You know that I'm no good (Dean)

Invité

Le soir tombait rapidement. Soir glauque d'une journée triste, de grésil et de vent, où le soleil n'avait pas daigné faire la moindre apparition. Les gens étaient pour la plupart tristes, la mine allongée, la tête et l'oeil bas, le pas traînant ou rapide pour fuir la grisaille, le froid et cette fausse neige qui ne tenait pas et se glissait dans les cols des vêtements. Dans la foule des endeuillés, ternes et englués dans leur quotidien, un visage, pâle, fier, se détachait des autres. Ovale, délicat, un sourire de sphinx qui étirait les lèvres pleines, les yeux sombres et vifs sous les paupières lourdes qui posaient un regard ironique sur les visages qu'elle croisait, le cou fin et blanc entouré d'un ruban de velours noir supportant le poids d'un camée, les épaules légèrement tombantes recouvertes d'un châle blanc, la silhouette de violoncelle, contrainte par un corset et soulignée par une robe violette gonflée de jupons, les mains gantées, la longue chevelure brune et lourde soigneusement coiffée, abritée par la capeline... Apparition d'un autre temps, sur qui hommes et femmes se retournaient et suivaient du regard, envieux ou admiratifs, mais toujours envoûtés...

Carmilla venait de finir sa journée. Comme toujours, elle avait laissé Hook seul maître de la caisse, avait nettoyé, rangé, et était partie sans autre forme de procès. La belle Autrichienne commençait à s'ennuyer. Enfin, "commençait"... avait-elle jamais cessé de s'ennuyer ? Elle avait traversé les siècles, les lieux, les époques avec toujours cette sensation d'ennui. Le plaisir de la chasse, de la traque, cette danse de séduction où elle était passée maîtresse, parvenait encore à la distraire quelques instants, mais il y avait si longtemps qu'elle n'avait pas rencontré de personne vraiment digne de son intérêt... Ils cédaient tous si facilement... Plus d'innocence à pervertir... plus d'espoirs à briser... plus de rêves à flétrir... Plus non plus de partenaires intéressants... où étaient passés l'hypocrisie, le sarcasme, ces délicieuses petites perversions des libertins les plus enragés, le plaisir de choquer, d'un mot, et de faire suffoquer d'une phrase une assemblée que les libres penseurs de son temps maniaient si bien ? Et la cruauté, le raffinement dans la torture et la mort, la manipulation, le goût incomparable de la victoire quand enfin celui que l'on a lentement poussé à la folie commet un acte irréparable ?

Carmilla soupira. L'humanité était devenue faible et dégénérée, sa merveilleuse folie, ses pulsions, ses instincts étaient désormais étouffés par le confort et les facilités de ce siècle. Plus rien ne les atteignait plus. Ils n'étaient plus que des oies, gavées et attendant avec indifférence le jour où on viendrait leur couper le cou pour les manger. Elle désespérait de trouver quelqu'un à sa hauteur, quelqu'un qui parvienne à la surprendre, à la tirer de son marasme.

Elle obliqua dans une rue adjacente, laissant son regard errer sur les vitrines. Rien d'intéressant. La mode de ce siècle était si dépourvue d'élégance et de cachet ! Jusqu'aux années 50, à la rigueur, il y avait eu "quelque chose", mais passé cette époque... Elle s'arrêta un instant à la vitrine d'un bijoutier, songeant aux bijoux de sa propre cassette, comparant mentalement leur valeur et leur beauté aux bimbeloteries qu'elle avait sous les yeux. Non, ce ne serait pas encore aujourd'hui qu'elle choisirait un nouveau collier... Elle reprit sa marche songeuse dans des rues qui se vidaient petit à petit. La nuit était à présent complètement tombée, et le vent commençait à se lever. Un sourire vint détendre le visage de Carmilla. Une tempête s'annonçait. Elle laissa le vent s'engouffrer dans son châle, dans ses cheveux sous la capeline, sous sa robe, la gonflant plus encore. Elle laissa le grésil fouetter son visage. En cet instant, elle aurait souhaité être chez elle, en Styrie, sur les hauteurs de son château, pour profiter pleinement du déchaînement des éléments...

