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 Shut up ! (PV Dr Crane)

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MessageSujet: Shut up ! (PV Dr Crane)   Shut up ! (PV Dr Crane) EmptyLun 02 Nov 2009, 18:33

There you go
You're always so right
It's all a big show
It's all about you

You think you know
What everyone needs
You always take time
To criticize me


La musique poussée presque à fond, chantant avec Pierre Bouvier, Jordan achevait de recoudre son dernier cadavre de la matinée. Elle s'était volontairement isolée dans la musique pour ne pas risquer d'avoir à supporter le bla-bla incessant de son chef, que, décidément, elle ne pouvait pas supporter. Heureusement, celui-ci prenait sa retraite dans quelques semaines, et Jordan avait appris qu'elle prendrait sa place. Un cadeau empoisonné, mais elle se débrouillerait pour ne pas sombrer dans la paperasse et continuer à faire ce qu'elle aimait dans son boulot : découper les cadavres pour savoir ce qui les avait tués...

Elle rabattit enfin le linceul sur le visage du mort et referma le casier métallique. Le timing était parfait, la chanson venait de s'achever. Il était alors midi. En temps normal, Jordan ne mangeait pas, ou bien se contentait d'un sandwich dans son bureau. Sauf que là, elle était partie le matin sans se préparer de déjeuner, et comme elle n'avait rien avalé depuis la veille, son estomac commençait à protester. Et puis le vieux boulet semblait tellement décidé à lui coller aux basques que, bon gré, malgré, elle décida d'aller s'acheter quelque chose au self, quitte à aller manger dehors. Heureusement qu'il faisait beau.

La cafétéria de l'hôpital. L'endroit que Jordan détestait le plus. Bondée, bruyante, servant une nourriture certes roborative mais insipide au possible. En désespoir de cause, elle choisit un café, une salade au surimi et fondit sur le dernier doughnut au chocolat avec la voracité d'un épervier tombant sur un lapin. Un choix alimentaire que Lily aurait sans doute trouvé "significatif", sans pour autant expliquer en quoi. Puis, plateau dans une main et Edgar Alan Poe dans l'autre, Jordan alla se poser sur la terrasse, à la seule table complètement libre qui restait.

Son i-pod dans les oreilles,
The Raven sous le nez, Jordan était parée à affronter son heure de pause. Elle était à peu près tranquille : les médecins de l'hôpital ne mangeaient que rarement à la cafétéria, et de toutes façons, le badge qu'elle avait accroché sur son sac, posé sur la table, dissuadait la plupart des éventuels gêneurs de s'asseoir à sa table. C'est fou comme les mots "Médecin-Légiste" peuvent repousser... En trois minutes et quarante-cinq secondes exactement, environ six personnes sur les dix qui l'entouraient s'étaient décalées pour s'éloigner d'elle. Jordan jeta un regard amusé par-dessus la couverture de son livre, l'air de dire "ben quoi ? j'ai un bout d'os dans les cheveux ?" Ce que les gens peuvent être délicats, parfois...

Sauf que médecin-légiste ou pas, elle était quand même seule à une table de quatre, la seule table où il restait de la place. Et passer une heure complète en tête à tête avec elle-même relevait du miracle. Miracle qui ne se produisit pas.


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MessageSujet: Re: Shut up ! (PV Dr Crane)   Shut up ! (PV Dr Crane) EmptyMer 04 Nov 2009, 03:27

Premier jour de labeur, et Crane envisageait déjà de reprendre sans attendre sa carrière dans la criminalité. Il avait déjà fait des visites à l'hôpital à l'époque où il officiait encore pour l'asile d'Arkham, mais y travailler relevait d'une toute autre paire de manche. Les médecins urgentistes semblaient pour la plupart éprouver à l'égard des psys en tout genre le même type d'affection profonde que des ouvriers en bâtiment nourrissent pour un inspecteur de voirie. Ses collègues ne valaient pas vraiment la peine d'en parler, et les patients aux pathologies si intrigantes dont son asile débordait s'étaient vus remplacer par des victimes de viol ou diverses tentatives de suicide ... Il avait une expertise psychiatrique à rendre pour la fin de l'après-midi, et comptait bien la boucler pendant son heure de déjeuner, pour laquelle il avait choisi en conséquence la cafétéria de l'hôpital : une fille plaquée par son petit ami qui s'était mis la tête dans le four - juste cinq minutes, bien sûr, avant l'heure où sa voisine devait lui rapporter le tupperware qu'elle lui avait prêté.

Il posa sur son plateau le dossier de la patiente - qu'il n'avait pas pu s'empêcher d'orner d'un post-it indiquant "penser à lui offrir une boîte d'allumettes" - recouvrant soigneusement le carnet où il griffonnait les idées qui lui viendraient pour le développement de sa toxine, le tout calé par Les Ruines de Scott Smith pour se distraire entre-deux, un peu gêné par sa main bandée. Alors qu'il examinait sa salade à la recherche d'éventuelles traces de cheveux, un toussotement exaspéré l'adjoignit à faire son choix un peu plus rapidement. Il reposa la salade avec une lenteur soigneusement irritante – pas la place, avec ce que ses affaires prenaient sur le plateau – et choisit plutôt une espèce sous-marine inconnue dans un stade de décomposition avancé, que la cantinière à l'air revêche avait identifié comme du "gratin de chou-fleur", accompagné d'un steak, qui, par quelque miracle, ressemblait à un steak et pour le dessert, une pomme à peine descendue de son transcontinental en provenance du Groënland. Le tout agrémenté d'un thé vert à la menthe Lipton -seul choix disponible - et, ma foi, en ayant bien faim on pouvait presque imaginer que tout cela était comestible.

Alors qu'il s'avançait finalement dans la salle, ses espoirs de trouver une table tranquille s'envolèrent. À droite, un groupe de jeunes qui riaient bruyamment. À gauche, une table occupée par plusieurs médecins, où un homme assez âgé ramassait sa cuillère tout en laissant son regard s'attarder sous la jupe de sa voisine. Plus de chance avec la terrasse, peut-être ... Un arrière-goût amer dans la gorge lui donna l'impression d'être de retour à l'école, et il commençait à envisager la possibilité de déposer directement son plateau au rebut quand une table libre finit par s'imposer à sa vision.

Pas tout à fait libre, à la réflexion, puisqu'une jeune femme l'occupait. Il s'y avança tout de même, s'interrogeant sur la probabilité de ce petit îlot de solitude ... Jeune et d'après ce qu'il en voyait, loin d'être repoussante, il était étrange qu'aucun jeune chirurgien en manque ne se soit encore installé près d'elle pour lui raconter sa première appendicectomie à cœur ouvert, d'une seule main et sans anesthésie - ou quels que soient ses exploits de la matinée. Un mystère qui se résolu de lui-même quand il fut assez près pour lire le badge qu'elle affichait comme un étendard. Légiste : c'est à dire une personne à côté de laquelle un psychologue devenait aussi populaire qu'un quaterback dans une université. Ce vieux réflexe de base qui consiste à se convaincre qu'éviter tout ce qui se rapporte à nos peurs finira par les repousser.

Ainsi à l'écart, un livre à la main, il aurait presque cru se retrouver lui-même en ses années de collège ou d'université. Le titre de l'ouvrage qu'elle lisait lui arracha un sourire. Si plus de monde lisait Edgar Allan Poe, peut-être aurait-il droit à un peu plus d'originalité de la part de ses victimes, au lieu des éternels asticots, serpents ou autres araignées ... Il s'était suffisamment rapproché pour distinguer quelques mots de l'ouvrage et la demoiselle, tout absorbée par sa lecture qu'elle était, n'avait pas sembler remarquer son approche. The Raven - ô combien approprié ... Décision prise, il déposa son plateau en face de la légiste. Une paire d'yeux noisettes monta aussitôt dans sa direction. Vifs, méfiants, et probablement passablement irrités par l'interruption. Il marqua un temps d'arrêt, au cas où elle aurait eu envie de mettre en pause ou baisser son i-pod, avant de prendre la parole.


Dr. Jonathan Crane, psychologue. Je suppose que cette table est libre, si vous ne voyez pas d'inconvénient à ce que je pénètre votre territoire ... Joli badge, et efficace. Je suppose que votre service n'en distribue pas gratuitement ?

