Carnet de bord de Severus Snape

Parchemin glissé entre les pages :

QG du Seigneur des Ténèbres,
3 juillet 1996

À l’attention du Ministre de la Magie en fonction,

Monsieur le Ministre,

Cette lettre n’est pas une lettre comme les autres. Je n’ai pas à faire de testament, mais je veux dire ce que j’ai à dire avant que ma vie ne finisse comme elle a commencé, dans l’ombre et l’incertitude.

Je sais que vous vous dites qu’il est bon de revenir à une saine orthodoxie et de mortifier un peu tous ceux qui ont perverti leur intelligence et dévoyé leur sensibilité à force d' "attirance" pour le salaud, que la morale de l'histoire, c'est qu'il faut cesser de plaindre Judas…
En cela, je ne pourrais vous contredire, Monsieur le Ministre. Mais permettez-moi au moins de vous donner ma version des faits. À l’heure où vous lirez ceci, je serais certainement mort et je ne voudrais pas que l’on garde de moi une image aussi noire que celle que l’on gardera du Seigneur des Ténèbres et des mangemorts.

Je ne vais pas vous faire l’affront de vous’expliquer de A à Z ce que vous risquez de ne pas comprendre comme il se doit. Je vais simplement vous dresser un bref panel d’éléments que vous n’aurez plus qu’à analyser avec votre perspicacité et votre bon sens que, bien sûr, vous possédez à un degré raisonnable.

Dumbledore ne peut s'être trompé à ce point en ce qui me concerne, c’est ce que tout le monde pense ou a pensé. Si c'était le cas, cela voudrait dire qu'il ne faut faire confiance à personne, qu'il n'y a rien de stable en ce bas monde, et que dans ces conditions, le mal n'est qu'un point de vue comme un autre.

Dumbledore a toujours affirmé depuis le début ne pas avoir peur de la mort. Vous n’avez pas vu sa sérénité face à Drago Malefoy ou connu la façon dont il parlait de Nicolas Flamel il y a un peu plus de six ans. On ne peut l'imaginer en train de m’implorer de l'épargner. Son "ton suppliant", son bouleversant "Severus, s'il vous plaît..." signifie bien autre chose qu'une plainte défensive.

Pourquoi m’aurait-il confié le poste de professeur de Défense contre les forces du Mal s’il n’avait pas eu une idée derrière la tête ? Tout le monde savait que je convoitais cette place depuis bien longtemps… comme chacun savait qu’aucun professeur n’était resté à ce poste plus d’une année depuis le refus qu’a essuyé le Seigneur des Ténèbres lors de sa postulation à cette charge.

Vous remarquerez que je reste le plus critique et objectif possible : je sais parfaitement que Potter a dû vous communiquer – à vous ou à quelqu’un d’autre – ce qu’il savait et donc, je n’essaye pas de camoufler quoi que ce soit. Quel intérêt aurais-je à cela, d’ailleurs, à part celui de voir les gens me haïr plus encore qu’à présent ?

Potter a certainement parlé d’une discussion mouvementée que Dumbledore et moi avons eue à l’époque et qui a été surprise par Hagrid… « Qu'est-ce que Dumbledore demandait à Snape et que Snape refusait de faire ? » mais de le tuer, évidemment...

Voyez-vous, j’avais trois bonnes raisons de tuer Dumbledore : la première était d'éviter que Drago ne le fasse lui-même et devienne un assassin – vous connaissez aussi bien que moi l’intelligence et les délicatesse morales de Dumbledore –, la deuxième était de donner la preuve ultime que j’étais bien du côté de Voldemort – et donc, d'une certaine façon, de me "sauver", si l’on peut dire, aux yeux de ce dernier – , enfin, la troisième était de continuer à protéger Potter, voire de l'aider à vaincre le Seigneur des Ténèbres.
Mais ce n’était pas assez pour désobéir à cette petite voix intérieure qui m’interdisait formellement de commettre l’irréparable.

Certes, Dumbledore était d'une rare exigence vis-à-vis des gens pour qui il se sacrifie. Il m’a demandé de le tuer comme il a demandé à Potter de le torturer lors de la quête des horcruxes du Prince des Ténèbres… oui, je sais cela aussi… Albus me faisait suffisamment confiance pour m’en parler.

Dites-vous bien que j’ai accepté d’obéir à l’injonction de Dumbledore au risque de me retrouver totalement isolé dans les deux camps. Traître honni chez les uns, Mangemort prodigue et profiteur chez les autres.

Si vous n’êtes pas encore assommé par tout ça, j’ai encore quelques petits détails qui devraient vous rappeler ce que Potter n’aura pas manqué de dire, à sa façon, bien sûr…

Souvenez-vous, Monsieur le Ministre, lors de ma "fuite" avec Drago, je me suis contenté d'esquiver les sorts de Potter, je ne lui en ai rendu aucun.
Je lui ai donné son ultime cours d’occlumancie, avant de lui sauver la vie, une fois de plus, en cessant net le Doloris lancé par un Mangemort, en prétextant qu'il revenait au Seigneur des Ténèbres lui-même d'exterminer son ennemi - alors que le Seigneur des Ténèbres était précisément le seul être qui ne puisse pas le tuer !

Pour revenir à Dumbledore, comment puis-je vous prouver mon allégeance à celui-ci autrement qu’en vous’expliquant que j’ai accédé à l'exigence folle et pourtant légitime de Narcissa Malefoy qui m’a demandé, pour protéger son fils, de faire le serment inviolable. Ne voyez-vous pas que ce serment entre la mère de Drago et moi était déjà une trahison envers le Seigneur des Ténèbres? Que je jure de donner ma vie pour une cause qui n'est pas celle du Prince des Ténèbres ? Que l'amour d'une mère pour son petit salaud de fiston et la complicité d'un "oncle" providentiel dépasse largement les intérêts du Seigneur des Ténèbres, et est presque en contradiction avec ceux-ci ?

Alors, maintenant que je vous’ai tout dit, Monsieur le Ministre, à vous de juger si j’ai mérité d’être détesté de tout le monde, moi qui depuis le début dois protéger Potter malgré la haine que je lui porte, qui lui ai même sauvé la vie, et qui me suis retrouvé le tuteur héroïque et sacrificiel de Drago ?

Je ne vous demande pas de me croire. Vous avez peut-être voulu des explications, vous les avez eues.
Je ne peux pas être plus clair. C'est à prendre ou à laisser, mais gardez à l'esprit que dans ma position, jamais je n'aurais pu révéler cela au grand jour... et comme vous le savez, les gens sont souvent peu enclins à accepter la vérité, à croire qu'ils préfèrent se cantonner dans leur quotidien calme et serein. Souvenez-vous quand Dumbledore et Potter ont annoncé le retour du Seigneur des Ténèbres, il y a deux ans... Qui les a crus? Ils avaient la preuve que c'était la réalité, et seuls quelques-uns les ont soutenus... Quelques personnes seulement dans toute la communauté sorcière avaient compris ce que cela signifiait.

La lettre s’arrête ici et semble avoir passé quelque temps glissée entre ces pages.