Première sortie (libre à qui veut :) )

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Perceval avait erré quelques heures durant dans les ruelles de la ville, s'émerveillant de ce nouveau monde qui offrait tant de possibilité. Si seulement les autres avaient été là pour tout voir avec lui ! Karadoc serait devenu dingue, avec toute cette bouffe exposée le long des trottoires. Bizarrement, le chevalier n'avait encore trouvé aucune taverne respectable. Pas de clodos assis au bar, pas de tabourets en bois inconfortables... Les gens de cette époque étaient décidemment étranges. Mais peu importe, Perceval s'en foutait, comme il se foutait de beaucoup de choses. Il faisait avec. Et il était parvenu à s'habituer à tout cela en un temps incroyable. Lui-même s'étonnait de sa faculté de rémission... A moins qu'on dise adaptation ?

L'homme avait donc déambulé sous les regards quelques peu perplexes des passants, qui n'étaient pas habitués à croiser un homme vêtu comme au moyen-âge. Et sentant à peu près comme au Moyen-Age. Eh oui, le mec qui allait forcer Perceval à se laver tous les matins n'était pas né. Il se savonnait tant bien que mal une fois par semaine, il fallait pas trop lui en demander non plus. Les gens de ce temps n'avaient plus d'odeur. Au moins lui, il était reconnaissable. De son époque, il était capable de sentir Karadoc à plusieurs mètres, et c'était sans contest très utile. Sauf pour les missions de reconnaissance, mais ça on s'en fout parce que de toutes façons, il y allait pas.

Enfin bref, il avait fini par entrer dans la bibliothèque, attiré par le bâtiment. Par quoi d'autre aurait-il pu être attiré ? Il se rendit compte en se promenant au hasard qu'il y avait des milliers de bouquins entreposés là-dedans. L'horreur. Perceval avait un avis très arrêté sur les livres, et rien ne le ferait changer sa pensée. Tout ça, ce n'était qu'un piège à con. D'ailleurs,lui-même ne savait pas lire et s'en félicitait. Il eut la surprise de voir pas mal de personnes installées autour de tables, et penchées sur des livres. Elles avaient l'air de... travailler ? Au plus grand désarroi du chevalier. Finalement, pour ne pas passer pour le glandu de service, il saisit un livre au hasard, et se mit à le feuilleter, debout devant l'étagère.

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Arsène aimait particulièrement la bibliothèque. Il y venait souvent pour repérer des proies éventuelles tout en faisant mine de chercher de quoi alimenter le cours dont il avait la charge à l'université... un cours de droit... Il n'avait sans doute rien vu d'aussi ironique dans sa vie! Sauf peut-être ce stratégème de Théophraste, son propre père. Enfin, là n'était guère le problème. Lupin était assez débrouillard pour s'en sortir. Même s'il ne connaissait que le droit de se servir chez les gens comme il voulait.
Bref. Le gentleman cambrioleur était ici pour faire semblant de chercher un livre qu'il emprunterait, en effet, si cela s'avérait un peu utile tout de même. Un bouquin de droit constitutionnel, cela devait se trouver ici...

L'homme avançait dans les rayonnages, à la recherche de ce livre qui pourrait lui donner une bonne raison de ne pas trop raconter de conneries à ses étudiants. Il cherchait aussi, du coin de l'oeil, des personnes qui semblaient être assez bien loties financièrement. C'est en passant non loin de la section consacrée aux ouvrages de vulgarisation de l'art que le pseudo professeur de droit s'arrêta net.
Il y avait comme une drôle d'odeur qui venait chatouiller ses délicates narines. Une odeur de fauve... non, une odeur de moisissure... de transpiration macérée... de...

Lupin sortit son mouchoir et se tamponna le nez en un geste gracieux. Le but de ce geste étant non seulement de chasser un peu cette fragrance très prenante, mais aussi d'observer discrètement la dame qui lisait un recueil de contes et qui portait un ravissant collier de perles... C'était assurément un bijou tout ce qu'il y a de plus vrai. Depuis le temps qu'il pratiquait, Arsène avait l'oeil pour repérer les faux directement.
En attendant, cette odeur désagréable restait là. De plus en plus prenante et de plus en plus persistante.

Le gentleman cambrioleur aperçut alors une silhouette dans le rayonnage qui l'intéressait justement. Le droit... Et ce parfum qui devenait de plus en plus dense! Arsène héla la silhouette pour prévenir cet homme, sans doute un pauvre ère venu là pour se réchauffer...

"Monsieur, faites attention de ne pas étouffer... il doit y avoir une fuite de gaz quelque part..."

