilité, mais avec le Sang Source, il n'avait aucun doutes quant à qui possédait les meilleures capacités. Celles d'Holmes avaient été les siennes avant qu'il ne se soit injecté le sérum. Et à voir l'expression de Sherlock, il devina que ce dernier allait tout tenté pour prouver qu'il lui était inférieur. Il était prêt à relever le défi. Après tout, il s'agissait simplement d'un fantasme de son être qui se trouvait à deux pas entre la vie et la mort. Alors pourquoi ne pas répondre à une invitation à l'énigme lorsqu'il en avait l'occasion ? Il aimait cela. Le frisson de la découverte, la course contre la montre. Il n'était plus si jeune et l'action des enquêtes n'était plus pour lui, mais ça ne l'empêchait guère de regretter toutes ces années à courir derrière des fiacres, à résoudre une enquête difficile, à se jeter en bas des ponts afin d'échapper à des poursuivants un peu trop décidés. Il avait vécu tout cela et aimerait bien, ne serait-ce qu'un jour, pouvoir le revivre. Il ne s'agissait là en fait que désir de vieil homme, il en était particulièrement et amèrement conscient.

"Pourquoi ?"

La question était simple et méritait réponse. Quant à savoir s'il pouvait l'avoir, c'était une toute autre question. Il aurait pu passer son chemin, mais le choc de croire se retrouver devant un personnage de littérature ne lui permettait pas de quitter avant d'avoir mis fin à son délire ou son calvaire. Un peu comme ces personnes qui, devant un sphinx, n'avaient le passage qu'après avoir répondu correctement à quelques questions particulièrement difficiles.

Sherlock remarqua un changement dans le comportement de son vis-à-vis, comme si ce dernier venait d'arriver à une conclusion qui l'embêtait ou l'embarrassait, il ne pouvait en être sûr puisque l'homme semblait bien décidé à essayer de ne montrer aucune émotion. Il n'y arrivait qu'à moitié pour les talents du détective, mais c'était déjà trop pour ce dernier qui voyait d'un mauvais oeil cette nouvelle rencontre. Après tout, un homme qui arrivait à faire presque les mêmes observations que lui, c'était et rare, et agaçant. Il n'aimait pas cela. Pas qu'il était jaloux du talent de l'autre, non, il se savait supérieur, le problème était plutôt qu'il n'aimait pas se sentir observé.

'Sa formule brute s'écrit CO et sa formule semi-développée C=O ou –C≡O+.'

Il le regarda un moment. Certes, il commençait avec le facile, mais il trouverait bien quelque chose, une question, quelle qu'elle soit à laquelle son interlocuteur ne pourrait pas répondre. Sinon, son cerveau allait très certainement imploser. On ne remet pas Sherlock Holmes à sa place de manière aussi cruelle et injuste. Il n'était pas homme à se faire battre ni à accepter la défaite. Alors de là à bien accueillir un nouveau venu ainsi...hors de question.

Il aimait ce mot français. Beaucoup même. Il l'utilisait souvent. Plus par moquerie envers ses 'collègues' que par réelle félicitation. Il n'aimait pas les gens un tant soit peu doué. Ou bien rechignait à voir leur valeur. Quant à savoir réellement ce qu'il pensait de l'homme devant lui...

'Pourquoi ?'

Comme de fait, il ignora cette question qu'il savait justifié. Il n'avait guère à offrir une raison pour faire ce qu'il voulait. Que ce nouvel arrivant accepte. Haussant les épaules, il pencha la tête sur le côté, rajuste ses lunettes, puis reprit sa position initiale.

Pouvait-il savoir que cet homme était une connaissance de son vis-à-vis. Très certainement. Si ça avait été le cas, sans doutes aurait-il eu l'intelligence de ne pas en faire mention. Après tout, il offrait des questions faciles, mais pas à ce point. Il n'aurait tout simplement pas vu l'utilité d'une telle demande.