Elle fut tirée de sa rêverie par l'apparition devant elle d'une ombre masculine, qu'elle ne reconnut pas de prime abord. Mais, machinalement, elle arma son sourire habituelle, froid, sans âme, mais si envoûtant...

Invité

La journée avait été si ... vide. Dean n'appréciait pas sa nouvelle vie. Ou plutôt il la trouvait trop calme par rapport à ce qu'elle avait pu être. Finies les journées passées à rouler dans sa voiture, finies les soirées à crapahuter dans des cimetières pour déterrer et brûler des cadavres, finie la vie avec Sam. Non pas qu'il était homo, ou rien de ce genre ( loin de lui cette idée !! ), mais Sam était sa dernière famille, et ils avaient été ensemble pendant quelques années. Ils se connaissaient tellement maintenant, que ne plus se voir lui paraissait bien dur. Il se souvenait du jour où il lui avait dit ne pas pouvoir vivre sans lui, ce jour où il lui avait apprit qu'il ne lui restait qu'un an à vivre, ce jour où il avait pris conscience que la vie de son frère valait plus que la sienne.

Il avait passé son après-midi dans un bar du centre ville. Il avait dragué une jeune femme blonde avec une poitrine assez fascinante, mais elle n'avait pas paru intéressée. Il avait insisté mais lorsqu'un gros balèze avec des bras épais comme les roues avant de sa voiture s'était approché, il avait décidé que c'était le temps de se retirer.

Il avait mangé avec Tonks à l'appartement. Il aimait bien la jeune femme. Elle était tout ce qu'il appréciait chez le genre humain; exubérante, joyeuse. Il y avait des parts d'ombre chez elle, il ne comprenait pas ses changements constants d'apparence ni certains phénomènes qui se produisaient dans leur appartement. Mais Dean était en vacances et il avait décidé d'en finir avec sa paranoïa.
Il avait montré à Tonks comment se servir d'un four micro-ondes car si elle lui apprenait les joies du ménage ou des longues conversations, elle se montrait tout à fait ignorante quand à la technologie.

Ils avaient fini de manger tôt dans la soirée et elle avait préféré partir lire dans sa chambre que de se mettre devant la télé comme chaque soir. Il s'était retrouvé seul dans l'appartement, et avait décidé de sortir. Attrapant son manteau, laissant un mot sur la table pour ne pas inquiéter Tonks, il dévala la volée des marches et se retrouva dans la rue. Il rejoignit rapidement le centre ville encore illuminée. Noël approchait et certaines maisons et appartements rayonnaient déjà de mille feux. On était vendredi soir et les jeunes était de sortie.

Dean sifflotait mais il devait avouer qu'il avait un coup de cafard ce soir. Il s'arrêta devant un antiquaire et observa l'intérieur. Il aimait ce genre de boutique, elle le rendait nostalgique. Mais ce soir il savait pourquoi. Il avait la drôle d'impression que sa vie avait filé. Il l'avait vouée à la lutte contre les démons. Mais lui? Avait-il pensé à se poser? A se marier? A avoir des enfants? Il était tombé amoureux ces dernières années. Mais n'avait pu s'arrêter. Maintenant, le train avait filé, le laissant loin derrière sur le quai.

Une horloge dans la boutique de l'antiquaire lui rappela celle qui se trouvait dans sa maison d'enfance. avant l'incendie.
Sa vue se brouilla. Un voile. Celui qui se dressait entre lui et le monde lorsqu'il revoyait ces instants. Sa mère. Son père. Sam. " Dean, prends Sam, cours et ne te retourne pas !! "

Un frisson parcourut son corps. Le froid n'y était pour rien cette fois. Il se retourna avec la douloureuse sensation que quelque chose d'autre lui échappait encore. Une silhouette s'approchait au loin. Une robe ancienne, faites de jupons, de tissu violet et d'un corset maintenant en place les formes généreuses de la jeune demoiselle. Il la reconnut presque immédiatement. Carmilla. La belle demoiselle de la soirée d'Halloween.

Il s'approcha d'elle alors qu'elle avait la tête basse. Lorsqu'elle ne fut qu'à quelques pas, elle leva son visage et lui adressa un superbe sourire.

- Bonsoir. Ce n'est pas prudent pour une si demoiselle aussi belle que vous de se promener seule la nuit. . .

