Tea, Mr Holmes?

Sujet: Tea, Mr Holmes? Mar 15 Nov 2011, 01:33

Comme tous les jours, Irène revenait de sa balade au parc. Comme tous les jours, elle était la cible de nombreux regards, certains envieux, d'autres avides, les derniers, enfin, chargés d'une incompréhension totale. Il faut dire que "LA femme" ne laissait jamais indifférent, elle provoquait toujours une émotion chez ses comparses, et cette émotion était généralement vive. Mais ce jour était particulier. Elle n'accordait cette fois aucune importance à ces regards, toute son attention accaparée par l'élaboration d'un plan; parce qu'aujourd'hui, elle ne rentrerait pas dans son appartement, elle ne retrouverait pas Sebastian pour un dîner somptueux et ne partagerait pas sa soirée entre une longue discussion avec lui et la lecture de l'un des livres qu'elle avait récemment découvert; car la veille, un évènement avait chamboulé son quotidien. Alors que l'ancienne chanteuse se baladait paisiblement en ville, une silhouette familière avait surgi, et après quelques dizaines de minutes de filature, son pressentiment s'était réalisé : elle avait retrouvé le Docteur Watson sur le pallier même de l'immeuble où elle vivait et l'avait vu rentrer au numéro 304. Et là où était Watson, il y avait nécessairement Holmes. Irène sourit au souvenir de cet homme. Et elle allait se faire un plaisir d'apparaître mystérieusement dans sa vie, une fois de plus. Après tout, quelle actrice pourrait résister à un tel coup de théâtre?

Elle tourna rapidement au coin d'une ruelle, rentra aussi silencieuse qu'une ombre dans l'immeuble et monta les escaliers sur la pointe des pieds, profitant de l'heure creuse pour pouvoir agir sans être vue. Arrivée devant la porte du 304, Irène retira ses chaussures à talons - trop bruyantes - et attrapa quelques plis de sa robe pour qu'elle ne balaye pas le sol. La Dame avait volontairement choisi de porter CETTE robe. Parce que c'était la robe qu'elle portait la première fois que Holmes avait croisé sa route, parce que le connaissant, et s'il n'avait pas changé, le détective serait probablement endormi après avoir abusé de narcotiques à cette heure et parce que l'association de ces deux faits provoqueraient en lui un émoi sont elle se délectait par avance. La belle aventurière crocheta la serrure sans le moindre effort - il y a des avantages à ne pas toujours suivre la loi, vous savez? - puis, invisible comme une écharpe de brume, elle se faufila à l'intérieur de la pièce et referma derrière elle. Tout était sombre à l'intérieur, et les rideaux tirés confirmèrent sa théorie. Dès que ses yeux se furent habitués à l'obscurité ambiante, elle se dirigea vers la cuisine. Par chance, tous les appartements étaient faits sur le même modèle et elle pût trouver tout ce qu'il lui fallait sans devoir utiliser de source lumineuse ni émettre le moindre bruit. Un ronflement relativement discret se fit entendre, lui assurant que sa "visite" était toujours inconnue du maître des lieux. Elle fit bouillir de l'eau et prépara un impérial Earl Grey - elle était, il ne fallait pas l'oublier, en présence d'un Londonien de l'ère victorienne, et le thé était de vigueur.

Irène chargea les tasses et assiettes de porcelaine fine, probablement propriétés de Watson, sur un plateau de bois épais et y ajouta quelques scones que Sebastian avait fait le matin même. Retenant sa respiration, elle se dirigea vers la source du souffle régulier qui seul troublait le silence ambiant. Elle serpenta entre les débris qui se dessinaient ça et là en scrutant attentivement le sol et arriva jusqu'au tapis où se reposait le détective. L'ancienne actrice posa le plateau sur une large table de bois puis revint vers la forme obscure tapie dans l'ombre, forme qu'elle devinait être le détective. Elle déplaça alors la table basse au dessus de la tête de sa victime et y déposa quelques débris - encore de la porcelaine, des vases sans doute vus leur taille et aspect, une nouvelle expérience de Holmes, sans doute - toujours en veillant être aussi silencieuse qu'un doux rêve. Alors "LA femme" se dirigea vers les fenêtres avec un sourire de malice et ouvrit brusquement les rideaux.Mais l'ancienne actrice n'attendit pas la réaction du détective, elle prit un air innocent et déclara de sa voix claire et amusée.

" - Vous voilà dans un bien bel état, Holmes. Est-ce votre manière d'accueillir vos invités? Et votre sécurité laisse elle aussi à désirer, votre porte était ouverte, ou presque... Je me suis permise d'entrer, je me suis dit qu'une petite visite serait la bienvenue."

Elle avait prononcé ces mots assez fort pour que les mots résonnent dans son esprit, mais toutefois assez doucement pour que cela semble naturel et s'était levée sans accorder un seul regard à Mr Holmes. Elle lui tournait le dos mais devinait parfaitement le regard qu'il braquait sans doute sur elle. Elle déposa la tasse sur le plateau, attrapa la seconde, se retourna vers lui avec un sourire éclatant et s'agenouilla près de lui, pour lui présenter la tasse qu'elle tenait.

" Je me suis dit qu'un bon thé chaud vous ferait sûrement du bien, et à l'évidence je ne me suis pas trompée"

La mine déconfite du détective, son air hagard et encore à demi-ensommeillé, le plaisir qu'elle avait à l'avoir retrouvé avant qu'il ne sache sa présence ici, la petite surprise qu'elle lui avait préparé et sa réaction à lui, suivant exactement ses espérances, lui tirèrent un sourire satisfait. Sourire qu'elle offrit à Sherlock Holmes. Elle retourna s'asseoir à la grande table rectangulaire et but une nouvelle gorgée de thé. Elle avait plus que hâte de voir sa réaction et d'entendre ses premiers mots. Après tout ils ne s'étaient pas vus depuis bien longtemps, et elle admettrait volontiers à toute personne excepté Holmes lui-même que ces petits jeux entre elle et lui lui avaient cruellement manqué durant ces nombreuses années. Mais lui, qu'en pensait-il?

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