Il haussa un sourcil. Il ne comprenait pas réellement dans quel jeu voulait embarquer son interlocuteur. Évidemment, il comprenait qu'il s'agissait d'un test quelconque, peut-être pour mesurer ses habilités, mais il n'arrivait pas à savoir dans quel sens il utilisait ces tests et surtout pourquoi mesurer ses capacités ? À quoi cela lui servirait-il ? À se prouver qu'il était le meilleur ? Il allait être déçu. Très déçu. James avait un esprit incroyablement développé, trop parfois, ce qui rendu soit sa vie infernale, soit sa vie agréable. Il ne lui restait au final que très peu de choix. Ils avaient tenté lors de leur jeune de trouver un moyen pour dépasser les limites d'un simple être humain, ils avaient des idées de grandeur, des ambitions. Ils avaient soif de connaissances, de découvertes et d'aventures. Ils n'étaient après tout que de jeunes personnes comme tant d'autres, mais qui avait l'avantage d'avoir les moyens pour le faire. Ils avaient eu la chance de naître dans un environnement plutôt aisé et de plus, Gregory Magnus, le père d'Helen, pataugeait déjà dans la limite entre l'humanité et ce qu'il y avait bien au-delà. Le terme Phénomène s'était rapidement installé et leurs expériences n'avaient fait qu'augmenter en cours de route. Ils voulaient comprendre l'inconnu, ce qui était différent de leur pratique. Seule façon d'y arriver ? Travailler dans le risque et l'improbable. Ils étaient rapidement devenus doués dans le domaine où ils travaillaient. De plus, leur soif leur permettait de faire de grands pas en peu de temps et bientôt le sérum fut créé. Certes, ils avaient le frisson de l'aventure, mais si James avait su ce qui en découlerait...peut-être se l'aurait-il tout de même injecté. Hormis les trahisons, les souffrances, les morts et les pleurs, il y avait eu de beaux moments qu'il ne sacrifierait, ne remplacerait pour rien au monde. Le Sang Source était coupable de tant de choses...le fait qu'Holmes lui demande donc de nommé les inventions d'un de ses proches collaborateurs lui facilitait même la tâche. Après tout, il avait vieillit avec Tesla, avait assisté à sa dramatique transformation en vampire, avait vu son pouvoir électrique grandir, puis l'avait supporter jusqu'à l'usure. Cet homme était le plus exécrable jamais rencontré. Il était pire que John même d'un certain sens, ce qui était, selon James, tout un exploit. Lorsqu'il venait à haïr quelqu'un plus que son ancien meilleur ami, il y avait de quoi inscrire ce jour sur un calendrier, et ce, même s'ils s'étaient réconciliés.

"Commençons par le plus simple, Nikola Tesla est l'inventeur de la radio. Si vous voulez y aller plus en profondeur, vous devez prendre en note que cette société lui doit le moteur électrique asynchrone, l'aternateur polyphasé, le montage triphasé en étoile, la commutatrice et le transport de l'énergie électrique en courant alternatif. Il réalisa un générateur fournissant une fréquence de 15 kHz, le concept de l'un de ses lampes préconisa l'apparition des accélérateurs à particules et des microscopes électroniques, il est le père du concept de la télécommande, il a expérimenté les résonateurs d'énergie et pour finir a écrit sa théorie sur les armes à laser. Est-ce que cela vous convient ?"

Il le souhaitait, car raconter la vie de cet homme n'entrait pas dans ses priorités, surtout pour ce genre de futilités. Il se portait de bonne grâce au jeu de son vis-à-vis, mais ne prétendait pas le faire pour une bonne raison. Peut-être voulait-il simplement le faire taire sur sa supériorité, cette étincelle qui brillait dans son regard, qui hurlait la présence d'une tête enflée. Peut-être le 21e siècle avait-il déteint sur James, mais il devenait moins conciliant avec les gens voulant faire accroire qu'ils étaient les maîtres du monde. Quoique, pour les gens ordinaires, Sherlock Holmes devait réellement passer pour un maître dans l'art. Il devait ne pas oublier ce fait. Peu de personnes avaient l'esprit aussi développé que le leur et vivre avec ce fardeau n'était pas une mince affaire. Il ne le savait que trop bien. Évidemment, il n'était jamais allé jusqu'à ce vanter autant que lui de ses mérites, mais il n'avait pas toujours fait preuve d'humilité. La modestie n'avait pas été très longue à acquérir, mais tout de même. Il devait avouer que l'être humain n'était pas parfait. En fait, il devait accepter que l'être humain pouvait faire preuve d'une quelconque tare, ce n'était pas à mettre de côté.

"À quoi cela vous sert-il Holmes de me disséquer mentalement comme vous le feriez sans doutes physiquement d'une grenouille ?"

Il espérait soutirer une réaction de la part de l'autre homme. Après tout, ils ne s'étaient jamais présenté l'un à l'autre. Il s'agissait même d'une provocation. Légère bien entendu, il ne souhaitait commencer un combat, après tout, ses chances de survie restaient bien minces face à cet homme qui savait parfaitement se battre, merci à Doyle pour cet inconvénient. Il soupira un moment.