Son assurance habituelle revenant au galop maintenant qu'il se trouvait en territoire plus familier, il s'assit sans attendre sa réponse - puisque après tout le fait d'avoir payé son repas lui donnait techniquement le droit d'occuper la place qu'il désirait - la laissant libre de l'ignorer et de retourner à sa lecture si elle le souhaitait, pour jeter un coup d'oeil plus approfondi à la masse jaunâtre qui s'étendait dans son assiette. A la réflexion, il faudrait qu'il considère l'idée d'atténuer la portée du mot "comestible".

Cette chose a l'odeur, la couleur et la consistance des rejets gastriques d'une méduse échouée sur les côtes d'Hiroshima ... La dépouille de cette chère Lenore elle-même n'aurait probablement pas grand mal à paraître plus savoureuse – marmonna-t-il d'une voix teintée d'une pointe de mépris amusé.

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MessageSujet: Re: Shut up ! (PV Dr Crane)   Shut up ! (PV Dr Crane) EmptyMer 04 Nov 2009, 15:36

Jordan savait qu'en remontant des profondeurs de sa morgue chérie et en venant ici, elle avait 99 chances sur 100 de voir sa précieuse solitude troublée. C'était un risque pris consciemment. Cela n'empêcha cependant pas son mécontentement quand une présence se manifesta dans son espace personnel H24...

Relevant un instant les yeux de son ouvrage, son regard tomba sur un homme qui devait avoir une petite dizaine d'années de moins qu'elle, et qui lui fit de prime abord l'impression d'être un bibliothécaire ou un prof de philo paumé au milieu des blouses blanches qui se pressaient sur la terrasse. Toutefois, l'épais dossier qu'il charriait sur son plateau fit revoir son jugement à Jordan. Elle coupa son i-pod et leva les yeux jusqu'au visage de l'intrus. Ce qui la frappa d'autorité, ce furent ses yeux, d'un bleu éclatant, que même les lunettes ne parvenaient pas à dissimuler. Son petit speech de présentation tira un sourire à la légiste, qui, en réponse, attrapa son sac et le posa à ses pieds pour libérer de l'espace.


Dr Jordan Cavanaugh, répondit-elle. Oui, généralement, ce genre de badge est très utile pour libérer de l'espace. Pour le moment, on n'en distribue pas, mais si ça vous tente, repassez dans un mois : on change de direction, vous aurez peut-être la possibilité d'en récupérer un...

Et, avec un signe de tête, elle retourna à Poe, sans rallumer son I-pod, qui gisait, abandonné, sur le plateau, entre la salade intacte, le doughnut planqué sous une serviette pour qu'on ne vienne pas le lui piquer - un vieux reste de ses années d'école - et le café dont le niveau avait sensiblement baissé. Il y avait de fortes chances que le plateau restât dans cet état jusqu'à ce que, pressée par le temps, Jordan ne balance la salade dans la première poubelle venue et n'avale le doughnut en courant pour se retrouver en temps et en heure dans sa salle d'autopsie. Café et doughnut, encore un repas hyper-équilibré, bravooo, Jordy ! Tant pis. The Raven et The Masque of Red Death valaient bien à ses yeux le sacrifice de son déjeuner...

Son amour pour ces deux textes - et notamment pour le second - était une autre vieille réminiscence de ses années d'école, quand, uniforme sage et nattes à la Laura Ingalls, elle passait ses récréations et ses heures d'étude planquée dans un coin pour éviter les pimbêches autoproclamées reines de l'école et leur cour de dindes gloussantes, qui avaient fait d'elle leur cible favorite. Le volume, d'ailleurs, témoignait à sa façon de cette époque, par ses pages jaunies, pour certaines déchirées et recollées avec grand soin, sa couverture de cuir écorchée et éraflée, et son dos gondolé. Il avait souffert, ce livre : maintes fois arraché des mains de sa propriétaire - à laquelle il avait d'ailleurs valu le surnom de "Corbeau" qui l'avait poursuivie jusqu'à la fin du secondaire et une partie de l'Université - il avait été tour à tour effeuillé, déchiré, exposé au feu et à la pluie, jeté dans une flaque de boue, donné en pâture au chien du gardien - Jordan avait encore sur la cheville la marque de la morsure - balancé sur le toit de l'école - ce qui avait valu à la fillette une visite chez la psy scolaire, persuadée qu'elle avait voulu se jeter dans le vide, alors qu'elle allait simplement repêcher son livre - et utilisé comme instrument contondant - quelques tâches brun-rouge sur la tranche supérieure témoignant de ce dernier usage. Et après, qu'on ne vienne pas lui dire que les filles étaient plus douces, gentilles et compréhensives que les garçons... Victime jusqu'à la mort de sa mère, Jordan avait ensuite appris à se défendre bec et ongles. Si bien que sa solitude, de passive, était devenue active : on ne l'excluait plus, c'était elle qui s'isolait. Un luxe.

La voix de son vis à vis lui fit relever la tête et sa remarque la fit sourire. l'analogie était bien vue, même si elle-même aurait plutôt comparé le peu ragoûtant gratin à un cerveau faisandé marinant dans son jus de cadavre. Mais bon. Déformation professionnelle, sans doute.


Ce serait d'autant moins difficile que Lenore a deux avantages : premièrement, elle est morte - tandis qu'au vu des bruits émis par cette chose on est en droit de se poser la question - et deuxièmement, depuis le temps, elle ne doit plus présenter cet aspect spongieux et bulbeux, mais plutôt un gentil petit squelette un peu poussiéreux. Il y a plus répugnant.

Elle saisit son café et se renversa sur sa chaise, concluant, gouailleuse :

Règle de survie n°2 en cafétéria hospitalière : ne jamais toucher aux plats chauds, à moins de vouloir expérimenter de l'intérieur l'efficacité du service de gastro-entérologie.

Elle prit une gorgée, grimaça, et ajouta mentalement : règle n°3, le café, pour être potable, doit être bu en pensant complètement à autre chose !!!

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MessageSujet: Re: Shut up ! (PV Dr Crane)   Shut up ! (PV Dr Crane) EmptyLun 09 Nov 2009, 02:22

Le sens de l'humour et de la chaleur humaine de sa "compagne" était au goût de Crane, et il se surprit à sourire quelque peu à sa dernière remarque.

Soit. Mais j'ai arrêté la salade après y avoir trouvé suffisamment de poils et de cheveux divers pour suspecter qu'elles aient été préparé par Tarzan lui-même ou son homologue féminin – et je ne parle pas de Jane – et par un jour de malchance, un perce-oreille.

Devoir manger régulièrement à la cantine, histoire de se mêler à la population,encore une merveilleuse idée de celui, qui, depuis qu'il s'occupait de son cas, n'avait cessé de réduire en lambeaux les derniers vestiges d'honneur qui s'agrippaient encore à la profession de psychologue. Au moins, l'avantage de s'être fait racketter presque quotidiennement l'argent de son déjeuner pendant une grande partie de sa scolarité était de lui avoir évité d'avoir à subir ce genre d'épreuve trop régulièrement. Il aurait presque pu remercier la punaise éborgné pour cet effort. Malheureusement, il n'avait pas eu une telle "chance" durant toutes les périodes de son existence.

D'un autre côté, la nourriture des hôpitaux psychiatriques est cent fois pire. Mais là au moins, on peut toujours trouver une place tranquille à côté d'un catatonique ...

Cette dernière réflexion lui arracha un petit sourire satisfait. Il était curieux de voir si la carte "ancien patient de l'asile psychiatrique" marchait aussi bien que le badge de médecin légiste ... Se considérant comme ainsi affranchi de toute nécessité de faire la conversation – dommage, d'un certain côté, son cynisme avait un petit côté rafraîchissant - il commença à picorer , en les accompagnant de minuscules boules de mie de pain distraitement sculptées, le "gratin" et le steak à la chair d'un rose délavé. Il commença à griffonner quelques notes de-ci de là sur le dossier de la patiente, de quoi faire bonne figure et se débarrasser du dossier. Son regard, néanmoins, revenait régulièrement sur le volume d'Edgar Allan Poe, dont l'état particulièrement délabré semblait avoir choisi de jeter le grappin sur sa curiosité.