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Perceval se tenait debout devant l'étagère depuis un bon moment déja, faisant semblant de lire un livre. Livre qu'il tenait à l'envers, soit dit en passant. Ses yeux parcouraient avec ennui des suites de lettres qui n'avaient aucune signification pour lui. Mais pouvait-il décemment quitter les bibliothèque dès à présent ? Les autres lecteurs, qui l'observaient du coin de l'oeil il en était sûr, ne risquaient-ils pas de penser qu'il n'était qu'un sombre idiot ? Ce qu'il n'était certainement pas. Dans son époque, il était au contraire un géni. Karadoc et lui avaient mis au point une admirable technique de combat, qu'il pensait être vraiment efficace. Il ne pouvait pas en être certain, ne l'ayant jamais testée dans un combat réel. Tous ces gueux ne lui arrivaient pas à la cheville.

En attendant, il était toujours planté là comme un piquet, à feuilleter les pages. D'ailleurs, ce n'était pas aisé, comme tâche. Le papier glissait affreusement, et Perceval faisait des tâches partout à chaque fois qu'il avait le malheur d'humidifier son doigt pour s'aider. Trop concentré, il n'entendit pas un homme s'approcher de lui, et sursauta lorsqu'il entendit le son de sa voix. Comment ça, une fuite de gaz ? Comment un gaz pouvait-il fuir d'abord ? Ce pauvre homme devait avoir bu un coup de trop à la taverne. Perceval trouvait cela désolant... Lui avait toujours su où étaient ses limites. Enfin presque. Le chevalier se tourna vers le nouveau venu, semblant soudainement trouver un sens à ses paroles. Et pour une fois, il était hors de cause.

-Une fuite de gaz ? Ehe, ce n'est pas moi cette fois-ci. Enfin, je sens rien du tout, moi.

L'homme qui venait de lui adresser la parole devait avoir un odorat vachement fin, parce que lui ne sentait pas la moindre puanteur. Pourtant, avec Karadoc, il avait l'habitude des mecs qui lâchaient des caisses toutes les minutes. Et il était formel, ça avait toujours une de ces chiennes d'odeur ! Il huma l'air de façon suspecte, cherchant une quelconque odeur nauséabonde, mais ne trouva rien du tout. Perceval se tourna à nouveau vers l'homme, et le détailla. Ouais, il devait être de la noblesse, ou quelque chose dans le genre. Parce qu'il était bien plus distingué que toutes les autres personnes présentes dans la Bibliothèque. Le chevalier se rapprocha quelque peu de lui, comme pour lui faire une confidence.

-Sans déconner, vous sentez quelque chose vous ? Nan parce que moi je sens quedal.

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Arsène avait parlé à cet inconnu dans le but de le protéger. Il était, en effet, vêtu comme un homme assez misérable, le type même d’homme à qui l’on a envie de tendre une piécette pour qu’il puisse manger à sa faim ou dormir à l’abri des aléas du temps météorologique. La vie de cette catégorie d’hommes était rarement de l’acabit des existences que l’on enviait. Soit. Lupin faisait une bonne action en préservant ce pauvre ère de la maudite fuite de gaz qui risquait fortement de faire s’éteindre quelques vies.
Mais voilà que l’homme rétorquait qu’il ne sentait rien. Le gentleman-cambrioleur fit la moue.

"Il existe, monsieur, des gaz très toxiques dont l’odeur est aussi fugace que le gaz est mortel. Enfin, je puis vous certifier qu’ici, c’est loin d’être inodore…"

L’homme huma autour de lui, il semblait que son nez n’était pas même effleuré par la pestilence environnante. Et le mystère s’éclaircit aussitôt après, lorsque ce type s’approcha d’Arsène pour lui chuchoter quelques mots. Lupin faillit tourner de l’œil. Il n’y avait pas de fuites de gaz. C’était pire que cela. Cette odeur pestilentielle, ces relents à vous donner la nausée venaient de l’homme avec qui il était en train de parler…
Le professeur de droit eu un haut-le-cœur et recula d’un pas, comme si cela allait éloigner la fragrance très prenante de son interlocuteur.

"Si je sens quelque chose ! Diantre ! Vous en avez de bonnes ! je ne sens plus que cela !"

Tout bien élevé qu’il fût, Arsène, fils de Théophraste Lupin, ne pouvait résister à ce parfum mêlant toutes sortes d’odeurs plus nauséabondes les unes que les autres. Il y avait là un fameux cocktail que seul une personne dont la profession eût été nez aurait pu, éventuellement, dénombrer toutes les nuances qui s’essaimaient dans ce subtil parfum aussi peu évanescent que possible.

"Par tous les saints, mais… Monsieur, je ne voudrais pas vous offenser, mais je pense que… vous avez peut-être marché sur l’une ou l’autre déjection canine…"

L’art de nuancer. Lupin espérait bien ne pas blesser cet homme qui semblait en bien piteux état… Il était sans doute venu ici pour se réchauffer. Il allait de soi qu’il n’était pas habitué à la lecture. Peut-être même était-il illettré… mais Arsène ne jugeait pas. Ce n’était pas son genre. Et il savait comme il était parfois nécessaire d’avoir de l’aide de personnes beaucoup plus manuelles que soi.