"Je ne suis rien de plus qu'un être humain et me sentir observé tel l'animal en cage n'est pas mon activité favorite."

Il avait de la patience, mais elle était tout aussi limitée que les capacités de son collègue.

Cet homme était...étrange. Réellement étrange. Pas simplement parce qu'il arrivait à résoudre ses énigmes, mais aussi parce qu'il répondait avec aisance et presque avec indifférence. Il ressemblait un peu à John dans ces cas-là, ce qui le désorientait plus que nécessaire. Il ne voulait pas savoir l'histoire de son interlocuteur, il voulait simplement savoir qui il était et pourquoi il ressentait une tel hâte à vouloir l'humilier ou le rabaisser. Évidemment, le fait qu'il semble si faible malgré ce mental si puissant l'aidait peut-être à son désir de supériorité, mais tout de même. De là à se laisser aller à de telles futilités et de tels jeux. Pourtant, ça ne semblait déplaire à son compagnon d'infortune.

Il l'intriguait. Beaucoup plus que ses moeurs ne le lui permettait. Il aurait aimé savoir tout sur l'identité de celui à qui il avait l'honneur – ou le déshonneur – de parler ainsi. Après tout, il y avait tant de possibilités, toutes plus improbables les unes que les autres. Il passa la main dans ses cheveux, impressionné sans le laisser paraître de la réponse fournie. Elle allait bien au-delà de celle qu'il avait préalablement demandé, mais ce n'était pas lui qui allait s'en plaindre. Il avait toujours aimé le concret et surtout le complet. Pour une fois il était servit, ce n'était guère comme Lestrade et Gregson qui l'avaient toujours plus désespéré qu'autre chose.

Il fronça les sourcils et cilla. Décidément, quelque chose clochait, comment cet homme savait-il son nom ? Rien autour de lui ne le disait et son appartement ce trouvait cinq étages plus bas

Il se reprit. Ce n'était en fait qu'une façon pour son interlocuteur de le faire réagir, il en était certain. Ça avait marché certes et il devait se l'avouer, au plus profond de lui-même, que c'était extrêmement perturbant. Devant lui, il se sentait sans doute comme devait se sentir toutes ces personnes qu'il agressaient à coup d'analyse et de conclusion. Ça allait de mieux en pi.

Il ne savait pas comment son vis-à-vis réagirait et en fait, il cherchait à le titiller, mais sentait aussi qu'il n'était pas très facile à faire bouger. Malheureusement pour lui d'ailleurs.

Il eu un sourire narquois.

Le jeu du chat et de la souris. Il connaissait. Natasha avait été un très bon professeur.

Il savait que ce pouvait durer longtemps, que l'autre n'était pas homme à se laisser faire non plus et que le combat mental pouvait durer longuement. Il en était conscient et en fait, ça ne faisait qu'attiser son désir de continuer. Ils étaient deux esprits, dans un long couloir, à se lancer, comme seule arme probante, des énigmes au visage.

Il croisa les bras.

Ils étaient ainsi deux à jouer la carte de la provocation, il aurait du s'en douter. Créé à partir de son propre caractère, Holmes et lui n'étaient guère faits pour se rencontrer. Il s'agissait même d'une catastrophe qu'il aurait souhaité évité, mais le destin jouait contre lui, si destin il y avait bien entendu. Ne croyant plus en Dieu depuis des lustres, il était difficile de croire au destin. S'il y avait une force qui contrôlait réellement de tout de là-haut, elle devait bien se marrer de ses déboires. Surtout pour lui faire rencontrer Holmes. À sa réaction il avait totalement deviné qu'il avait vu juste. L'homme semblait surpris qu'il le connaisse alors que le contraire n'était guère. Il le savait désorienté, perdu. Son propre jeu était pris avec un autre homme qui l'égalisait en talent, le surpassait même. Il comprenait sa réaction, savait parfaitement ce qu'il ressentait. Il s'agissait après tout d'une partie de lui-même et bien que ça lui fasse peur, il était ainsi beaucoup plus facile de voir et comprendre les émotions de son vis-à-vis. Personne mieux que lui-même ne pourrait deviner comment se sentait le fameux Sherlock Holmes, l'homme à qui aucun mystère ne résiste. Ce n'était pas parfaitement le cas aujourd'hui, mais James n'en doutait pas que le personnage devait être brillant. Quoique...à voir sa mine terne, il devinait que l'homme buvait, à voir son regard éteint, il devinait que l'homme risquait la stagnation. Un cerveau, un phénomène comme Holmes demandait de l'énigme. Et non l'immobilité comme en ce moment. Bien que James doutât que le cerveau de Sherlock n'eut rien à se mettre sous la dent. Lui-même était une énigme, à part entière.