Invité

Dean. Le jeune homme de la soirée. Carmilla eut un sourire un peu plus chaleureux en le reconnaissant. Dean le chasseur de démons. Elle était assez fière d'elle, elle avait réussi à grand renfort d'artifices à le maintenir dans l'ignorance de son vampirisme. Elle inclina la tête sur le côté comme un oiseau curieux.

C'est gentil à vous de vous inquiéter de ma sécurité... Mais que voulez-vous, je n'ai jamais su résister à un beau soir de tempête.

Elle tendit la main à Dean et ajouta, toujours avenante :

Ravie de vous revoir, Mister Winchester. Comment allez-vous ?

Elle l'observa attentivement. Il souriait, mais le regard exercé de la vampire remarqua le léger pli au coin des lèvres, le discret éclat de tristesse nostalgique dans le regard, les épaules un peu plus basses, le dos très légèrement arrondi. Cet homme était triste. Il avait des regrets. Et offrait ainsi à Carmilla une brèche dans laquelle s'engouffrer. Elle modifia légèrement son expression, prit un air plein de sollicitude, mit de l'inquiétude dans son regard et de la gentillesse dans sa voix, en actrice consommée, et demanda :

Vous n'avez pas l'air bien... Quelque chose vous ennuie ?

Gentille, Carmilla ? En apparence, seulement. Elle était curieuse, elle aimait savoir ce qui tourmentait les autres, pour mieux s'en resservir par la suite. Oh, jamais ouvertement, non, toujours de façon discrète, détournée... Mais elle savait si bien remuer le couteau dans la plaie... faire semblant de soigner les blessures, pour mieux y planter ses ongles et les creuser plus encore... faire souffrir tout en donnant l'illusion de soigner, jusqu'à ce que cette souffrance soit un besoin... C'est comme ça qu'elle parvenait à maintenir sous son emprise la plupart de ses victimes... Et elle venait de décider d'ajouter Dean à la longue liste de ses victimes.

Armant son visage de son expression la plus innocente, elle ajouta :

Je n'aime pas vous voir comme ça... ça me rend triste...

Invité

Dean était une nouvelle fois tellement subjugué par sa beauté qu'il n'entendit pas sa première phrase. Elle lui tendit une main froide qu'il prit et baisa du bout des lèvres. Sa réponse fut froide et il en sentit lui même la fausseté.

- Je vais bien je vous remercie.

Le regard de Carmilla se ficha au fin fond de ses yeux, toucha son cœur et rebondit contre une partie plus intime de son être... Il mit deux longues secondes avant de relâcher la main de la jeune demoiselle.

- Vous n'avez pas l'air bien... Quelque chose vous ennuie ?

Quelque chose qui m'ennuie? Comme le fait d'être passé à côté de ma vie? Oui quelque chose m'ennuie, je pourrais mourir que personne n'en aurait rien à faire, je pourrais crever là que les seules personne intéressées seraient les démons attendant juste mon retour.

- Rien de bien intéressant ma très chère...

Il évitait son regard, sachant que sinon, il ne saurait lui mentir bien longtemps. Ils se remirent en marche lentement et elle reprit la parole, un drôle d'éclat dans les yeux.

- Je n'aime pas vous voir comme ça... ça me rend triste...

Le cœur de Dean battait douloureusement. Il se détestait dans cet état. Non pas que ça lui soit arrivé bien souvent, c'était son frère la lopette qui tombait amoureux tous les 7 matins. Pas lui... Il fallait se ressaisir. Il ficha un sourire engageant et joyeux sur ses lèvres et reprit.

- Oh, vous savez, ce n'est pas la peine de vous inquiéter pour moi. ( Oh si, inquiètes toi pour moi...). Se sont seulement de vieilles histoires qui remontent et qui ne sont pas forcément agréables. ( Demande moi, je pourrais passer ma nuit à te parler... ). Donc vous voyez, rien de bien important.

Son sourire disparut. Comment pouvait il classer sa vie et sa famille dans le " rien de bien important" ? Son attitude l'exaspéra. C'était bien la première fois que Dean aurait voulu se flanquer des gifles... Perdu dans ses pensées, il n'entendit pas Carmilla lui parler et dut lui demander de répéter... Le comble de l'idiotie.