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Cela faisait à peine deux minutes que l'homme était venu lui parler, et Perceval ne pigeait déja plus rien. Inodore...Qu'est-ce que ce mot pouvait bien vouloir dire ? C'était fou à la fin, tous ces gens qui n'étaient pas capables d'utiliser des mots simples que tout le monde comprend. Comme si c'était une obligation d'utiliser un vocabulaire relevé. Perceval, lui, faisait toujours dans la simplicité pour permettre à tout le monde, même aux plus ignorants, de le comprendre et d'avoir une discussion avec lui. Enfin bon, il n'allait pas en faire la remarque à son interlocuteur, qui semblait déja assez perturbé commme ça, par une odeur qui n'existait pas. Eh oui, le chevalier s'était fait à sa propre puanteur, et ne sentait plus rien. Surtout qu'à son époque, on ne lui en avait jamais fait la remarque.

-Mortel ? J'ai jamais entendu dire qu'un gaz pouvait être mortel... Je ferai gaffe la prochaine fois !

Bien décidé à sentir ce que l'autre pouvait bien sentir, Perceval huma l'air autour de lui. Il n'y avait pas à dire, il ne sentait rien d'inhabituel. Il s'approcha alors de l'homme, comme pour lui faire une confidence. Ce dernier fit alors un pas en arrière, sous l'oeil étonné du chevalier. Qu'est-ce qu'il lui prenait ? Il n'y avait jamais eu que les clodos pour reculer ainsi devant lui. Il fallait dire qu'il en imposait pas des masses en tant que chevalier, mais ça faisait son petit effet sur les clodos, et parfois, sur les pécores. Mais sur quelqu'un comme l'homme en face de lui, jamais. Perceval haussa les sourcils.

-Euh... moi c'est Perceval, pas Diantre. Et j'ai de bonnes quoi ?

Après quoi l'homme suggéra que le chevalier avait peut-être marché dans une déjection canine. Perceval n'avait pas la moindre idée de ce que ça pouvait être, mais pas réflexe, il regarda sous ses chausses. Rien de bien particulier, un petit reste de boue, et une feuille morte, mais rien de bien exceptionnel. Non, l'autre devait se tromper. Un éclair de géni le traversa alors, et il eut une illumination. Il regarda l'autre, et croisa les bras sur sa poitrine, un sourire aux lèvres. Fier d'avoir résolu l'énigme.

-Ah nan mais je sais ! Puisque j'ai pas marché dans votre truc là, et que vous êtes le seul à le sentir... C'est que ça vient de vous tout simplement ! Mais rassurez vous, moi ça ne me gène pas du tout. J'ai l'habitude des gens qui puent, mais le pire, c'est les pécores. Ca doit être pour ça que je sens rien, j'ai pris l'habitude.

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Face à l'ignorance évidente de son interlocuteur, Arsène décida qu'il se devait d'expliquer quelques rudiments de chimie élémentaire à cet homme vêtu de métal. Tiens, au fait, il n'avait pas même remarqué cela avant... Peut-être était-ce une mode locale... Dans la France de son époque, Lupin avait vu pas mal de choses étranges et bizarres, notamment une femme qui utilisait la sorcellerie pour se rendre belle et désirable, un homme qui cachait un trou dans son crâne par une plaque de métal qui lui donnait un air de statue, etc.
Il avait été mis face à tellement de choses différentes qu'il ne s'étonnait plus beaucoup des frasques vestimentaires des gens qu'il rencontrait. Mais ici, en Amérique, c'était encore différent. Les gens semblaient faire un peu n'importe quoi pour attirer les regards. Alors parler avec cet homme n'était en soi pas vraiment extraordinaire pour ce pays.

"Soyez prudent, Monsieur, j'ai entendu parlé d'un gaz qu'on appelle le CO. Il n'a pas d'odeur et tue lentement... mais sûrement.
Enfin, je pense que le risque est moindre dans une bibliothèque tout de même..."

Quand le gentleman cambrioleur avait fait un pas en arrière, il avait cru mourir en étouffant lorsqu'il avait respiré l'odeur de son interlocuteur.

"Enchanté, Monsieur Perceval. Je me nomme Arsène Lupin..." il lui tendit la main. "C'était une façon de parler... Dire "Vous en avez de bonnes" est une expression de mon pays, la France. C'est une façon d'insister sur l'ironie de la situation..."

Alors qu'il venait de prononcer cela, Arsène vit comme une lueur éclairer le visage du dénommé Perceval. Il avait pris le temps de jeter un coup d'oeil à ses chaussures - métalliques, elles aussi - et avait porté ensuite son regard sur lui.
Hum... Si ce n'étaient les pieds de cet homme qui sentaient, alors...

"Merci de ne pas vous offusquer de mon parfum, alors... Il est vrai que j'ai passé une journée assez fatigante... une bonne douche me fera le plus grand bien! Une le matin, une le soir, rien de tel pour avoir les idées claires et une forme olympique, n'est-ce pas?"

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