"Invivable ? Vous m'étonnez."

Sarcasme, bien entendu. Il n'était pas assez sot pour croire une seule seconde que cet homme pouvait être d'un naturel agréable en collocation. Il espérait pour lui que personne ne partageait l'appartement avec lui, ou bien que ce soit Watson qui fut son colocataire. Pourtant, à voir l'état dans lequel Holmes était, il doutait que son fidèle compagnon soit au rendez-vous cette fois. Qu'avait-il bien pu se passer pour que le célèbre détective ne ressemble à une loque rampante à peine capable de tenir debout. Le contraste était frappant. Il se sentait presque jeune devant Sherlock alors que ce dernier était au moins deux fois plus jeune que lui. Triste affaire que cela. Il se demandait bien comment aurait réagit Arthur s'il avait su qu'un jour ses personnages prendraient vie. Sans doutes l'aurait-il traité de fou et il aurait eu raison. Ce ne pouvait qu'être un délire et si tel était le cas, qu'il se réveille au plus vite.

"La vie facile ? Mais que savez-vous d'une vie facile Holmes ?"

Rien du tout à n'en pas douter. Sinon il serait surpris. Il lui arrivait de se tromper de temps à autre, mais il connaissait l'auteur, connaissait l'histoire, connaissait le personnage et maintenant l'homme derrière le personnage. Il eu subitement le tournis, le vertige. Ça n'allait pas très bien, mais il pu cacher le malaise, préférant ne pas embarquer sur le terrain santé avec cet homme d'un autre âge. Il l'écouta et ne pu s'empêcher de rire brièvement. Cet homme était incroyable. Malheureusement, il avait raison et le défi ne pourrait, quant à lui, être relevé. Il n'acceptait pas d'être considéré comme un homme moindre. Sherlock n'était que son reflet, pas même une personne réelle. Alors qu'il ne vienne pas lui dire comment il devait penser ni qui d'entre les deux pouvait gagner ce combat. Il se savait vainqueur avant même de commencer. Cet homme allait très certainement subir le pire échec de son existence. Il l'aurait cherché.

"Quel honneur d'être votre proie."

Il eu un léger sourire moqueur et il croisa les bras. Décidément, peut-être cela allait-il s'annoncer beaucoup plus amusant que prévu. Se prendre la tête avec quelqu'un dès sa résurrection n'était peut-être pas le meilleur détail pour sa santé, mais il se disait qu'un petit challenge ne ferait aucun mal. Après tout, il devait se réchauffer. La mort devait avoir rouillé son sens de la déduction et rien de tel que ce genre de rencontre pour aiguiser les sens. Merci à Sherlock.

"C'est tout ce que vous avez...How pity."

Il fit le mouvement comme pour tourner un sablier invisible.

"Les lettres « H », « E » et « T » sont les plus mercantiles, voyez, lorsque vous les mettez côtes à côtes et que vous les prononcez rapidement, cela donne: « HET » ou plus clairement a-c-h-e-t-e-r, donc acheter. Le verbe d'acheter quelque chose avec de l'argent, vous suivez ? Ces lettres sont donc les plus mercantiles. Maintenant, quant aux plus définitives, surtout s'il faut ne changer qu'une lettre, c'est d'autant plus facile, il s'agit de « H », « E » et « V » bien entendu. Dites rapidement: « HEV » comme a-c-h-e-v-e-r donc le verbe achever. Cela vous suffit-il ?"

Il avait sur les lèvres un de ces petits sourires suffisants qui, il le savait, allait agacer Sherlock Holmes. Il le savait puisque ce genre de comportement l'agaçait aussi. Après tout il se tenait devant son alter ego. Le seul être au monde à peut-être lui faire légèrement peur du côté capacités mentales. Sinon, les Phénomènes les plus dociles faisaient naître beaucoup plus de crainte en lui que cet homme.

"Je vous renvoie la facilité. Les lettres les plus irritables et celles qui ont tendance à stagner, quelles sont-elles ? Voyez, si vous pouvez jouer, je le puis aussi. Refuser de jouer et votre légende ne sera plus que tapis où les gens pourront piétiner à leur guise. You choose."

» RPs de James Watson
» Balade mentale [PV Sherlock]
» Pourquoi James Watson ?