The Raven ... Enfant, ce poème le terrifiait, chaque mot évoquant les ombres noires qui le hantaient chaque fois que le vieille chapelle s'insinuait dans son champ de vision ou bien dans son esprit. Il avait bien changé au fil des années la peur lui-même plutôt qu'un pathétique gamin terrorisé ... Il avait pris un malin plaisir à en en réciter, pour lui-même, des extraits choisis ce fameux soir où il avait enfin pris sa revanche, lorsque les premiers cris de cette sorcière étaient parvenus à ses oreilles, depuis sa cachette derrière l'un des arbres qui entouraient la vieille chapelle où cette dernière avait fini par rendre son dernier soupir, un sourire satisfait sur les lèvres chaque fois que le mot "Nevermore" en franchissait le seuil. Lenore, que ton squelette poussiéreux ne voient plus jamais la lumière de ce jour que tu étais indigne de fouler.

Il avait toujours considéré qu'il existait un cercle des enfers spécialement réservé à ceux qui cornaient les pages de leur livre pour retrouver où ils en étaient. Pour le peu qu'il puisse en juger, le Dr. Cavanaugh ne semblait pas de ce type. A moins qu'elle ne l'ait acheté chez un bouquiniste - mais c'était bien du sang séché, ces traces brunâtres sur la tranche ... Les seuls volumes qu'il ait déjà vu dans un état équivalents, c'étaient ceux qui étaient passés entre ses charmants "camarades" quand il allait encore à l'école. Quand ces derniers s'abstenaient de le laisser choisir entre lui et le précieux ouvrage ... La trace de brûlure qui ornait encore le haut de son avant-bras droit témoignait, entre autres, de cette dernière expérience.

Il repoussa son assiette d'une main, son appétit capricieux mis à mal par ces réminiscences. Le Lipton édulcoré, qui donnait l'impression désagréable de consommer un bonbon liquéfié, ne fit rien pour l'apaiser. Fermant le dossier, il reporta son attention sur sa voisine pour se changer les idées. Un peu plus âgée que lui, une jolie chevelure d'un noir de jais, préférant vraisemblablement la compagnie des morts à celui des vivants ... Et, à en juger par le contenu de son plateau, un équilibre alimentaire quelque peu fluctuant, tout comme, a priori, son appétit, puisqu'elle n'avait absorbé que quelques gorgées de café depuis qu'il s'était installé. Sa mauvaise humeur naissante, il choisit de la reporter sur ce qui se trouvait à sa portée, cette fille qui semblait se faire un malin plaisir de lui faire en toute innocence remuer des souvenirs qui se trouvaient très bien là où ils étaient.


Un trait de caractère proprement féminin, cet attrait pour le chocolat. Remarquez, je suppose que ce livre n'en est plus à quelques traces près ...
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MessageSujet: Re: Shut up ! (PV Dr Crane)   Shut up ! (PV Dr Crane) EmptyLun 09 Nov 2009, 05:38

Raison de plus pour se contenter du dessert, c'est la seule chose comestible dans ce genre d'établissement, rétorqua Jordan du tac au tac en reposant le gobelet de café sur le plateau, ayant déjà reporté son regard sur son ouvrage.

Toutefois la remarque de son vis à vis sur la nourriture d'un hôpital psychiatrique lui fit relever le nez quelques secondes, le temps d'assimiler ce qu'il venait de dire et d'en tirer les conclusions qui s'imposaient. Elle eut un sourire en coin. Certains sont fiers de se dire "anciens internes des hôpitaux de ***". Lui se proclamait "ancien interné". Croyait-il la faire déguerpir ? Il en fallait plus que ça pour Jordan, "la femme qui murmure à l'oreille des cadavres"... Elle avait une certaine habitude, avec son boulot. Enlevée, prise en otage, enterrée vivante à deux reprises et presque la troisième fois, menacée jusque dans sa salle d'autopsie... ce n'était pas une allusion de ce genre qui la ferait partir. Comme on dit, le plus gêné s'en va ! Et ce n'était pas elle, en l'occurrence !


Je n'ai jamais tenté le service psychiatrique, par contre je peux vous dire qu'en général, la neuro-chirurgie est infecte.

Et sur ce, elle se cala plus confortablement sur son siège, se balançant à moitié, le genou calé contre la table, et tourna la dernière page de The Raven. Pour elle, ce poème resterait à jamais lié à la voix de feu Vincent Price, son acteur favori depuis qu'elle était gamine. Un génie, ce type, dont le rire avait autrefois hanté ses cauchemars d'enfant et maintenant accompagnait ses autopsies. Ses lèvres formèrent sans un son les derniers vers du poème, adoptant le rythme lent, théâtral et angoissant de son idole :
"And the raven, never flitting, still is sitting, still is sitting
On the pallid bust of Pallas just above my chamber door;
And his eyes have all the seeming of a demon's that is dreaming,
And the lamp-light o'er him streaming throws his shadow on the floor;
And my soul from out that shadow that lies floating on the floor
Shall be lifted - nevermore!"

Un sourire vint un instant détendre ses traits tandis qu'elle se repaissait de ces mots qu'elle connaissait pourtant par coeur. Elle aurait pu réciter ce poème les yeux fermés, mais elle ne se lassait pas de le relire. Elle s'interrompit, tira de la poche de sa veste un marque-page qu'elle coinça juste avant le début du
Masque de la Mort Rouge et posa le volume avec soin en équilibre sur sa cuisse, le temps de dégager le doughnut de sous la serviette, d'en mordre une généreuse bouchée et de s'essuyer les doigts pour ne pas laisser de traces sur le livre, qui n'avait pas besoin de ça. Malgré son état de délabrement avancé, elle chérissait le volume et en prenait grand soin - à preuve les nombreuses réparations faites avec minutie pour recoller les feuilles déchirées ou arrachées, la couture très fine façon "point de suture ligamentaire" sur le cuir de la 4ème de couverture, et d'autres détails du même genre.

Elle se replongea avec délectation dans le texte.
"La Mort Rouge avait pendant longtemps dépeuplé la contrée. Jamais peste ne fut si fatale, si horrible. Son avatar, c'était le sang, la rougeur et la hideur du sang. C'étaient des douleurs aiguës, un vertige soudain, et puis un suintement abondant par les pores, et la dissolution de l'être. Des taches pourpres sur le corps, et spécialement sur le visage de la victime, la mettaient au ban de l'humanité, et lui fermaient tout secours et toute sympathie. L'invasion, le résultat de la maladie, tout cela était l'affaire d'une demi-heure."

Le
Masque de la Mort Rouge la fascinait depuis la mort de sa mère, qu'elle avait retrouvée baignant dans son sang. Jusqu'alors, comme tout enfant, elle avait eu peur de ce conte morbide, de ce fantôme errant qui avait réussi à s'infiltrer inexplicablement jusque dans cette forteresse pourtant si bien gardée, si soigneusement close. Mais après avoir constaté de ses yeux d'enfant de dix ans que le malheur ne peut être retenu par aucun verrou ni aucune chaine, elle avait paradoxalement cessé de craindre la Mort Rouge. Peut-être que de savoir qu'on ne peut être en sécurité nulle part avait eu pour effet de l'aider à relativiser. Et le texte était devenu un de ses préférés. Peut-être même avait-il aidé à son choix de carrière, au même titre que d'avoir un père flic et qui voulait à tout prix qu'elle fasse des études de médecine ? Qui sait...

Tout en lisant, elle avait en tête le
Welcome To My Nightmare d'Alice Cooper, l'un de ses chanteurs favoris, dont l'univers morbide et la musique hard rock avaient inspiré ses plus belles chorégraphies quand, bourrée, il lui était arrivé de danser en public, et accompagnaient ses incisions en Y et surtout la rédaction de ses rapports - ce qu'elle détestait. Adolescente, et, plus tard, jeune étudiante en médecine, Alice Cooper, Metallica, Led Zeppelin et Alice In Chains avaient souvent retenti dans sa chambre d'étudiante tandis qu'elle potassait ses cours d'anatomie, comme, aujourd'hui encore, dans sa voiture alors qu'elle faisait les trajets entre son immeuble et l'une ou l'autre des scènes de crime où elle était appelée à tout heure du jour et de la nuit. Pour réveiller, c'est très efficace. Pour donner la pêche aussi... quand on n'écoute pas trop les paroles. Bon, c'était hyper classique, à l'époque d'écouter ce genre de musique quand on voulait se donner un genre rebelle. Ce qui l'était moins, c'était de l'écouter encore à quarante ans en découpant allègrement des cadavres dont on prélevait le cerveau, le coeur, le foie, les poumons et d'autres éléments de ce genre pour les peser, les analyser et ensuite les conserver dans du formol avant de gentiment tout refermer...

