Sort de l'asile pour se retrouver chez les fous [Harley Quinn]

Juliette Capulet ? C'était donc ça ? Sur le dossier, il était simplement inscrit qu'elle était un être humain de catégorie F. D'apparence douce et juvénile, elle avait ce regard qui commençait à hanter les nuits d'Harley tant il lui était familier désormais, les yeux du chien battu. Ses vêtements, eux, s'avéraient une source d'information beaucoup plus amusante. Pourquoi cette blouse ? Sortirait-elle d'un cabinet de médecine, d'un hopital ? Voilà qui leur ferait un sujet de conversation, au coin du feu en sirotant de la tisane, blotties dans des couvertures chaudes.

-Okay, salut Juliette ! Bienvenue dans ton chez-toi.

Finalement, elle serra la main qu'on lui tendait et s'empara doucement de l'unique bagage de ce qui semblait-être une naufragée. Lessivée, elle en était l'image. Elle recula, ouvrit grand la porte et invita d'un geste la jeune fille à entrer. Elle était déjà installée depuis quelques jours et quelques lieux portaient déjà sa marque. Cartons vide ou pleins à droite à gauche, verre de champagne sur la table basse du salon, télévision en sourdine depuis ce matin, costume d'arlequin gisant sur une chaise, pot de nutella ouvert dans la cuisine, photo accrochée au mur et, dans la pièce qu'elle s'était réservée pour chambre, un mobilier personnel. Elle comptait faire les peintures prochainement mais avait égaré les pots dans tout son bordel. Et puis, si elle voulait restait ici légalement, il faudrait tenir compte des goût de Juliette. Se soucier des autres n'était pas sa spécialité mais la solitude c'est déprimant, et la déprime c'est l'ennemi n°1. Les placards de la salle de bain étaient aussi bourrés de médicaments en tout genre.

-Alors, moi c'est Harley. Je vais poser ta valise dans ta...ben, ta chambre. Tu veux faire un tour pour voir à quoi ça ressemble ou te reposer ? T'as l'air complètement harassée. Enfin, hem...tu permets qu'on se tutoie ?

Drôle de transformation, la gamine qui à l’instant semblait sortir d’un essoreuse s’était bien décontractée. Encore une marginale. Cool. L’esprit d’analyse d’Harley s’était sacrément détérioré ces dernières années et elle ne voyait plus l’intérêt de donner un nom au état psychologique des gens, elle s’en remettait aux tests des magazines féminins.
D’un pas rapide et toujours léger, elle apporta le bagage de Juliette dans sa chambre avant de rejoindre sa colocataire dans le salon.

-Mmh, j’vais voir si je peux te trouver ça. J’avoue que je t’attendais pas avant demain alors excuse moi si le service n’est pas de qualité.

En réalité, elle n’osait pas imaginer ce qui restait dans les placards.
La gamine avait dût faire un sacré voyage, elle était gênée de ne rien avoir à lui servir. Elle n’avait jamais vu personne mourir de faim et ça pouvait être instructif mais son côté social avait lieu de la mettre mal à l’aise pour le coup. La cuisine était ouverte sur le séjour, simplement séparée par un comptoir plutôt design en total désaccord avec les murs. Machinalement, elle fouilla dans le garde-manger qui malheureusement aujourd’hui ne gardait pas grand-chose. De la crème anglaise au Nesquick peut-être ?

-Caramba ! Tu vas pas te contenter de champagne avec des carrés de sucre ? Je suis vraiment désolé c’est la misère. En fait je comptais manger un morceau en ville mais vu comme t’es…vaudrait mieux que tu te repose, non ?

Elle s’arrêta un instant, ses méninges en action quêtaient la solution.

-Mouais. A la limite je peux aller chercher du rationnement pendant que tu reste là. T’en pense quoi ?

L’imagination de la gamine faisait l’affaire pour la soirée. En effet, à condition d’avoir une vision bien aiguisée, on pouvait trouver pas mal de trésor sous la table basse ou derrière la télé. C’était un peu une chasse comme dans les jeux vidéo pour enfants. Harley chercha machinalement un paquet de clopes sous le comptoir. Dire qu’elle trouvait ça dégueulasse et qu’elle n’était même pas dépendante. C’était juste histoire d’avoir quelque chose entre les doigts.
Il faisait pas chaud, elle s’empara d’une veste qui traînait sur une chaise et l’enfila par-dessus son costume. Remarquant le regard pour son habillage, elle s’obligea à donner une explication.