* Va falloir te reprendre si tu veux te la faire !*
Ahh, Dean était de retour...

Invité

Carmilla plissa légèrement les yeux en entendant cette réponse si fausse. Tsss. Encore un de ces hommes qui jouaient les durs pour ne pas admettre ouvertement qu'ils n'allaient pas bien. Qui considéraient comme dégradant le fait d'avoir des états d'âme. Bon pour les femmes. Carmilla avait envie de ricaner. Ils avaient raison, la condition humaine est dégradante. C'est pour cela que la belle Methuselah ne regrettait pas un instant de l'avoir quittée. Mais de ces réflexions, Carmilla ne laissa rien filtrer.

En comédienne consommée, elle se composa le visage à la fois doux, concerné et un peu triste de l'adolescente sentimentale et naïve qu'elle avait été jadis, dans une autre vie. Difficile aujourd'hui - même pour elle - de croire que la créature qu'elle était avait pu être un jour une jeune fille douce, généreuse et tendre, qui avait été assez sotte - ou assez innocente, ce qui, à ses yeux revenait au même - pour ne pas voir que son galant qui semblait avoir tant besoin d'elle, de sa gentillesse, de son réconfort... n'était en fait qu'un prédateur qui voulait faire d'elle sa nouvelle victime. Au final, elle se disait qu'elle ne s'en était pas si mal tirée... de victime, elle était devenue bourreau, avec une facilité déconcertante !

Elle s'obligea à sortir de ses pensées pour se concentrer sur Dean. Rien de bien intéressant, mmmh ? Menteur. Qui mentait mal, en plus. Son regard brillait trop pour qu'il puisse dire la vérité. En revanche, elle fut satisfaite que sa petite phrase précédente ait ainsi fait mouche. Elle pouvait le voir à la façon dont il évitait soigneusement son regard, aux pulsations de son coeur qu'elle devinait en regardant sa carotide, à la fausseté discordante de son sourire forcé et de sa voix quand il se mit à parler, trop vite pour être sincère. Mettant une pointe de douceur dans sa voix, elle murmura alors :

Ces vieilles histoires doivent être bien tristes, pour vous rendre si sombre...

Visiblement, il ne l'avait pas entendue. Loin de se froisser, elle posa sa main sur le bras de Dean en un geste apparemment affectueux.

Racontez-moi... Si vous le souhaitez.

Invité

( HJ : Non seulement c'est avec du retard mais en plus c'est très mauvais, désolée... )

Quelle femme adorable. Dean se demandait ce qui l'attirait chez elle. Il y avait un drôle d'éclat au fin fond de ses yeux. Presque étranger à cette apparence. Un éclat animal...

Il ne réagit pas de suite aux mots. Son esprit avait été retenu par la main posée avec douceur sur son bras. Il emprisonna le bras de Carmilla dans le sien et se remit doucement en marche.

- Que vous raconter... J'ai eu une vie très remplie jusqu'à présent. Et maintenant je me rend compte qu'elle ne l'a pas été par les bonne choses. Et ce n'est absolument pas mon genre de me plaindre à une jolie jeune femme pourtant...

Il la regarda et lui envoya son plus beau sourire. La journée avait pourtant mal commencé.. Et voila qu'un léger flocon se posa sur son front. Il neigeait ! Avec sa chance, il ne pourrait pas démarrer la voiture demain à cause de la neige. C'était bien sa veine lui qui avait prévu d'aller acheter un cadeau à sa colocataire. Il reprit :

- Certaines choses me manquent et d'autres me sont passées à côté. Ou je suis passé à côté d'elles je ne sais pas. Fin' dans tous les cas c'est trop tard. Je me disais cela quand vous êtes arrivée.

Ils passèrent à côté d'un bar décoré pour Noël. De la neige en recouvrait les fenêtres, des chants s'échappaient de la porte se refermant et ils entendirent des éclats de rire. Qu'aurait il donné pour sortir avec des amis ? Ou déjà avoir des amis avec qui sortir... Ou même aller avec Sam. Boire une bière assis au comptoir. Se faire draguer par la serveuse. Décidément c'était pas sa soirée.

» Good evening, Mr Sherlock Holmes (Sherlock & Arsene)
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