Elle venait d'attaquer mentalement
Poison, du même Alice Cooper, et Annabelle Lee dans son recueil, quand le Dr Crane - qui semblait pourtant jusque là aussi peu porté sur la conversation qu'elle - lui adressa la parole. Elle marqua un temps, histoire de ne pas lui sortir des paroles de chansons, puis lui répondit :

C'est ce qu'on dit, oui. Pourtant, je parierais que le nombre d'hommes chocoholic est à peu près égal à celui de femmes... Ils l'avouent moins ouvertement, c'est tout. Non, moi je dis : le véritable ami de la femme, c'est le pot de Ben&Jerry's Brownie Fudge, ajouta-t-elle avec un sourire narquois, qui disait clairement qu'elle faisait preuve d'autodérision.Quant au livre, si ça n'avait tenu qu'à moi, croyez bien qu'il n'aurait jamais été dans un état si pitoyable. Et il n'a pas besoin de traces de chocolat pour couronner le désastre !
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MessageSujet: Re: Shut up ! (PV Dr Crane)   Shut up ! (PV Dr Crane) EmptyMer 25 Nov 2009, 01:51

Jonathan leva un sourcil amusé à la réponse de sa vis-à-vis. Calme, mais une verve certaine – s'il n'aimait pas à outrance qu'on lui réponde celle-ci était assez amusante. Son irritation quelque peu déchargée, il haussa les épaules, ne ressentant pas le vif désir de s'enflammer pour la défense de la gente masculine. Certes, la plupart des femmes ne constituaient à ces yeux qu'autant de harpies grinçantes et souvent bruyantes, qui alternaient les crises de sentimentalisme propres à leurs hormones où à leur rôles dans la reproduction, et les crises d'autorité complexées féministes – pour autant, il ne se considérait pas comme quelqu'un de particulièrement misogyne. Le sexe masculin ne trouvai pas spécialement grâce à ses eux, lui non plus, en règle générale. Oh, peut-être un peu moins usants sur le plan du volume sonore, mais là encore, attendez de les mettre devant un match de football et la balance repasserait aussitôt à la tendance inverse.

Ce n'est peut-être pas tout à fait faux, lui accorda-t-il en avisant leur voisin de derrière, qui, dans une discrétion qui laissant entrevoir des années d'entraînement avec les plus grands maîtres ninjas, avait choisi ce moment pour s'essuyer furtivement ses mains souillés de glaçage fondu sur son pantalon. En tous les cas, ce ne sera pas "patte de velours" là derrière qui vous contredira. Au moins, je sauve l'honneur en n'étant pas concerné, je suppose ...

Ses derniers mots avaient néanmoins aiguisé sa curiosité, le livre se posant comme objet de mystère à déchiffrer et analyser. Ses yeux suivant chacune des écorchures soigneusement pansées, un petite couture légèrement visible depuis l'endroit où il était assis, qui donnait au volume l'impression saugrenue d'être passée entre les mains du docteur Frankestein.

Les couleurs passées du quatrième de couverture semblaient le narguer, le défiant de détourner le regard. Peu enclin de laisser un livre lui manquer ainsi de respect, il jeta au livre un regard supérieur avant braquer obstinément ses yeux vers son propre plateau. Assiette moins d'à demi-vide, un non définitif. Reprenant une gorgée de "bonbon au thé" – un peu moins chaud qu'il ne l'aurait désiré, mais il faut dire qu'il l'appréciait particulièrement bouillant - il se saisit de la pomme avec la ferme intention d'en faire la principale substance de son déjeuner. De leur position d'arrière-poste au coin du plateau, les Ruines lui jetèrent un petit regard presque amical ... Il aurait pu se laisser tenter par ces cinq jeunes innocents, gaiement et lentement sucés jusqu'à la moelle par un champ de ronces délicieusement sournoises mais compte tenu de son humeur du moment, cela aurait été clairement et simplement du gaspillage. Certes, relire la lente montée d'angoisse, qui poussait le jeune Eric à s'ouvrir la chair pour en extirper les ronces qu'il était convaincu de sentir courir au sein de ses veines, ne manquait que rarement de le mettre d'humeur délicieuse ... Mais il préférait se réserver sa relecture pour lorsqu'il serait en mesure d'apprécier ce long cri d'horreur qui s'y distillait peu à peu au fil des pages.


Et que lui est-il donc arrivé, à ce fameux livre ? Simple curiosité. Son regard s'attarda sur les tâches de sang qui tâchaient la couverture . Vous avez dû vous en servir pour mettre en fuite un pervers ? J'espère pour lui que ce dernier n'a pas fini sur votre table d'opération ...

Il coupa un quartier de sa pomme, qu'il partagea en deux, avant de porter à sa bouche la moitié bordée de rayures laissées par ces couteaux à bout rond qui semblent intrinsèquement supposés par toute cantine qui se respecte. On pouvait sentir qu'elle n'était pas farouchement mûre, malgré l'habile tentative des cuisiniers d'anesthésier les papilles gustatives de leurs "clients" en les portant au degré zéro, mais c'était somme toute l'aliment le plus respectable du plateau.

Remarquez, dans ce cas, travailler comme médecin légiste doit être l'un des métiers les plus intéressant en ce qui s'agit de dissimuler les preuves ...

Il aurait peut-être dû choisir cette dernière profession, à la réflexion. Pas de réclamations, pas de discussion inutiles ... Et il n'était pas toujours dommageable de rester dans l'envers du décor, cela permettait au moins d'éviter d'attirer l'attention de quelque assistante du procureur un peu trop déterminée à venir fourrer son petit nez de fouineuse dans ses affaires – et de lui attirer l'attention du batman qui devait fatalement s'ensuivre. Cependant, passer son temps à découper de la viande morte, bien que cela constitue probablement un travail d'une intéressante précision, ne devait pas être des plus "stimulant". Et les cadavres ne constituaient pas une matière première de choix lorsqu'il s'agissait de se trouver des cobayes : un peu trop "morts", ce qui pouvait constituer un obstacle non négligeable quant il s'agissait d'observer leurs réactions.
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MessageSujet: Re: Shut up ! (PV Dr Crane)   Shut up ! (PV Dr Crane) EmptyMer 25 Nov 2009, 04:05

Jordan jeta un oeil au dit "patte de velours", eut un rictus ironique, mais s'abstint de tout commentaire et reprit le fil de sa lecture abandonnée, son gobelet de café insipide et froid - summum de l'horreur ! - à la main, qu'elle finit par vider d'une traite. Les trucs pas bons, c'est comme les médicaments : faut les avaler d'un coup, histoire de les avoir en bouche le moins longtemps possible. Elle reposa le gobelet vide avec une grimace qui trahissait son opinion au sujet de l'espèce de liquide infâme qu'elle venait d'ingurgiter et, histoire de faire passer le goût infect, piocha un morceau de beignet.