-Je suis dans un milieu de fou, mon nom complet c’est Harley Quinn d’où l’allusion…Arlequin. Des artistes un peu tarés si tu vois ce que je veux dire. J’ai des habits normaux aussi, t’en fais pas.

Il y a avait très peu de chance pour que Juliette voit quoi que ce soit dans les dires de sa colocataire mais qu’importe, au moins elle n’aurait pas fait semblant d’ignorer ce détail.

-Alors, moi je viens d’une grosse ville plus au nord. Je change d’air, là, démarra-t-elle avec l’impression de réciter un refrain. J’avais perdu de vu un ami, en fait je pensais qu’il était mort et nous nous sommes retrouvés ici. Je cherche du travail. Et toi ? Qu’est ce que tu compte faire ? Etudier ?

Voilà, un peu de vérité bien tournée ça ne lui ferait pas de mal. Elle n’avait pas l’intention d’avoir trop de secret pour sa colocataire. Elle ne toucha pas à un seul aliment qui trônait sur la table, pas faim. Son regard était pour l’extérieur, derrière la vitre de la fenêtre où une fine pluie avait commencé à tomber. A en juger par la taille de la valise de Juliette, elle ne devait pas avoir amené beaucoup de vêtement, si volontaire il y a, elle claquerait volontiers un peu de monnaie dans une séance de shopping.
Dire qu’elle avait été une étudiante brillante. Le destin était capricieux. Maintenant, son habitude était de ne pas trop se poser de questions sur comment la vie tournerait, elle prévoyait rarement des choses à l’avance et ne se projetait pas du tout dans l’avenir, même pour les quelques jours suivants.

(Désolé -désolé-désolé-désolé-désolé-désolé-désolé-désolé-désolé-désolé-désolé-désolé-désolé-désolé-désolé-désolé-désolé-désolé-désolé !!!)

Harley regarda Juliette tristement. D'abord parce qu'elle venait d'un hôpital psychiatrique et qu'elle savait ce que vivaient les petites choses dans ce genre à l'intérieur des grands établissements blancs. En même temps, elle réfléchit vaguement à son affirmation précédente. Son retour dans le monde réel lui faisait dire des choses sensées que le Joker aurait puni. D'instincs elle s'était présenté comme Harley Quinn, incapable de retrouver son Arleen Quinzel d'autrefois, l'esprit de son biquet disparu restait un peu en elle comme ça. Mais avait-elle des vêtements normaux, ça elle ne l'aurait pas parié. Qu'importe, mademoiselle Juliette s'habituerait à loisir.
Après une énième tentative de rond de fumée ratée, elle écrasa le mégot dans un cendrier improvisé (une louche) et s'assied sur la table basse.

-Moi aussi j'ai été dans un hôpital comme toi !

Mais ce n'était pas toujours triste à Arkham, il y avait des gens qui se déguisait et d'autres qui faisaient des prophéties ou bien qui se disaient possédés par des barons scandinaves. Et puis elle pouvait en sortir certains soirs, lorsque les gardes se noyaient dans leur sang, au bras de Monsieur Jo. Elle secoua la tête et fit tinter les grelots de ses couettes blondes. Voilà que ça devenait un tic. Elle aimait bien le bruit qu'ils faisaient.
Elle ne se posa même pas la question de savoir si ça se faisait d'exposer ce genre d'information et si Juliette n'aurait pas peur de vivre avec une sorte d'individu issu du monde psychiatrique. La pudeur ne faisait résolument pas parti du vocabulaire d'Harley Quinn. Elle piocha une poignée de céréales et l'engouffra sans se souvenir d'avoir ramené ce paquet dans ses bagages.

Puis elle se leva pressée comme une gamine de montrer à sa nouvelle amie -les sentiments s'enchaînaient vite dans sa petite caboche de demeurrée, un autre dérèglement- l'appartement qu'elle même n'avait qu'à peine exploré. Pretextant une envie d'aller au toilette, elle s'éclipsa quelques minutes le temps de ranger sous son lit un carton rempli de popguns et d'armes en tout genre.