Annabelle Lee venait de s'achever et laissait la place à Morella, Morella dont le cadavre avait déserté la tombe. Jordan laissait son regard errer de mot en mot, son esprit convertissant les lettres en images, un sourire errant sur les lèvres.
Ce que j'éprouvais relativement à mon amie Morella était une profonde mais très singulière affection. Ayant fait sa connaissance par hasard, il y a nombre d'années, mon âme, dès notre première rencontre, brûla de feux qu'elle n'avait jamais connus ; mais ces feux n'étaient point ceux d'Eros, et ce fut pour mon esprit un amer tourment que la conviction croissante que je ne pourrais jamais définir leur caractère insolite ni régulariser leur intensité errante. Cependant nous nous convînmes, et la destinée nous fit nous unir à l'autel. Jamais je ne parlai de passion, jamais je ne songeai à l'amour. Néanmoins, elle fuyait la société, et, s'attachant à moi seul, elle me rendit heureux. Etre étonné, c'est un bonheur ; et rêver ; n'est-ce pas un bonheur aussi ? L'érudition de Morella était profonde. Comme, j'espère le montrer, ses talents n'étaient pas d'un ordre, secondaire ; la puissance de son esprit était gigantesque. je le sentis, et, dans mainte occasion, je devins son écolier. Toutefois, je m'aperçus bientôt que Morella, en raison de son éducation faite. à Presbourg, étalait devant moi bon nombre de ces écrits mystiques qui sont généralement considérés comme l'écume de la première littérature allemande. Ces livres, pour des raisons que je ne pouvais concevoir, faisaient son étude constante et favorite ; et, si avec le temps ils devinrent aussi la mienne, il ne faut attribuer cela qu'à la simple mais très efficace influence de l'habitude et de l'exemple.
Jordan aimait moins ce texte, mais pour rien au monde ne l'aurait "sauté". Elle lisait toujours le volume en entier, advienne que pourra. Alors qu'elle tournait une page et que sa main partait à la recherche du beignet sans le concours de ses yeux, il y eut un sifflement et un appel :

Cavanaugh ! B*tch !

Elle n'eut même pas besoin de lever le nez pour savoir de qui provenait la flatteuse épithète. Elle en avait entendu des pires. En l'occurrence, le charmant personnage était un chirurgien imbu de lui-même - pléonasme - qui ne lui pardonnait pas d'avoir flétri sa précieuse fierté en lui envoyant dans les dents alors qu'il la draguait en essayant de l'impressionner avec des histoires d'aliens, qu'elle n'en avait strictement rien à faire. Elle se rappelait encore mot pour mot le speech qu'elle lui avait sorti :

Premièrement, il n'existe à ce jour aucune preuve scientifique d'une quelconque vie extraterrestre. Deuxièmement, même en admettant l'improbable possibilité qu'il existe vraiment des aliens quelque part, il n'y a pour ainsi dire aucune chance qu'ils s'intéressent à une planète de troisième zone, dans un système solaire de quatrième zone, appartenant à une galaxie de dixième zone. Et même en poussant le raisonnement jusqu'à l'absurde et en imaginant qu'ils débarquent un jour sur notre planète - supposition tellement improbable que le simple fait d'en parler relève de l'aberration mentale, mais il faut parfois descendre dans les abysses pour se faire comprendre - tu ne risquerais absolument rien : visiblement, au moment de ta conception, le cerveau était en option et tes parents ne devaient pas avoir assez pour t'en payer un.

Elle avait conclu en déposant un billet sur la table :

Mais tu ne dois pas te décourager : si tu économises assez longtemps, peut-être qu'un jour tu pourras pallier à ce manque... voilà toujours de quoi démarrer.

Cet échange avait eu lieu deux mois auparavant. Depuis, il la gratifiait de ce charmant surnom de b*tch chaque fois qu'il la voyait. Elle hésita à répondre en levant la main droite, dos tourné vers l'importun, l'index et le majeur dressés bien haut en un magnifique "up yours", mais finit par choisir une réponse verbale, sans se départir de son calme ni abandonner les lignes chéries :

A la richesse de ton vocabulaire, je constate que tu n'es toujours pas allé t'acheter un cerveau, Peròn. Il serait temps d'y songer, après tu risquerais de faire un rejet. Déjà qu'il n'est pas sûr que ton organisme supporte la greffe maintenant...

L'autre, suffoqué, s'en fut la queue entre les jambes, laissant la légiste maître du terrain, comme tous les jours. Elle ne put totalement retenir le petit sourire qui lui vint aux lèvres et, marquant de l'ongle un nouveau point sur un tableau imaginaire, marmonna pour elle-même :

The Raven : 36 ; débile lobotomisé : 0.

C'est à cet instant qu'elle entendit son vis à vis lui poser une question. Relevant de nouveau le nez de son ouvrage, elle le gratifia d'un regard vaguement intéressé - aimable serait beaucoup dire - le temps d'enregistrer ce qu'il lui disait. Un sourire amusé vint étirer ses lèvres.

Oh non, j'ai trop de respect pour les livres pour m'en servir de cette façon. Et puis je n'aime pas à me salir les mains, dans ce genre de cas, le talon-aiguille est plus efficace. Non, en l'occurrence, il a servi d'exutoire à une bande de dindes hystériques qui partageaient la conception de la culture de feu Heinrich Himmler et pensaient que leur manque d'intelligence passerait un peu plus inaperçu en détruisant un objet dont elles étaient incapables de saisir le maniement et à plus forte raison le contenu, et en le faisant se retourner contre sa propriétaire - moi dans le cas présent. Aucune n'a pour le moment fini sur ma table d'autopsie, mais on ne sait jamais...

Jordan avait sorti ce petit speech avec un sourire un peu carnassier. Pas de misérabilisme, juste cette froide ironie dont elle avait au fil des ans fait sa marque de fabrique. Calant le marque-page à l'endroit où elle avait abandonné sa lecture, elle posa l'ouvrage sur son genou et reprit une bouchée du beignet, qu'elle avala avant de répondre à la deuxième remarque :

Pour dissimuler les preuves, je ne sais pas. Par contre, ça a l'avantage de vous faire voir tout ce qu'il faut éviter si vous souhaitez commettre un meurtre. Je suis certaine que si jamais un jour le meurtre parfait devait être commis, il le serait par un légiste. Il suffit de bien potasser la question. Je parle de meurtre au premier degré, bien sûr, parce que pour le second degré, ce n'est pas vraiment de notre ressort.

Elle haussa les épaules et avala sa dernière bouchée de beignet. Elle s'essuya les mains et rouvrit le livre, désireuse de finir au moins Morella avant de retourner à ses scalpels. Ce qui lui apparut comme fortement compromis quand elle jeta un regard à sa montre. Tant pis. Elle n'avait qu'une autopsie cet après midi là et cela ne la gênait pas de rester tard le soir - même, elle préférait, au moins, elle était toute seule et on lui foutait la paix. Elle rattraperait son éventuel retard sur ses heures du soir.
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MessageSujet: Re: Shut up ! (PV Dr Crane)   Shut up ! (PV Dr Crane) EmptyJeu 10 Déc 2009, 20:46

Le calme relatif de leur table était trop beau pour durer, bien sûr, et il ne tarda pas à être interrompu par un cri dont la subtilité évoquait d'elle-même tout l'intérêt de la conversation que ce dernier se disposait à leur accorder. Il tourna un regard irrité en direction de celui qui les avait interrompu – enfin, si l'on pouvait considérer qu'il ait interrompu quoi que ce soit. Un chirurgien, de toute apparence. Ô joie. Il n'y avait pas de meilleure compagnie que ces super-héros en culottes courtes : après avoir colmaté un ou deux trous dans les tas de tripes mis à l'air qui constituaient leurs patients, ils se croyaient bien souvent gratifiés du don de donner la vie, ce qui avait généralement le don de les rendre imbuvable pour le "commun des mortels". Néanmoins, comme les choses s'annoncèrent, s'il n'eut pas à écouter les élucubration de ce dernier, il eut en revanche tout le loisir de juger des dons de cette la légiste en matière d'interaction professionnelle. Et ma foi, si elle était un peu directe à son goût, au moins elle avait probablement le mérite d'être claire. Et un certain savoir-faire en ce qui s'agissait de manier le verbe.

Charmant sens de la communication., remarqua-t-il d'une voix qui trahissait une pointe certaine d'ironie.

Je devrais peut-être m'en inspirer pour dialoguer avec mon chef de service. Il semble ne plus excessivement m'apprécier depuis que j'ai tenté de lui indiquer le gain de temps et d'argent que ferait l'hôpital en indiquant aux patients non-assurés amenés pour tentative de suicide quelques moyens simples pour ne pas se rater.

Il haussa les épaules à ce souvenir. Les gens avait toujours cette tendance à s'enflammer dès qu'on touchait de près ou de loin, même sans y voir particulièrement à mal, à l'intégrité de leurs précieuses valeurs. Et après c'est lui qu'on accusait d'entretenir un sens de l'agressivité trop exacerbé. Allez plutôt expliquer cela à ces végétariens à l'esprit pur qui affichent sur les murs des photos d'entrailles de vaches débitées pour illustrer leurs idées.

Achevant les dernières parcelles de sa pomme avant qu'elle ne noircisse – l'une des raisons pour lesquelles la pomme n'entrait pas dans le top 5 de ses fruits préférés – il contempla les derniers mots de son interlocutrice, quelque peu songeur. S'il ne se trompait pas, la demoiselle et lui semblaient avoir quelques points communs en matière de relations sociales. L'idée le contrariait, comme si cette dernière s'était emparée d'un pan de sa vie privée, qu'il ne l'avait pas autorisée à partager, pour l'afficher comme un étendard aux moindres oreilles indiscrètes qui voulaient bien en profiter. Jusqu'à ce calme légèrement cynique et certainement horripilant avec lequel elle abordait le sujet ... Ses doigts se crispèrent l'espace d'un instant sur sa fourchette, mais, s'en apercevant, il les força à se détendre et leva les yeux pour croiser ceux de sa vis-à-vis.


Contre des personnes de ce type, il n'y a qu'une chose qui s'impose ... Un sourire profondément mauvais vint traduire sans grande équivoque le fond de sa pensée, et, d'un coup sec de l'index il lâcha la carcasse défunte du fruit qu'il avait consommé, qui s'échoua dans son assiette à demi-consommée comme un cadavre abandonné à la merci des charognards et des intempéries. Il s'essuya les mains sur sa serviette en papier avec grand soin, effaçant les moindres traces de trépas du malheureux végétal.

Puis il ôta ses lunettes, observant son interlocutrice avec la plus grande attention, de son allure probablement volontairement quelque peu négligée à ses cheveux d'un brun profond, comme le sombre plumage d'un corbeau, jusqu'au volume détérioré mais non moins soigné qui reposait entre ses mains. Visage assez impassible par rapport à la moyenne habituelle des individus de son sexe, avec lesquels contrastaient des yeux d'une vivacité certaine. Mettant pour un temps son irritation de côté, il décida qu'il s'agissait de quelqu'un de suffisamment intéressant pour qu'il prenne la peine de jouer un peu avec elle. Sans quitter Jordan des yeux, il se chaussa donc de son sourire le plus onctueux pour poursuivre d'une voix suave :


Après tout, comme vous l'avez vous-même si bien constaté, vous connaissez tous les ingrédients nécessaires à l'élaboration d'un travail parfait. Vous n'avez qu'à prendre ceci comme une œuvre d'utilité publique, un service à la nation, la fuite des cerveaux inutiles, ce qui vous fait plaisir. Et si tout cela vous gêne, il y a bien d'autres moyens de s'assurer qu'une personne n'ait plus jamais les moyens de vous déranger ...

Il se servit un verre d'eau dont il prit quelques lentes gorgées, puis le reposa à droite de son assiette, et, riant légèrement, il remis ses lunettes à leur place habituelle et repris un visage plus officiel, qui, s'il ne manquait pas de traduire toute l'ampleur de son égo, lui donnait un air plus inoffensif.

Enfin, tout ça n'était pas bien sérieux. Il recula quelque peu pour s'adosser tranquillement contre sa chaise, s'amusant à passer le doigt le long du cercle que formait le rebord de son verre. Mettez ceci sur le compte de l'imagination morbide un peu trop développée d'un psychologue qui a vu d'un peu tout près les esprits dérangés d'une petite ville qui n'était pas si tranquille. Même si, d'un certain côté, je n'étais plus employé lorsque se sont présentés certains des cas les plus gratinés ...
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MessageSujet: Re: Shut up ! (PV Dr Crane)   Shut up ! (PV Dr Crane) EmptyVen 11 Déc 2009, 05:19

Il devait être écrit dans les astres, ce jour-là, que Jordan ne pourrait finir sa lecture avant de retourner au sous-sol charcuter quelque cadavre plus ou moins fraîchement débarqué. Pourtant, têtue, elle n'entendait pas renoncer, cela dût-il signifier qu'elle rentrerait chez elle à trois heures ce soir-là. Relevant le nez en retenant le soupir d'exaspération qui voulait se frayer un passage jusqu'à ses lèvres, elle reporta son attention sur lui alors qu'il formulait son compliment ironique et y répondit d'une inclinaison de la tête machinale. Par contre sa remarque lui tira de nouveau un sourire ironique.

Réaction stupide. Pourtant, votre remarque était pertinente, moi ça me permettait de remplir mes quotas et tout le monde y gagnait.

Sérieuse ? Moqueuse ? Bonne question. Pas moyen de le dire, rien dans la voix, l'attitude ni l'expression de Jordan ne trahissait son sentiment réel quant à ce qu'elle venait de dire. Et déjà, elle retournait à son ouvrage. Pour un instant seulement. Elle n'était plus concentrée. Elle remit le marque page en place en relevant les yeux sur Crane, juste avant qu'il ne parle. Avait-elle remarqué sa crispation fugitive ? Si oui, là encore, elle ne laissa rien transparaître. Pas même dans son regard quand il croisa celui que Crane tourna dans sa direction, direct pour la première fois depuis qu'il s'était assis en face d'elle. En revanche, elle faillit arquer un sourcil face à l'angle sans équivoque de son sourire. Mm. On aurait presque dit qu'il parlait d'expérience. Jordan n'avait aucune prétention en matière de psychologie, mais elle reconnaissait la rancoeur quand elle l'entendait. Et cette petite phrase-là, c'était de la rancoeur à l'état pur. Son regard se posa sur le trognon abandonné. Il n'y avait là non plus aucune ambiguïté, aucune hésitation à avoir... Elle releva les yeux.

Sur ce point-là, je vous suis.

Oh oui, elle le suivait. En avait-elle eu, des envies de meurtre, quand les houries de l'école la martyrisaient ! Comme elle avait pu souhaiter qu'elles crèvent, toutes autant qu'elles étaient, qu'elles crèvent lentement, mais sûrement, d'une manière ou d'une autre, dévorées par les fourmis ou les rats, déchiquetées par ce chien qui avait à jamais laissé la marque de ses crocs sur sa cheville - à cette pensée, elle décroisa les jambes et tira machinalement sur le bas de son jean - enfermées dans une tour sans eau ni nourriture, obligées d'avoir recours au cannibalisme pour espérer survivre un peu lus longtemps que les autres - elle venait alors de finir Ugolino d'Heinrich Wilhelm von Gersteinberg - soumises aux tourments des damnés de l'Enfer - celui de Dante, l'autre, il y avait longtemps qu'elle n'y croyait plus guère... Elle s'était délectée à imaginer les supplices qu'elle leur infligerait... Aujourd'hui encore, malgré le temps et l'expérience, malgré son choix de carrière, malgré tout ce qui faisait d'elle l'adulte qu'elle était désormais, c'était encore avec gourmandise qu'elle repensait à ces rêves morbides de l'enfant avide de revanche qu'elle était à l'époque... et elle ne pouvait empêcher un sourire carnassier de venir étirer ses lèvres...

Et puis... et puis sa mère était morte. Elle avait vu ce que c'était que la mort, la mort violente. Et elle avait laissé tomber. Par lâcheté, peut-être. Elle n'avait que dix ans, à l'époque. Si Emily avait vécu, que serait-elle devenue ? Elle avait la réputation de n'être pas tout à fait saine d'esprit, et quand sa mère avait fait un séjour en psychiatrie, elle avait connu une période de relative tranquillité, ses bourreaux en jupe plissée ayant peur de "la fille de la folle". Dommage, ça n'avait pas duré...

Elle secoua la tête pour sortir de sa rêverie et reprit le livre là où elle s'était arrêtée. Plus que six lignes... cinq... quatre... trois... deux...

Elle ferma un court instant les yeux en entendant de nouveau la voix de son vis à vis et faillit refermer le volume avec sècheresse, tournant la tête vers lui, mais deux éléments suspendirent son geste. Premièrement, Crane avait posé ses lunettes et c'étaient deux yeux d'un bleu extraordinaire qu'elle avait à présent face à elle, sans l'éclat des verres pour faire barrage, et qui surmontaient un sourire, certes plus mielleux qu'aimable, mais un sourire malgré tout. Deuxièmement, la teneur de son discours ne manquait pas d'intérêt, même si elle faillit faire éclater Jordan de rire. Ce genre de terrain, pour glissant qu'il fût, était trop tentant pour qu'elle ne s'aventure pas dessus.


L'utilité publique m'est indifférente, la nation plus encore, quant à la fuite des cerveaux inutiles, l'idée est tentante, mais je suis bien trop indolente pour me lancer dans une tâche pareille, une vie n'y suffirait pas. Cela dit, j'y songerai, pour l'amour de l'art...

... ou du cochon ! parce qu'il y avait de quoi se poser la question sur ce qu'elle disait ! Plaisanterie ? Peut-être... ou pas... C'est qu'elle était chiche d'y songer sérieusement, en plus !

Elle prit là encore soin de ne pas laisser transparaître sa déception quand les lunettes revinrent former barrage à l'éclat de ses yeux et recroisa les jambes, poignets croisés sur le genou, le livre dans la main gauche, l'index marquant la page - elle n'avait toujours pas renoncé à l'espoir de finir Morella à un moment ou à un autre avant de bosser. Elle pouffa.


Si vous pensez que votre imagination est morbide, n'allez jamais faire un tour dans la mienne, ça vous ferait drôle... Cela dit, si vous aviez trouvé votre bonheur ailleurs, pourquoi venir vous enterrer dans un trou pareil ?

Et toi, Jordan, pourquoi poser la question alors qu'il y a deux minutes tu commençais sérieusement à envisager de lui demander d'aller voir si l'esprit du "locked-in syndrom" que tu as sorti du casier de la morgue hier matin pour le confier aux bons soins des infirmières offrait des possibilités plus alléchantes que le menu de la cafétéria ?

Tiens, il lui avait fait un drôle d'effet, celui-là... Elle avait déjà commencé l'incision en Y quand elle s'était aperçue que le sang coulait de la plaie abondamment. Pas normal, ça... Elle avait vérifié... Pouls faible, et irrégulier, mais présent, respiration, idem... Elle avait appelé en urgence... les urgences. Puis avait poussé une des plus grandes gueulantes de sa carrière contre son chef - qui avait procédé aux premières constatations et avait foiré du tout au tout. Il était vraiment temps qu'il prenne sa retraite, le vieux pervers !

Mais revenons-en au présent, voulez-vous ?
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MessageSujet: Re: Shut up ! (PV Dr Crane)   Shut up ! (PV Dr Crane) EmptyDim 20 Déc 2009, 21:16

Sa vis-à-vis semblait ne devoir s'offenser ni de ses sarcasmes, ni des allusions normalement contraires aux principes de quelqu'un qui se plaçait de par son métier, en toute logique plutôt dans le camp de la police. Ceci dit, les légistes formaient une catégorie un peu à part ... Après tout, eux ne se centraient pas sur l'activité d'aider les vivants mais bien d'analyser et de cataloguer les morts. Il avait toujours pensé que les policiers, du fait de leur expérience des scènes de crime, feraient d'excellents criminels ... Maintenant, il était tenté d'y inclure aussi les légistes, qui avaient les connaissances et le détachement face à la mort nécessaires pour fournir un travail plus que potable. Et les psychologues, mais seulement ceux de son propre niveau.

Pour l'instant, cependant, il hésitait encore quant à savoir de quel côté de la barrière placer la demoiselle. Il ne faisait aucun doute quand au fait qu'elle ait compris qu'il avait dépassé le stade de la simple plaisanterie, mais rien ne venait trahir l'avancée de ses réflexions. Il ne faisait cependant aucun doute quant au fait que cette dernière prenait les choses quelque peu plus sérieusement que son ton détaché ne le laissait supposer ... Qu'il s'agisse d'un test pour tester jusqu'où il pouvait aller, ou bien qu'elle soit réellement intéressée par ce qu'il disait, il était néanmoins parvenu à lui faire mettre Edgar Allan Poe de côté, du moins temporairement. Cette petite avancée valait bien qu'il poursuive un peu la conversation, non ?


Divergence d'opinion. La justice de ma ville d'origine ne voyait pas la fuite des cerveaux inutiles comme une priorité. Alors j'ai décidé de revenir sur le droit chemin. Bien moins divertissant, certes, mais plus agréable que les solutions de substitution en ce qui concerne le bien-être journalier.

Droit chemin, droit chemin, jolie façon d'enjoliver les choses, et bien éloignée de la réalité. Cependant, ça, son interlocutrice n'était pas obligée de le savoir. La manière la plus efficace de garder un secret, avant même d'en tuer le dépositaire, a toujours été de n'en faire profiter la moindre personne. Bien sûr, elle ne semblait pas du genre à se laisser berner par le numéro du petit repenti. D'un autre côté, sans cela la conversation n'aurait pas le moindre intérêt. Rassemblant ses restes sur son plateau, il rangea les couverts et mis en place le dossier et le livre qui le surplombait, avant d'accorder toute son attention, à son interlocutrice, doigts croisés devant lui et regard posé sur la légiste pour l'observer avec attention. Elles semblait être de celles qui réfléchissent plus en elle-même qu'elles ne laissent percer ce qui se passe au sein de leur esprit, et il ne doutait pas que ce dernier ne renferme quelques pensées bien plus sombres qu'elle ne pouvait le laisser supposer. Quant à savoir si ces dernières étaient réellement plus sombres que les siennes ... Il en doutait encore quelque peu.

Si votre imagination est si morbide que vous le prétendez, je suis curieux de savoir ce qu'elle peut bien recéler ... Prenez garde cependant de ne pas vous y perdre, vous pourriez bien ne plus jamais retrouver votre chemin. Remarquez, dans ce dernier cas, vous n'aurez qu'à me rendre une petite visite à son bureau.

Bien que l'idée puisse être tentante – après tout, le seul légiste dont il ait jamais étudié la psyché était un vieux débris hanté par ses années de service à la guerre du Vietnam – il doutait que cette dernière soit de celles dont la fierté acceptait de se laisser livrer honnêtement à une séance de psychanalyse. Il avait le sentiment, pourtant, qu'elle faisait partie de ces personnes dont l'esprit rodait à la lisière de ces territoires si sombres dans lesquels ses plus intéressants patients d'Arkham avaient délicieusement sombré. Nul doute qu'une entrevue avec cette dernière serait plus intéressante que le dossier de Mme X, retrouvée la tête dans le four pour s'être probablement fait traiter de bovidé d'une taille raisonnable par son ancien fiancé.

Cependant, sur le plan de la pratique, j'ose croire que je vous devance de quelques encolures.

Un petit rictus de défi amusé vint ponctuer le terme de ses propos. Il était peut-être moins à la pointe que certains de ses collègues de Gotham sur le plus du meurtre – un esprit brisé représentait, à ses yeux, un résultat bien plus intéressant à observer qu'un amas de chair froide à peine bon à nourrir quelques asticots – mais il avait bel et bien dans son cv quelques activités bien assez malsaines, et doutait quelque peu que la légiste y ait elle-même gouté.
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MessageSujet: Re: Shut up ! (PV Dr Crane)   Shut up ! (PV Dr Crane) EmptyDim 27 Déc 2009, 21:22

Jordan avait le sentiment d'intriguer son interlocuteur. Il faut dire que, jusqu'à présent, elle avait tout fait pour, entre phrases sibyllines et petites provocations plus ou moins innocentes. Comment pouvait-elle avoir ce sentiment, alors que rien, absolument rien dans son expression ou son attitude ne permettait d'affirmer une chose pareille ? Peut-être l'intuition... mais Jordan n'y croyait pas. Plus vraisemblablement l'observation machinale et quasi-inconsciente d'une multitude de micro-détails. De même, en l'entendant prononcer l'expression "droit chemin", elle eut beaucoup de mal à retenir le sourire ironique qui entendait s'installer sur ses lèvres. Ces deux mots lui semblaient sonner terriblement faux dans la bouche de cet homme. Et puis, on ne décide jamais de revenir sur le droit chemin, une fois qu'on l'a quitté. On vous y pousse, nuance.

Je suppose en effet qu'il est plus agréable de jouir de la pleine possession de ses facultés mentales que de tenter de se maintenir à la surface contre vents, marées et sédatifs...

Elle était très jeune quand sa mère était entrée en hôpital psychiatrique, mais elle se souvenait d'elle quand elle en était sortie, ce regard flou, cet air perdu, et, sur sa peau, les ecchymoses laissées par les lanières trop serrées de la camisole... Voilà bien une chose qu'elle espérait ne jamais avoir à vivre ! Quitte à péter un jour les plombs, elle estimait qu'il valait mieux complètement sombrer pour ne jamais remonter : au moins, on n'avait pas conscience de sa propre déchéance...

Sortant de sa réflexion, elle croisa le regard attentif du psychologue, posé sur elle, qui semblait chercher à l'analyser, la décortiquer sous tous les angles. Elle soutint ce regard, vaguement amusée. Son métier à elle n'était pas de plonger dans les méandres de l'esprit humain, mais elle avait suffisamment de logique et de bon sens pour deviner en général dans les grandes lignes ce qui se passait dans la tête de ses interlocuteurs. Cependant, Crane lui posait problème. Oh, pas au point qu'elle se prenne la tête sur la question, non. Le jour où Jordan se prendrait la tête sur un sujet de ce genre, il faudrait se poser des questions, parce qu'elle aurait beaucoup changé... Mais lui aussi l'intriguait. Il était évident que ce qu'il lui avait dit plus tôt n'était pas une plaisanterie, et sa remarque précédente ne faisait que confirmer cette évidence. Pourtant, alors que sa raison lui soufflait de se tenir sur ses gardes, Jordan ne parvenait pas à être inquiète. Ce n'était pas être bravache, ce n'était pas du défi. Simplement, elle n'avait pas peur.

A sa remarque, elle haussa les épaules. C'était peut-être un tort, mais elle ne craignait pas son propre esprit. Elle savait que la plupart de ses recoins lui étaient inconnus, que ses zones d'ombres devaient receler des pensées, des souvenirs et des peurs pas très joyce, et elle était consciente que, depuis toujours, elle marchait à la lisière de la folie. C'était un fait, dont elle s'accommodait fort bien, merci. Elle allait répliquer quelque chose, quand une sonnerie lui coupa la parole.
Nothing Else Matters. Traduction : il fallait qu'elle descende en urgence prendre sa mallette et qu'elle saute dans sa voiture pour se rendre à l'un ou l'autre coin de la ville pour constater le décès de quelque cadavre plus ou moins frais. Finalement, elle avait bien fait de ne pas beaucoup manger... Avec un soupir, elle coupa la sonnerie. Elle rappellerait plus tard. Tout en rassemblant ses affaires, elle lâcha :

A moins que je ne me fasse braquer et/ou descendre sur ma prochaine scène de crime, je doute de pousser la porte de votre bureau de sitôt. Mais merci quand même pour la proposition, ça m'évitera d'hésiter quant au choix du malheureux qui devra se farcir ma prochaine évaluation obligatoire.

Elle ne répondit rien à sa dernière phrase. A dire vrai, elle y avait à peine fait attention. Ramassant son sac, elle y fourra Poe et en tira ses clefs de voiture, prit son plateau et laissa tomber machinalement avec une ébauche de sourire aimable :

Bonne journée.

Elle vida son plateau au passage et disparut dans le bâtiment. Moins de deux minutes plus tard, elle en ressortait, portable à l'oreille, mallette à la main, et s'engouffrait dans sa voiture, une archaïque Corvette noire de 1965, en vitupérant contre son interlocuteur :

Démerdez-vous ! Je ne veux aucun vautour de ce genre sur MA scène de crime ! En quelle langue je dois vous le dire ?

Elle démarra rageusement, recula d'un coup, en dépit de la sécurité routière, et eut tôt fait de disparaître en direction du fleuve. Elle ne reviendrait pas à l'hôpital avant plusieurs heures...
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MessageSujet: Re: Shut up ! (PV Dr Crane)   Shut up ! (PV Dr Crane) EmptyDim 03 Jan 2010, 23:25

La réflexion sur les hôpitaux psychiatrique, le premier moment de recul passé, lorsqu'elle évoqua des souvenirs qui n'étaient pas les plus bienvenus à son esprit, éveillèrent sa curiosité. Plus encore que les mots eux-même, quelque chose, une pointe d'amertume dans la façon dont elle les avait prononcés lui donnaient le sentiment distinct que cette dernière savait de quoi elle parlait. Peut-être pas en l'ayant vécu elle-même, cependant, plutôt quelqu'un de son entourage … Son entourage proche, probablement, à en juger par la façon dont son regard glissa sur lui sans le voir peu après qu'elle ait prononcé ces paroles, si habitée qu'elle était par ses propres réflexions … Une question à creuser sans le moindre doute. Il en venait presque à souhaiter que la jeune fille doive réellement prendre le chemin de son bureau, pour une évaluation, ou pire - déformation professionnelle peut-être – et l'on parlait ici bien évidemment de sa profession de semeur de tourments, et non pas son occupation en tant que psychologue – mais l'idée ne s'en faisait non moins intéressante. C'est donc avec une amabilité feinte, mais un soupçon d'intérêt sincère, qu'il répondit :

Et bien, j'attendrai de vous voir passer la porte de mon bureau, alors … Je vous souhaite de venir pour une évaluation obligatoire, et non pas parce que vous vous êtes fait braquée, précisa-t-il avec un sourire qui lui trahissait, bien intentionnellement, clairement le contraire. Si vous êtes encore en état, il s'entend, d'en pousser vous-même la porte le jour où vous serez forcée de vous y rendre. Si vous vous faites descendre, cependant, il vous faudra vous adresser à ceux de votre propre service.

Il répondit à son bonne journée, de toute manière plus mécanique qu'autre chose, par une légère inclinaison de la tête, sans plus d'effusion. C'était bien le type même de phrases inutiles et vides de sens qu'il n'aimait guère se donner la peine de prononcer lorsque la situation ne l'exigeait pas, et ce fut l'ombre d'une amabilité au coin de la bouche de la légiste, qu'il imaginait rare, étant donné son tempérament, qui le poussa à saluer son départ d'une manière ou d'une autre.

Il la regarda s'éloigner, démarche rapide, tout dans son tempérament trahissant l'envie de ne pas s'attarder sur ce qu'il jugeait inutile. Au moins celle-ci associait un tempérament excessif assez féminin à une certaine stabilité de caractère … Il avait le sentiment, pourtant, qu'il valait mieux ne pas se tenir à portée de griffe lorsqu'il prenait à cette dernière l'envie de s'énerver. Ce qui n'avait rien de bien étonnant en soi. Beaucoup de femmes développaient un tempérament d'acier quand elles devaient se plonger dans un milieu si typiquement masculin que le milieu policier – celle qui n'y parvenaient pas finissant généralement à plus ou moins court terme en congé pour dépression ou encore dans une association de ni putes ni soumises …

Une fois sa distraction partie, le brouhaha ambiant s'imposa de nouveau à lui, lui dictant de ne plus trop s'attarder. Ne restait plus que la méduse jaunâtre dans son assiette, qui le regardait de son oeil morne de cnidaire – à supposer que les cnidaire ait des yeux ( et force lui était d'avouer qu'il ne s'était encore jamais posé la question), surmontée par le maigre cadavre de la pomme qui avait commencé à noircir, lui jetant un regard accusateur. Il ne voyait pas ce qui lui valait une telle hostilité d'ailleurs, étant donné qu'elle venait juste de passer dans son processus mental de rejet de méduse à l'animal lui-même … Une sacré promotion s'il en était.

Mais laissant ces réflexions plus profondes pour lorsqu'il n'aurait rien de mieux à faire, c'est à dire lorsqu'il aurait repris son travail, cet après-midi, il jeta un coup d'oeil à sa montre, avant de s'apercevoir qu'il n'avait pas prêté la moindre attention à l'heure à laquelle il était censé reprendre du service. Oups. Et bien, cela lui donnait une raison suffisante pour arriver en retard, au moins, selon sa propre logique. Il alla vider son plateau, prenant soin de ne pas se débarrassé au passage des divers supports papiers qu'il y avait déposés, avant de franchir à nouveau les portes qui le séparaient du service dédié à la psychiatrie.
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